Six gars, une fille, c’est quand la parité ?

Jeudi 12 mars 2020

Le coronavirus n’a qu’à bien se tenir, il y a du monde dans la salle et pas que des jeunots, pour un concert en deux sets, il faut le noter, cette pratique devenue rarissime par les temps qui courent et prisent le set unique. Dont un second set qu’il convient de qualifier d’époustouflant ( = ébouriffant ), épatant ( = qui épate ), intense ( = dru et luxuriant ), gonflé ( 50 bars ), bref un second set mémorable. Le Sylvain Cathala septet more power réunit un trio de sax : Sylvain Cathala sax ténor et compositions, Guillaume Orti sax alto, Bo Van der Werf sax baryton, un trio classique avec Benjamin Moussay au Fender Rhodes et bidouilles électro, Christophe Lavergne à la batterie et Sarah Murcia à la contrebasse. Le septième larron est un électron libre en mode go between and go with ( mais pas « et en même temps ») : Gilles Coronado à la guitare. Ces lascars sont connus : fieffés improvisateurs, engagés dans des projets variés et allumés et excellents partenaires, des lascars de la catégorie solide-comme-un-parpaing. Ça vaut mieux compte tenu des pièces écrites et arrangées par Cathala qui jouent sur le collectif et l’individuel, la virtuosité et l’inventivité, qui cultivent le goût du rythme instable et les variations à la Brilliant corners : bref ces pièces font dans l’inouï. Impossible de s’asseoir au fond de sa chaise en se la racontant : ah tiens, ça va tourner comme ça ; ouais, air connu : demi-tension-résolution..... Inouï parce que inattendu, surprenant, imprévisible. Impossible de mémoriser un thème et de l’emmener avec soi pour le siffloter du soir au matin, impossible de garder un tempo sous ses pas en filant retrouver sa bagnole, sauf à passer pour un ouf à marcher de manière si bizarre. Pour la mise en place, il vaut mieux compter les temps et pas regarder si le mec qui tousse au second rang le fait dans son coude. C’est d’un casse-gueule permanent, champ de mines anti-personnelles ou saillies trumpiennes. Poser les pêches au bon endroit, envoyer le riff ni trop tôt ni trop tard, emballer la phrase à l’unisson à trois ou quatre sans rien qui dépasse ; des pièces à l’architecture escherienne, on se perd dans les couloirs mais on ne revient pas sur ses pas. Grand souffle à sept, trilogue de soutien, truc ténu en solo... : ça fourmille, ça grouille, il y a plus d’idées dans un seul morceau que dans une allocution de Jupiter.
Mettre en avant le second set ne signifie pas que le premier était détestable, non non, le premier a servi à nous pousser hors de notre zone de confort, à nous habituer à juste écouter ce qui se présente sans laisser de place à quelque attente vaine et à effacer l‘interface du champ mental pour écouter fully totally. Pour mémoire et sans la jouer exhaustif, Lavergne se fend d’une intro solo aux cymbales ( une grande et la charley ) d’une audacieuse audace, Bo Van der Werf se montre aussi volubile qu’un ténor ; dans Nassak, Moussay et Coronado dialoguent en mode IRCAM ( à l’électricité ) avec le trio de sax ( au souffle ), Sarah Murcia introduit le second set par une histoire intrigante ( Bloody ? ), Orti fait du silence une matière ouïssable et Cathala leade son petit monde d’une poigne fermesouple. Ce qui donne envie de ré écouter en boucles leurs CD Hope et Cullinam.

Concert épastrouillant !!!


Le Triton
11bis, rue du Coq Français, 93260 Les Lilas


http://www.letriton.com