trente-troisième équipée

Tout un chacun est à même d’avoir une discussion complète avec un tiers. Et si trois quidams s’entretiennent l’un avec l’autre, les tiers s’additionnent et ne font plus qu’un. L’instigateur de la conversation perd alors son tiers par l’intermédiaire des tierces personnes qui ont englobé les trois parties distinctes initialement présentes dans l’échange. Par conséquent, retrouver les trois unités initiales obligerait à trancher dans le vif, comme on dit à Thiers. Est-ce souhaitable ou peut-on se satisfaire d’un ensemble à trois voix ? J’aurais pu me poser la question l’autre soir en écoutant l’En Corps Trio au Périscope. Encore que. Eve Risser, Benjamin Duboc et Edward Perraud m’en empêchèrent, décidés qu’ils furent à se désunir à l’unisson pour mieux se réunir. Mais l’aventure, c’est l’aventure. Alors pourquoi s’interroger ? Il n’y avait qu’à prendre. Et je pris car il faut aimer l’expérimentation. Et j’en pris plein la tronche de leur mixture musicale car les trois ne furent pas adeptes de la demi-mesure. Deux sets, deux morceaux (de musique). Le premier frôla l’ésotérisme, navigua dans un intervalle sonore à la profondeur mouvante, entre flux et reflux, au gré des lignes contemporaines tracées par les trois commensaux, lignes souvent percussives accompagnées d’un bruitisme organique proche de la guerre intestine. Sur le vif également, le second fut plus ouvert et sis aux abords d’un mélodisme incantatoire furtivement folâtre d’où surgirent quelques échos, entre corps et des à-coups, à la noirceur afro-américaine laissant augurer une issue aussi trouble qu’hypothétique. N’en déplaise aux fervents défenseurs du verbe musical clair, je notai tout au long de la soirée que la participation à l’amalgame des trois vocabulaires en présence fut basé autant sur le refus que sur l’accord, perpétrant ainsi un esprit libertaire qui sied en toute occasion aux tenant de l’irréductibilité. Fallait-il que je m’en plaignisse ? Que nenni. En indécrottable hérétique, j’appréciai que se croisassent les piques aventureuses d’une langue affûtée et propice aux vertiges de mes chimères, surtout qu’elle fut fertilisée par un trio d’incontestables artistes, de ceux capables de convertir à leur séditieuses visions un auditoire quel qu’il soit, atteint ou non d’inexpérience auditive.

Ceci eut lieu un le 26 avril 2019 au Périscope de derrière la gare de Perrache. En 2016, le même jour, fut annoncé la découverte d’une planète naine d’abord et joliment appelée « Easter bunny  » avant d’être nommée pour l’éternité du nom officiel de « (136472) Makémaké ». Ça, c’est presque aussi triste que le décès en 1984, toujours un 26 avril (un jeudi), d’un fils de cocher communément nommé William Basie, Count pour les connaisseurs.


Dans nos oreilles
Ana Vidovic - Federico Moreno Torroba, guitar music 1


Devant nos yeux

Simone Veil - Une vie


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