Quarante-neuvième équipée

Vous connaissez le dicton : « Le jour des morts, ne remue pas la terre si tu ne veux sortir les ossements de tes pères. » Alors quoi ? Que fallait-il que je fisse en ce 02 novembre de l’année en cours ? Attendre le jour des vivants ou aller au Périscope écouter le quartet de Peter Bruun nommé « All too human » ? Je choisis la seconde option puisque la troisième n’existait pas. Avec le guitariste Marc Ducret, Kasper Tranberg à la trompette et au cornet à pistons, Simon Toldam planqué derrière son Moog, son Juno 60 et son (sa) Phillicoda, le batteur Peter Bruun utilisa en sus un clavier Mikrokorg. Une manière comme une autre d’aller à la pèche aux sons. Les quatre ensemble ? Ils furent tous d’accord pour faire du simple avec du complexe, du rassurant avec du fuyant, de l’organique avec des chimères et du lisible, pattes de mouche comprises mais sans rature. Avec de l’espace autour des notes et de l’air entre les phrases, la musique de Peter Bruun se déploya de mystère en évidence. Elle donna au public restreint des raisons de croire aux territoires inféodés par le rêve. Avec un naturel désarmant, elle le laissa croire à l’idée d’un possible humain inassouvissable. Avec certitude, elle lui fit don d’un flux sonore érigeant le contraste en pierre angulaire d’une destinée fugitive. Prise entre des lignes fluides et une percussivité épidermique, agitée de soubresauts, traversée d’émotions venteuses, elle approcha de ce que cache l’alchimiste jazz au fond de son creuset, le fruit défendu d’une vision participative nourrie d’intelligence et de connivence musicales, comme une clairvoyance mélodique prise dans les mailles d’un questionnement multiple. Dans ces contrées avant-gardistes, le swing ne fut qu’un fantôme. Il fut remplacé par une autre forme de chant rythmique qui prit sa source dans les ombres frémissantes qui parcouraient nos corps bassement terriens abandonnés au temps. Déconcertant quelquefois, captivant le plus souvent, et l’un n’empêcha pas l’autre, le travail architectural du quartet se situa entre équilibre classique et audace visionnaire. Ne laissant au hasard que des regrets, il alimenta nos pavillons et interrogea nos neurones avec une force d’âme inusuelle et donc précieuse jusqu’à la dernière résonance. Alea jacta est, me dis-je en accord avec mes désaccords et restant sur ma fin. La nuit était humide et ma faim de concert intacte voire renouvelée ; ou bien, pour la beauté des vers intemporels, recommencée, toujours recommencée.


Dans nos oreilles

Emily Remler - East to Wes


Devant nos yeux

Agnès Desarthe - Le roi René


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