Cent troisième étape

En ce 8 avril 2017 au Périscope pour écouter le trio du pianiste Fred Nardin, avec le bien connu Leon Parker (batterie) et le contrebassiste israélien, new-yorkais d’adoption, inconnu de votre serviteur, Or Bareket.

Fred Nardin

Marqué par des influences variées, le jeu du pianiste bourguignon appartient à une modernité teintée d’histoire. Et quand on a dit cela, on a tout dit ou presque, non ? Ben oui mais quoi ? Faites-les les chroniques. Concert après concert, année après année. Quelquefois nous nous interrogeons sur le bien fondé de l’exercice. Si l’on excepte le simple plaisir d’écriture, en quoi la remémoration d’instants musicaux plus ou moins longs, plus ou moins bons, quelquefois magiques, d’autres fois si désespérément ennuyeux, a-t’elle un sens ? Nous n’allons tout de même pas marquer l’histoire à la culotte, et même pas à la marge d’ailleurs. Si encore nous avions sorti un disque le 8 avril 1977 intitulé « The Clash », avec un nom de groupe identique, et participé ainsi à l’invention du Punk Rock, nous pourrions frimer. Mais non, ce n’était pas nous. Peut-être que l’on aime l’art après tout. L’art avec un petit a : un peu de modestie que diable ! Imre Kertész écrivait dans les années quatre-vingt que «  L’art est la nature la plus naturelle de l’homme qui ne lui vienne pas de la nature. C’est le trait le plus caractéristique de cet être que la nature a créé pour qu’il ne se contente pas de la nature.  » Prenez ça dans les chailles ! Il nous a justifié le bougre de hongrois nobélisé au tragi-comique inénarrable. On s’égare encore mais oui, c’est bien du concert de Fred Nardin qu’il s’agit dans ses lignes et nous n’en dirons aucun mal eu égard aux sympathiques moments dont il nous a gratifiés en compagnie des acolytes plus haut nommés. D’ailleurs, pour autant que nous nous en souvenions, ce fut un une soirée de modernisme jazz, ce qui sous-entend une référence à la tradition que certains pourraient penser passéiste. Là, voyez-vous le pérégrin se répète (ligne 3 & 4 de ce paragraphe) avec un vocabulaire différent, un soupçon d’emphase, pour ne pas vous lasser. C’est élégant mais cela demeure une répétition et, surtout, l’on n’a toujours rien dit ou écrit de concret. Cependant le modernisme jazz est, dans l’instant, notre contemporain. C’est le présent du présent pour faire court. Et là, c’est toujours plus agréable et par définition moins daté. C’est à tout le moins une bonne raison d’aller au concert et c’est peut-être pour cela que l’on vous en parle et notamment de ce trio dont nous dirons qu’il fut excellent dans son genre. Et quand on a dit cela, le sujet n’est qu’à peine effleuré. Il faudrait pour approfondir que l’on vous entretienne de la justesse du batteur, de sa relation déjà ancienne avec le pianiste et de l’osmose qui les poussa à faire des étincelles tandis que la contrebassiste s’assurait d’être au diapason (métaphore à deux balles), vu qu’il n’était là que depuis huit jours. Il s’en tira très bien d’ailleurs, avec une sonorité riche en rebonds et des lignes inventives. Régulièrement swing, apaisé par des ballades de qualité, funk et chaleureux de temps à autres, créatif comme il se doit, le trio de Fred Nardin montra tout au long des deux sets des qualités musicales qui le placent parmi les meilleurs avec, en sus, une joie de jouer communicative ; joie qui n’échappa pas au public, hélas trop clairsemé à notre goût, mais suffisamment expressif pour aiguillonner ces musiciens affidés à un jazz aujourd’hui, à peu de chose près, synonyme de résistance tant sa présence tend avec le temps à s’amenuiser dans les salles qui lui consacraient auparavant toute leur programmation.

Pour la bonne bouche, nous vous signalons que Pétrarque fut couronné le 8 avril 1341 « Prince des poètes » par le Sénat de Rome. Les lauriers d’Apollon pour un poète ayant dédié son œuvre à sa chère Laure (Laure De Sade pour être précis, aïeule du marquis), difficile de faire mieux.


Dans nos oreilles

Murray Perahia - Goldberg Variationen


Devant nos yeux

La Quinzaine Littéraire, n°