Le Collectif Pan ! (à Caen) organisait sa soirée "hivernale" pour inaugurer une nouvelle formule de rencontres trimestrielles. Au programme : "Ciel ! Mes Bijoux !" puis "O.R.B.I.T." (Stephan Oliva trio) et enfin le groupe "April Fishes".
> Caen, vendredi 8 décembre 2017, la Fermeture-Éclair, à partir de 19h00
Doudoune (ou manteau de fourrure) et Fermeture Éclair, combinaison chaudement conseillée pour cette soirée PAN ! l’hiver ! Le collectif caennais (PAN ! ex-Collectif Jazz de Basse-Normandie) retrouve ce lieu qu’il fréquente régulièrement pour quelques temps encore avant fermeture définitive de cette salle non certifiée aux normes BBC (option réfrigérateur côté thermique !) mais néanmoins fort chaleureuse (sur le plan humain).
Nouveau nom, nouveau site web, nouvelle programmation annuelle, les musiciens caennais, mouvance créatrice-créative ne sont jamais en panne d’idées. Abandonnant la formule du concert mensuel, ils inaugurent un rendez-vous saisonnier plus roboratif avec entrée, plat et dessert et le trou normand pour patienter assuré ce soir-là par un atelier associatif caennais qui exploite avec enthousiasme et énergie le filon des musiques balkaniques.
En entrée, du local en circuit-court et sans courts-circuits avec Ciel ! Mes Bijoux ! Et, pour pousser le cri de la Castafiore à trois voix, le saxophoniste (baryton, alto et effets ajoutés) Martin Daguerre, le batteur Philippe Boudot et non, pas Morgane Carnet au saxophone (dans ce cas, ce serait le trio Infernale Momus !) mais Jacques Graindorge au Fender Rhodes. Espiègles et joueurs, encore un peu potaches parfois, les trois compères se sont affublés de manteaux appropriés aux frimas trouvés dans les réserves du lieu (!). Cette musique énergique à base de formules mélodiques accrocheuses en ostinato reprend les modes de jeu déjà connus avec Infernale Momus. Le saxophone baryton assurant alternativement avec le Fender Rhodes la fonction de basse (avec effets et amplification) pendant que l’autre libère son imagination et que le batteur impose le tempo (infernal et ludique). Ce jeune trio vient d’autoproduire son premier album. On perçoit bien que cette formule est encore en chantier, en devenir, afin de dessiner sa propre identité. À creuser avec un peu plus de sax alto peut-être (?) et à suivre, certainement...
"C’est un jeune trio et nous n’avons eu que peu d’occasions de jouer depuis sa création à l’Europa Jazz Festival du Mans en mai 2016 [1]" me confiait le pianiste, compositeur et leader Stephan Oliva à l’issue d’un concert qui nous transporta dans un monde d’images, de narrations haletantes, de travellings fluides, de plans subtils, de rêveries poétiques.
Stephan Oliva est un passionné de cinéma, il aime que sa musique colle à des images, réelles ou imaginées. Son approche du piano, son style sont imprégnés de ce rapport au mouvement et à la narration, qu’il joue en solo, en duo (avec Jean-Marc Foltz par exemple), dans un autre trio remarquable avec Susanne Abbuehl et Øyvind Hegg-Lunde (le disque Princess...) ou en plus grande formation (avec Claude Tchamitchian...).
À une époque où les trios réunissant piano, contrebasse et batterie sont légion, il faut, pour sortir du lot, avoir un projet musical fort pensé pour la formule triangulaire avec des complices à fort tempérament. C’est bien ce qu’a su réaliser Stephan Oliva en s’associant à deux musiciens à la hauteur de ses ambitions. Sébastien Boisseau est un contrebassiste qui sait trouver sa place et se rendre indispensable dans bien des contextes. Pour ce trio, il a même apporté des compositions de sa plume. Tom Rainey est, lui, un des batteurs les plus subtils et les plus précis dans le jazz contemporain. Avec finesse, il sait faire chanter les cymbales, vibrer les peaux et gronder les toms, toujours pertinent dans ses interventions et dans sa maîtrise de la métrique comme des développements hors-tempo.
O.R.B.I.T. (pusiqu’il se nomme ainsi) est un trio remarquable, potentiellement stratosphérique qui, on le souhaite, saura trouver de nouvelles occasion de se réunir et de jouer. Il le mérite indiscutablement. Cela permettrait de s’affranchir un peu plus de la lecture de partitions très travaillées. On espère aussi qu’un enregistrement permettra une diffusion plus large de cette musique inventive et subtile. Sans doute un des projets les plus ouvertement "jazz" conduits par Stéphan Oliva.
Venait ensuite le quartet April Fishes, formation rattachée au collectif lyonnais Grolektif bien qu’il soit constitué de musiciens de diverses provenances géographiques.
Je ne pourrai rien vous dire de leur prestation, les contraintes horaires de la SNCF m’ayant contraint à regagner mes pénates avant que ne débute leur concert (22h30 et non 21h30). Le froid a ralenti le timing annoncé mais comme on souhaite que le jazz conserve son caractère imprévisible et élastique, il ne me viendrait pas à l’idée de me plaindre.
Je vous laisse donc regarder les photos de notre ami Sébastien Toulorge qui n’avait pas fait le choix, lui, du transport ferroviaire.
Prochaine soirée au même format en mars pour l’arrivée du printemps.
Photos : Sébastien Toulorge / Texte : Thierry Giard
[1] Lire le compte-rendu d’Alain Gauthier ici- EuropaJazz, le Mans- 21 mai 2016...