Hier, aujourd’hui, demain

Emmanuel BEX orgue, Simon GOUBERT batterie, Géraldine LAURENT sax alto, David LESCOT voix et trompette, Mike LADD spoken words et Élise CARON chant et flûte.

Lescot entame une histoire.

"C’est le 18 mars, il est 8 heures, un camarade frappe à ma porte.
Ça y est, c’est le coup d’État, ils enlèvent les canons de la Butte  ".

Diction parfaite, tension épidémique. Goubert balaie ses fûts façon chasse-poussières furieux. De courtes phrases musicales giclent du trio alto-orgue-batterie. Y’a urgence. On sent bien qu’ils nous font dévaler les pentes de la Butte. Rien de brownien dans cette furia, pas de précipitation, seulement l’urgence.

"On veut juste des réformes, l’Église et l’État séparés, l’école obligatoire pour tous, le service militaire plus court, le rétablissement du divorce."

Mike Ladd enchaîne avec « Together we are strong », entre funk et douceur.
Élise Caron en délicatesse avec sa voix somptueuse ne chante pas ce soir, elle rap. Ça tombe bien, l’évènement le mérite. Et ça rend le public encore plus attentif. Elle narre la bio d’Élisabeth Dmitrieff. Une héroïne de la Commune d’une actualité confondante. Bex volute, tapisse, orne, soutient, prolonge. Un truc à nouer les tripes.
Avec la Canaille, on est en terrain connu. : duo Caron-Lescot, parlé, scandé, tendu, poignant.
L’incontournable Temps des cerises traité en valse speedée enjazzée que Ladd vient secouer à faire dégringoler les fruits de l’arbre.
L’équilibre récit-musique est épatant, un solo de Bex ici, une envolée de Laurent par là.
Ils ne nous épargnent rien : Les œuvres rappellent la litanie des doléances : le poids des loyers, la fin des privilèges, association et coopérative, possession de l’outil de travail, la liberté de conscience, l’école gratuite laïque, la liberté de l’art et l’art de la liberté,...
Non non, on ne rêve pas : on n’est pas en 2017, on est en 1871.
Faire copuler le jazz et la Commune ? Quelle idée !!! Un accordéon encore, une chorale pourquoi pas. Ben non. Du jazz d’aujourd’hui avec de l’impro en veux-tu en-voilà métissé de slam-rap incantatoire qui lui donne un coup de fouet et ravive ses couleurs. Des champs de coton aux pentes de la Butte, même combat : l’émancipation.
Aucun hasard dans les pièces choisies sinon l’essentiel de ce cri du peuple qui résonne encore : la Commune n’est pas morte. Ils sortent tous sauf Goubert qui se démultiplie des bras, des jambes et des mimiques gourmandes et loin de lui l’envie de battre la chamade.
Enfin la Semaine sanglante. Elle aussi incontournable, inoubliable, enrichie des textes de Ladd et Lescot. Qui poursuivent l’histoire chronologique vers la tuerie finale au Mur des Fédérés. Les derniers coups de fusil, les cadavres en tas.
Géraldine Laurent soloïse seule en scène.
Jusqu’au dernier souffle.

À ceux qui n’auraient pas suivi le cours d’histoire du 19è siècle, ils offrent la quintessence de ces quelques jours de remise en cause de la domination. C’est fort, émouvant et fort émouvant. Le goût d’une manif au coude à coude le poing levé : ce n’est qu’un combat, continuons le début.
Rêvons un instant : et si les Comités d’Entreprise faisaient tourner ce spectacle pour l’édification des masses laborieuses d’aujourd’hui ?

Vendredi 13 octobre 2017
Le Triton
11bis rue du Coq Français
93260 Les Lilas