Le quartet Melanoïa s’installe en mode écrin : Dejan TERZIC batterie, Josef DUMOULIN piano et Fender Rhodes, Ronny GRAUPE guitare et Christian WEIDNER sax alto.
Dans l’écrin, IXI  : Régis HUBY 1er violon, Johan RENARD 2nd violon, Atsushi SAKAÏ violoncelle et Guillaume ROY alto.
Ils nous chopent par la douceur nostalgique d’une scène de chambre d’enfant avec un ostinato aigu au métallophone, rejoint par le piano puis les cordes. Traum in Traum ( le rêve dans le rêve, par Terzic ), on y plonge. Histoire de ne pas nous laisser badiner avec Morphée, le sax envoie un solo de costaud à décoiffer les moumoutes. Ça sonne comme de la musique classique déniaisée par l’air frais et vivifiant des musiques improvisées.
Schnell qui suit porte bien son nom. On dirait du Steve Reich sous acide. Roy y va d’un solo plein de frottis et ses potes cordistes itou. Là, c’est du classique dynamité au semtex. Deux morceaux et déjà, on ressent cette intensité permanente et sans relâche qui rend le et-en-même-temps impossible : vérifier les sms sur le stupid-phone ? boire une gorgée ? jeter un oeil sur le public ? mieux vaut oublier la macroniaiserie. Eux, ils se baladent d’un tempo rapide à des tempi variants au gré de montagnes russes rythmiques aux angles vifs.
La pièce suivante, de Huby, s’ouvre sur une intro IXI + piano. Que dire ? On est au sommet du sommet, à l’endroit dont on dit quand tu seras en haut, continue de monter. Le guitariste lui, monte encore plus haut que haut, il raconte une histoire fluide, avec des impasses, des raccourcis et des retournements, s’appuyant sur le string quartet en mode vielles à roue. C’est somptueux, intense, réservés aux gros coeurs bien accrochés. À la charnière de l’écrin, au fond, telle une araignée aux aguets, Terzic n’en fait ni trop ni pas assez. Juste, le mec, juste inoubliable.
Sa pièce Bandits nous rappelle que, à défaut de fricoter avec la pleine conscience, il n’est pas inutile de venir en ce lieu avec une écoute au taquet à 200%, tant les idées fusent ; les petits ceci et les petits cela nous submergent par leur variété insaisissable.
Traum in Traum in Traum ( le rêve dans le rêve dans le rêve ) s’adresse aux rêveurs éveillés, une mise en abîme du rêve sur lui-même. Le même métallophone à musiquette lancinante de chambre d’enfant pendant que Jung ouvre sa boîte à archétypes. Comme d’un rêve à peine né mais déjà perçu, Huby émerge a capella du fond du fond du ciel de lit : un ange ? Une angèle ? Entortillé dans la couette, trop chaud dessous, trop froid dessus : Rêvje ? Dorje ? Revje que je rêve ?
Pendant que le violoncelle et la guitare s’expliquent, la couette glisse du lit, l’ange s‘est tiré, pas la musiquette.
La fin, glorieuse, nous mène encore plus loin avec deux pièces de Huby ( Changing lands 1 et 2 ) introduites par un solo de batterie méticuleux qui pérénnise la haute tension à rendre jaloux Enedis et ses gadgets imposés et Belonging, de Terzic qui met en valeur tantôt Mélanoïa tantôt IXI. L’alto et le 2nd violon se battlent, le violoncelle et le piano aussi. On les écoute sans intervenir. Ces mecs sont des géants.
On les rappelle bien sûr.


Vendredi 5 octobre 2018
Le Triton
11bis, rue du Coq Français, 93260 Les Lilas


Le disque qu’il faut écouter !


www.letriton.com