Jazz ou pas (il n’est jamais bien loin), des voix s’imposent à vous. Alors bien sûr, il y a les indépassables Billie, Ella et puis - à nos oreilles du moins- les incontournables qui s’appellent Frank Sinatra, Ray Charles, Bob Dylan. Il y a enfin ces voix nouvelles, hors catégorie qui se sont ajoutées : elles ont pour nom Cesaria Evora (hélas, ratée à Coutances), Madeleine Peyroux ( connue grâce aux conseils de Christian Ducasse qui venait de la photographier à l’occasion de l’un de ses premiers CD à la fin des années 90 ( Dream Land.. ) et la toute dernière venue Leyla McCalla (découverte elle, à Coutances) ; ces voix nouvelles et avec elles, leur imaginaire musical personnel. De retour de deux dates au Portugal, avec ses nouveaux musiciens, cette dernière achevait une tournée essentiellement française dans l’agglomération caennaise avec ce concert à La Renaissance.

La révélation en moins, le charme de la voix si particulière de Leyla opère toujours. « Cette voix là, elle nous touche au cœur » écrit notre ami Thierry Giard dans sa Pile de Disques de mai 2016 à propos de la sortie de A day for hunter, a day… Pierre Gros n’a rien dit d’autres de ce même enregistrement dans sa chronique de mars 2016 : « Cette musique là a quelque chose d’envoûtant ». Jean Buzelin annonçait la couleur dès 2013 à propos du premier enregistrement ( Vari-Colors Songs) de la chanteuse américaine : "Elle possède une voix pure et brute qui véhicule, plus que de la nostalgie, un certain sens du tragique ». Qu’ajouter de plus alors que vient de paraître son troisième CD The Capitalist Blues sinon que cet état de grâce perdure. Ce rendez-vous à La Renaissance dans un contexte plus intimiste ne fait que renforcer cette impression. Sur scène pourtant, le personnel a changé, l’inspiration s’est diversifiée et l’instrumentation avec. Mais la voix de Leila McCalla dans sa fragilité et sa conviction continue à émouvoir. Née à New-York, aux origines haïtiennes et vivant à la Nouvelle Orléans depuis dix ans, elle avait tout pour produire sous la pression commerciale une world music apatride. C’est sans compter sur son banjo, son violoncelle, son répertoire, son inspiration propre et sa voix bien sûr qui aboutissent à l’effet contraire. La plupart des chansons écrites en créole haïtien laissent deviner les drames qui s’y jouent ; l’interprète faisant le reste. Alors, certes une section rythmique modifiée et l’ajout d’une guitare électrique (David Hammer), d’une basse électrique ou contrebasse (Peter Olynciw) aux côtés du batteur Shawn Myers, sans oublier la guitare électrique de la chanteuse qui vient s’ajouter à son violoncelle et banjo originels, changent un peu la donne. Cette nouvelle formation suscitée par un producteur avec des musiciens reconnus de la Nouvelle Orléans pourtant n’entame en rien –ou si peu –l’univers personnel de la chanteuse. En dépit d’un univers musical plus rock and blues, elle ne se départ pas de son inspiration créole haïtienne tout en l’élargissant à une composante plus américaine. Dieu veuille qu’elle ne cède pas aux sirènes capitalistes (il est vrai qu’il n’y en a pas d’autres !)


Leyla McCalla : voix, banjo, violoncelle, guitare
Shawn Myers : batterie
Peter Olynciw : basse, contrebasse
David Hammer  : guitares


Photographies : copyright Guy Moraux


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