Le saxophoniste et clarinettiste Francesco Bearzatti n’est plus à présenter depuis la notoriété de son Tinissima quartet élaboré en 2008 pour rendre hommage à la belle Tina Modotti (1896-1942 - mannequin, actrice, photographe et militante révolutionnaire italienne plus ou moins connue) avec la Suite for Tina Modotti, par laquelle j’avais découvert ce quartet et son héroïne. Suivirent Suite for Malcolm en 2010, Monk n’Roll en 2013 puis This Machin Kills Fascists en 2015 que le quartet jouait donc ce soir-là à Hyères. Ce dernier opus étant inspiré par le song writer américain Woody Guthrie qui a tant chanté sur sa guitare les laissés pour compte et les injustices de la Grande Dépression au début du siècle dernier, et dont l’évocation sonne particulièrement juste ce soir, lui qui avait inscrit dans sa guitare la phrase titre du disque « This machin kills fascists ».

Francesco Bearzatti Tinissima Quartet
© Florence Ducommun - 2017

Dans le quartet mené par Francesco Bearzatti, il y avait à ses côtés les fidèles Danilo Gallo à la basse et Zeno de Rossi à la batterie, tandis que le trompettiste Giovani Falzone était remplacé par Mirko Cisilino. Nous n’avons pas perdu au change avec ce musicien qui joue dans le quartet pour la seconde fois avec une trompette à clés, curieux instrument surtout utilisé en musique classique et qui à ma connaissance n’est pas utilisé dans le jazz.

Le concert déroula dans l’ordre, mais toujours avec surprise, les différents morceaux enregistrés sur le disque. Je dis avec surprise, car en concert, et surtout en changeant de musicien, l’improvisation autour d’un thème est toujours reine. Entre blues lancinants et rythmes hypnotiques assurés par la belle paire rythmique du batteur et du bassiste, nous avons traversé et retraversé « Okemah », la ville natale de Guthrie, pris le train avec « Long Train Running » ( tenus en haleine par le solo introductif du bassiste vite rejoint par le batteur puis par la trompette hallucinante et la clarinette facétieuse), affronté les tempêtes de sable dans « Dust Bowl », rencontré les vagabonds en guenilles dans « Hobo Rag », marché dans le « NY » des années trente (où le solo initial de basse donnait le frisson, prolongé pour le grand bonheur de tous !) et pleuré sur « When U Left » particulièrement applaudi.

Francesco Bearzatti & Danilo Gallo
© Florence Ducommun - 2017

Toutes les compositions sont du saxophoniste dont « One for Sacco et Vanzetti », où Francesco Bearzatti et Mirko Cisilino poussent la chansonnette. Le quartet reprend en rappel la célèbre composition de Woody Guthrie « This Land is Your Land », où nous restons suspendus au solo de clarinette puis à la basse, Bearzatti et Cisilino descendant dans le public tout à fait convaincu ! Le quartet salue sous un tonnerre d’applaudissements puis revient pour rendre un dernier hommage à leur première inspiratrice Tina Modotti à travers le sublime « Mandi Frioul ».

Nous repartons tous galvanisés par l’incroyable présence et générosité des musiciens. Francesco Bearzatti arpentant la scène, vivant à 200% le concert, le trompettiste longiligne se cabrant en jouant comme un S majuscule, le bassiste nous gratifiant d’un son totalement jouissif et le batteur nous impressionnant par son jeu parfaitement équilibré. Saluons l’impeccable prise de son dans ce joli théâtre où pendant deux heures, nous avons refait le monde et nous sommes révoltés. Notre meneur contestataire s’appelait ce soir Francesco Bearzatti. Votons pour lui !

Francesco Bearzatti Tinissima Quartet ©© Florence Ducommun - 2017
Francesco Bearzatti & Danilo Gallo ©© Florence Ducommun - 2017
Francesco Bearzatti, Danilo Gallo & Mirko Cisilino ©© Florence Ducommun - 2017
Francesco Bearzatti ©© Florence Ducommun - 2017
Mirko Cisilino ©© Florence Ducommun - 2017
Danilo Gallo ©© Florence Ducommun - 2017
Zeno de Rossi ©© Florence Ducommun - 2017
Francesco Bearzatti, Danilo Gallo, Zeno de Rossi & Mirko Cisilino ©© Florence Ducommun - 2017

Hyères - Théâtre Denis
vendredi 27 septembre
Dans le cadre de la Saison "Jazz à Porquerolles"