Nouveau programme tout beau tout neuf : Rituels

Ça y est, Fred Maurin, le patron de l’ONJ, se lâche : il voit les choses en grand et il les réalise en grand. Pour Rituels, l’ONJ, c’est ni plus ni moins, attachez votre ceinture : un quatuor à cordes + un quartet de jazz + un sextet à vent + un quatuor vocal ; il n’est pas vain de se demander si Maurin ( Fred ) conspire avec Morin ( Edgar ) tant cet assemblage relève de la complexité en acte. Aussi complexe qu’une ZAD... La ZAD-ONJ ? Avec lui à la direction artistique, on trouve aussi : Leïla Martial, Ellinoa, Linda Olah, Romain Dayez voix, Elsa Moatti violon, Séverine Morfin alto, Juliette Serrad violoncelle, Julien Soro sax alto, Catherine Delaunay clarinette et cor de basset, Fabien Debellefontaine sax ténor et flûte, Susana Santos Silva trompette et bugle, Christine Bopp trombone, Didier Havet tuba et trombone basse, Stéphan Caracci vibraphone et marimba, Bruno Ruder piano, Rafaël Keorner batterie, Raphaël Schwabb contrebasse. Le fil rouge de Rituels réside dans l’exploration de nos rituels quotidiens. Qui dit Rituels dit répétitions, mais pas algorithmes, ces saloperies en train de nous machiniser la vie vivante.

Pour le premier morceau, Le monde fleur, il est nécessaire de prendre le temps de s’acclimater à ce qui se joue là devant nous pour nous en mode concertant et déconcertant. La clarinette, la trompette, le piano, les quatre vocalistes ensemble pendant que le vidéaste nous emporte du côté des cerisiers en fleurs. C’est rond, doux, aimable, onirique. Non, l’ONJ n’est pas un big band, c’est beaucoup plus complexe encore une fois. On voit non pas les individus mais le collectif et les relations qu’ils tissent entre eux, en pleine écologie de l’esprit dirait Gregory Bateson.
Cet orchestre semble une chaudron posé sur un feu soutenu, un chaudron à idées dont chacune ouvre une porte tout de suite claquée parce qu’une autre arrive en galopant. On pense collages, micro-fictions, cut-up. Ça fourmille, ça fuse de partout : copulation générative, feu d’artifices, escarbilles étincelantes : une boucle répétitive du côté des cordes, un gros prout au tuba, des accents vocaux qui courent entre les vocalistes, en dresser la liste complète nécessiterait de piller Sei Shonagon : choses qui font battre le coeur, choses qui font naître un doux souvenir du passé, choses qui ont une grâce raffinée, choses sans retenue, choses auxquelles on ne peut s’abandonner. Bien sûr, il arrive que toutes ces entités de la ZAD-ONJ kamasoutrasquent dans un grand débordement magmatique à faire honte aux coulures du Piton de la Fournaise. À l’aune de ces emportements, des plages d’une beauté suffocante qui conjuguent la pureté, l’ampleur, le souffle de l’instant. C’est beau, tellement beau.
Pour femme délit ( texte et musique de Leïla Martial, arrangements somptueux de Grégoire Letouvet ), c’est l’immersion totale, la coulée au fond : c’est.
Il faut la naissance de la nuit pour imaginer-et-croire reprendre le cours de sa vie ordinaire. Mais non. L’intro par les trois cordes est si belle que lutter est vain. Et chacun le sait : vouloir contrôler pour mieux laisser aller, c’est la petite mort assurée, l’immensité de la vacuité féconde.
Il faut attendre le dernier écho du dernier son du dernier morceau-Aïon- pour s’apercevoir de l’incroyable tension qui règne depuis le début du concert. Un quatuor vocal exceptionnel, discret et si présent, un collectif parfait servi par des individus généreux, pffff quel concert !!! Un concert de référence.
Ce nouveau programme, une création, est comme l’acte de naissance de l’ONJ, parce qu’inouï ; il est le fait de Ellinoa, Sylvaine Hélary, Grégoire Letouvet, Leïla Martial et Frédéric Maurin, aux compositions.
Merci à toutes et tous ( chacun aura remarqué la parité de cet orchestre ).


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