Cent trente septième étape

Miguel Zenon

Le saxophoniste alto Miguel Zenon est né à San Juan, capitale de Porto Rico, état libre associé aux États-Unis, et il possède la même coupe de cheveux que Josuah Redman. Son batteur, Henry Cole, aussi. Le pianiste Luis Perdomo étant né au Vénézuela, nous nous demandâmes illico subito ce que venait faire dans cette histoire aux saveurs caribéennes Hans Glawischnig, contrebassiste natif de Graz (Autriche) résidant sous la bannière étoilée depuis plus d’un quart de siècle. C’était de la musique ! Et ce n’est pas d’aujourd’hui puisque le quartet a plus de quinze années d’existence. C’est en soi un concept assez peu courant de nos jours. Alors rassurés quant à la cohésion du groupe, nous attendîmes fort peu avant de constater que l’efficacité du combo était inaccoutumée. Dans un club légèrement garni (allez savoir pourquoi) la musique fut à la hauteur de nos attentes. Savant mélange de rythmes ensoleillés et d’expression contemporaine, ces compositions fortement structurées n’éludèrent pas l’improvisation. La volonté de Zenon que chacun des musiciens ait une place équivalente dans le groupe donna à écouter des soli relevés, la palme revenant au saxophoniste toujours pris entre une intériorisation intellectuelle assumée et une expression lyrique débridée, quasi charnelle. Les deux sets se déroulèrent dans un continuum homogène qui ne baissa jamais d’intensité. Ces quatre-là savaient tenir une audience, croyez-nous, et si l’on regretta (rarement) quelques uns des choix du batteur, nous fûmes particulièrement séduit par la science pianistique de Luis Perdomo, science subrepticement avant-gardiste et la redoutable mais discrète efficacité, du bassiste autrichien. La nuance et la couleur, notamment dans la polyrythmie ne quittèrent jamais l’espace scénique. Elles furent même le sel indispensable à quelques exposés audacieux, conçus pour ainsi dire comme des palimpsestes nourris de références musicales multiples mêlant les genres avec une maîtrise et un bonheur éclatants. Intrinsèquement latin et novateur, Miguel Zenon n’en défricha pas moins les recoins d’une riche identité les yeux et l’esprit tournés vers l’aventure contemporaine. Les auditeurs ne s’y trompèrent pas et demandèrent un deuxième rappel. Il revint seul en scène et délivra un dernier et beau message musical qui paracheva une soirée notablement marquante. Cela se passait à Lausanne, au Chorus, un 16 février 2018, jour qui vit débarquer à La Rochelle, en 1214, le roi d’Angleterre Jean sans Terre, un sacré débauché, à ce qu’il parait, qui ne choisissait ses maîtresses que chez les femmes mariées (une huitaine d’enfants illégitimes recensés) de sa cour mais auquel les commentateurs de l’époque reprochaient plus encore (et surtout) son manque de dévotion religieuse. Bon, il était plutôt logique le bougre d’impie ; s’il aimait les femmes mariées, que serait-il allé foutre avec la vierge ? Selon les historiographes écoutés de nos jours, il fut pour le reste un piètre roi. Qui peut le plus peut le moins. Ce qu’il fallait dire. Et puisque nous en sommes rendus là, voulez-vous que nous vous racontions la fin de l’électrification de la ligne Bucarest – Brasov le 16 février 1969 ou préférez-vous attendre la prochaine chronique ? Nous espérons qu’elle ne sera pas bancale bien que chien-à-trois-pattesques.


Dans nos oreilles

Johannes Wallmann - Love wins


Devant nos yeux

Richard Wagamese - Jeu blanc