Fidel Fourneyron "¿Que Vola ?" et Tony Allen "Tribute to Art Blakey"

Des concerts, des spectacles, des rencontres, des conférences et des expositions...
Comme chaque année, les responsables de ce Festival de jazz dans la Nièvre se veulent fidèles à leur ligne éditoriale et ils ont raison.
Leur philosophie : tout mettre en œuvre durant 7 jours pour que des familles du jazz soient réunies dans la cité ducale.
Du 11 au 18 novembre 2017, la ville de Nevers est donc devenue un « carrefour du jazz ».
Au total 30 formations se sont succédées au fil des jours sur six lieux différents répartis dans cette cité historique. Mais le D’Jazz Nevers Festival c’est beaucoup plus que cela.

Philosophie.

Toute l’année, une cheville « jazzistique » ouvrière et militante de la Nièvre, œuvre pour faire découvrir, connaître et partager une musique qui, il faut bien le dire aujourd’hui, attire malheureusement plus de chevelures dégarnies lors des concerts, que celles (chevelures) des générations qui nous poussent ! Et c’est bien dommage.
L’une des raisons aussi pour les organisateurs (jeunes) de partir avec leur bâton de pèlerin pour diffuser ce jazz.
Pour les animateurs d’actions culturelles en nivernais, c’est là l’un de leurs objectifs : partir à la rencontre des très jeunes publics et faire découvrir ce jazz par des artistes musiciens qui le pratiquent au quotidien. Ainsi, des projets pédagogiques sont proposés et même partagés avec des établissements scolaires, collèges, lycées et écoles primaires du département.
Depuis plusieurs années d’ailleurs, une tournée baptisée « Bouts D’choux » voyage du 13 au 17 novembre, à Fourchambault, Varennes-Vauzelles et Nevers à la rencontre des élèves des écoles primaires.
S’ajoutent aussi à ce travail de fond à long terme d’autres missions. Toute l’année, des musiciens interviennent un peu partout sur ce territoire de la grande région Bourgogne-Franche-Comté. Le Centre Régional du Jazz Bourgogne-Franche-Comté lui aussi basé à Nevers, ne cesse de parcourir et d’arpenter avec son porte-voix du jazz et des musiques improvisées, les quatre points cardinaux d’un territoire élargi.

Ainsi, des pèlerins musiciens seuls ou en groupe comme Hervé Sellin, Denis Charolles, Marion Rampal, Jean-Charles Richard, Aymeric Descharrières, Aurélien Joly, ont parcouru où vont parcourir pour la saison jazz, la campagne nivernaise comme le Ping Pang Quartet, Laurent Gaudé et Louis Sclavis, Benjamin Moussay, Eric Bijon, Olivier Py et Benoit Keller, Le Peuple Etincelle, David Patrois… sans oublier le célèbre Big Band de Chalon Bourgogne.
Vous le constatez, les nivernais mettent donc le « paquet » pour que les générations futures prennent si possible le relais pour transmettre et faire vivre cette musique. La tâche demeure difficile et parfois compliquée à mettre en œuvre car il faut du et (des) soutiens. Certes il y en a, mais il en faut davantage pour solidifier cette construction artistique à petits pas continus en milieu rural.

Quoi qu’il en soit, la première soirée de ce 31ème Festival à la Maison de la Culture de Nevers, comble ce soir là, a été superbe, de grande classe. Elle restera, je pense, gravée dans nos mémoires.
Au programme ce soir là, Fidel Fourneyron "¿Que Vola ?" et Tony Allen « Tribute to Art Blakey ».

Première partie.

Fidel Fourneyron ¿Que Vola ?

Le tromboniste actuel de l’ONJ, Fidel Fourneyron avait bien pensé son affaire quand il a eu l’idée d’intégrer à sa formation de sept musiciens, trois grands percussionnistes cubains du groupe Osain del Monte, Adonis Panter Calderon, Barbaro Crespo Richard Et Ramon Tamayo Martinez, invités spéciaux pour sa création et pour sa troisième tournée.
"¿Que Vola ?". Une évocation des chants traditionnels yorubas et des rythmes de la rumba, des morceaux entre autres joués et chantés lors de cérémonies de santeria, qui en comportent vingt trois, Fidel en a choisi trois pour sa création.

Pendant cette première partie de soirée, les rythmes endiablés vont s’enchaîner non stop.
Ensemble, les trois rumberos bien disposés cette fois-ci sur le côté gauche de la scène, se relaient aux tambours bâta ou aux congas et changent de place à chaque morceau, c’est la tradition ! En permanence ils regardent à droite puis à gauche, sourient, crient, lèvent les yeux au ciel, dialoguent et clôturent chaque morceau par un geste rythmique identique des plus précis.
Les moments sont forts, certains même le sont en lisière de la transe.
Côté écriture et composition, Fidel Fourneyron a décidé les changements de rythme, tout a été minutieusement pensé puis noté, il faut dire qu’il s’est souvent rendu dans cette belle île des Caraïbes et là-bas, il a découvert la magie de cette musique, ses codes, et son langage unique comme aussi la grandeur de ceux qui la jouent et l’interprètent. De quoi donner envie ici, au public nivernais, de se retrouver ce samedi 11 novembre dans un ailleurs, sous la chaleur et le soleil.
A noter et d’ailleurs Fidel Fourneyron n’oubliera pas de le préciser lors du concert, Thibaud Soulas contrebassiste et co-directeur artistique du groupe est lui aussi imprégné par cette musique. Il est quelque peu l’initiateur d’une telle mise en place et en scène. Une magnifique première partie de soirée.

Fidel Fourneyron : trombone, direction artistique / Adonis Panter Calderon, Barbaro Crespo, Richard, Ramon Tamayo Martinez : percussions / Aymeric Avice : trompette / Benjamin Dousteyssier : saxophones alto et baryton / Hugues Mayot : saxophone ténor / Bruno Ruder : Fender Rhodes / Thibaud Soulas : contrebasse, codirection artistique / Élie Duris : batterie

Deuxième partie.

Tony Allen Quintet

Après une quinzaine de minutes de pause, le deuxième temps fort arrive, là encore un très grand moment de début de festival. Imaginez l’entrée sur scène de Tony Allen, soixante-dix-sept ans, l’un des pionniers de l’Afrobeat, batteur et auteur compositeur.
Tony salue. Élégant, il s’installe sous les applaudissements, il est coiffé de son chapeau mythique, de lunettes noires et d’une chemise aux couleurs du soleil, celui du continent d’Afrique et de son pays, le Nigéria.
Il est là ce soir pour rendre encore hommage à celui qui lui à fait découvrir la batterie, l’immense Art Blakey. Les deux percussionnistes ont beaucoup de points communs : les deux batteurs ont été accompagnateurs puis ont dirigé leurs propres formations, enfin tous deux se sont installés à Paris. Art y a enregistré de très beaux albums et Tony y vit depuis une vingtaine d’années. Il y a fondé une famille, alors que dire de plus ?

Durant tout le concert, Tony "tient la baraque", assis bien droit, les gestes sont précis et assurés, la sagesse et la sublime élégance d’un Monsieur !
Le batteur indique discrètement du regard à ses musiciens qui le regardent, l’instant de leur intervention ou leur moment de chorusser, d’ailleurs tous ont les yeux rivés sur le Boss.
Rody Cereyon, bassiste sur une cinq cordes est tout près du maître.
Les deux saxophonistes Rémi Sciuto et Irving Acao sont en totale osmose, côte à côte, les jeux se répondent, se juxtaposent et se succèdent, sonorité délicate et ronde pour le ténor, plus percutante pour l’alto.
Au piano Jean-Philippe Dary, coiffé d’un chapeau comme son chef, penché sur le clavier d’un Steinway, s’applique et marque le tempo en accords plaqués mais délicats.

Et puis arrive pour ce « tribute » la reprise version Tony Allen de la célèbre Blues March écrite par Benny Golson et magnifiée par Art Blakey et là, c’est vraiment du très grand Art avec solo du bassiste et pour le thème l’unisson des saxes.
Tony, quant à lui, regarde tout au loin, comme s’il venait d’apercevoir Art Blakey et qu’il voulait lui faire un signe…
Une soirée qui devrait rester marquée dans la mémoire des spectateurs venus pour l’ouverture de ce 31ème D’Jazz Nevers Festival : le bonheur de la musique vivante qu’il nous faut transmettre aux jeunes générations.

Tony Allen : batterie / Jean-Philippe Dary : piano / Irving Acao : saxophone / Rémi Sciuto : saxophone / Rody Cereyon : basse

Fidel Fourneyron ¿Que Vola ?
Fidel Fourneyron ¿Que Vola ?
Fidel Fourneyron, Hugues Mayot
Tony Allen
Irving Acao, Rémi Sciuto
Rody Cereyron
Jean-Philippe Dary
Tony Allen