Vingtième équipée

Dans les terres, entre Saône et Dombes, les bénévoles se mobilisent pour que le jazz et ses musiques satellites vivent. Le public agit de même et c’est ainsi que Jazz à Fareins existe depuis seize ans. En ce 23 novembre où la sagesse populaire signale aux imprudents, pas aux impudents, « qu’à la Saint-Séverin, chauffe tes reins », Martha High était là pour réchauffer les douleurs, précédée sur scène par le quintet du saxophoniste baryton Jean-Philippe Scali où figuraient Glenn Ferris et son trombone, le pianiste Fred Nardin, le contrebassiste Samuel Hubert et le batteur Donald Kontomanou. Ces cinq-là firent parler la poudre post bop avec un entrain et une adresse notables, plus particulièrement dans les graves du baryton et du trombone qui se taillèrent la plus belle part des soli. Pour une raison que nous ignorâmes, et ignorons encore, la contrebasse était noyée dans une sorte de bulle ancrée dans les graves très graves, au point que nous n’entendîmes que difficilement les notes les plus clairement aigües délivrées par l’instrumentiste. Ce fut gênant mais pas assez pour me priver du plaisir d’ouïr les finauderies ferrisiennes qui fleurirent ci et là aux bons soins de l’improvisation. Cela ne m’embarrassa pas plus que cela pour écouter le saxophoniste baryton se retourner les poumons sur un solo vrombissant qui clôtura le set de manière fort attractive, suffisamment pour obtenir un rappel bruyamment requis par une salle comble où le champagne coulait à flots (coutume locale respectable). Il va de soi cependant que la majorité des personnes présentes l’était pour l’ancienne choriste de James Brown, « la diva de la soul », « le diamant noir », et caetera, madame Martha High. Moi, en toute honnêteté, j’étais viendu pour esgourder le guitariste danois indiqué sur le line-up du site, à savoir Eric Wakenius, fils de Ulf, le gratteux du dernier quartet de d’Oscar P. A ce jour, c’est d’ailleurs le seul survivant de la formation. Bref comme j’aime bien le père, j’eus été heureux d’écouter le fiston qui tourne souvent en duo avec son géniteur. Faute à pas de bol, il n’était pas là, remplacé par un guitariste au nom italianisant dont j’ai déjà tout oublié. Mais que foutais-je donc là alors ? Pas grand-chose. J’attendis un bon quart d’heure, en supportant le trio accompagnateur en mode entertainment que Martha voulut bien débarquer sur scène pour emballer la salle, enfin presque. Elle vint en rouge et une demi-heure musicale passa, entrecoupée des blablateries habituelles, avant qu’elle ne s’éclipsât. Faut s’économiser, isn’t it ? Oh no, baby please come back ! Et elle revint pimpante et fraîche asséner la seconde partie du message, soul to soul, of course. Et que je te la blues, que je te la funk, que je te la soul et, un peu tout de même, tu me soûlas, Martha, car l’ensemble était couru et rebattu. L’éternel solo de batterie, l’extatique solo de guitare et Hammond, c’est un monde, et il est beau et plein d’amour qui se love dans les mots et les notes… et ce fût sympathique et un peu triste aussi. Contempler l’histoire avant qu’elle ne soit dévorée par l’ombre oublieuse du temps, ce n’est pas ce que je préfère. Martha High eut des hauts, de grande facture, et de la voir se débattre avec son art ancien me fit penser qu’il ne faut pas renier le passé. Hommage à l’Histoire donc en ce 23 novembre qui vit naître en 1703 Louise Lesveque, poétesse et romancière qui écrivit un jour : « il faut que les beaux sentiments soient le fondement de tout ce qu’on expose. » Charmant.


Dans nos oreilles

Marianne Faithfull - Negative capability


Devant nos yeux

Laurent Mauvignier - Continuer


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