That’s my way of preparation-to not be prepared. And that takes a lot of preparation !

Lee Konitz


Des êtres dont on ne se lasse jamais partent, c’est la vie. Fatalité, tristesse et rage, où se situent nos sentiments ? Sans esbroufe ils ont jalonné nos découvertes. Nous nous tournions vers eux pour confirmation, pour ne pas céder aux faciles et nous continuerons même s’ils ne sont plus là. Ainsi va pour nous Lee Konitz, musicien essentiel dont nous percevions la quête imperturbable de l’épure lui qui ne cédât jamais au bavardage. D’un touche à tout lui qui dans le fond n’a rien inventé, a dit peut être ce qui est le plus important. L’essentiel des mots, l’essentiel des phrases et des lignes, du disque solo (Lone-Lee improvisation de 38’ sur The song is you, 17’ sur Cherokee) au big band en passant par le quartet le trio et le duo (The Lee Konitz Duets). Qu’il débuta la musique vers 11 ans d’une famille non musicienne est une leçon pour tous ceux qui pensent que l’on ne peut devenir musicien que si l’on découvre nos premières notes au berceau ou que l’on sorte de la cuisse de Jupiter. Du plaisir d’écouter Benny Goodman à la radio, de la fascination d’entendre Lester Young sur Lady Be Good il en a fait un travail, une étude, fait de contraintes et d’abstractions. Son parcours il en faisait à chaque instant son présent, son futur. Ainsi de son mentor Tristano il dit : ce qu’il m’a transmis, c’est la permission d’être libre. De part le Monde les rencontres jalonnent l’art de Lee, elles en sont les leçons, le terreaux, Gil Evans, Miles Davis, Elvin Jones, Chick Corea, Joe Henderson, Martial Solal, Paul Bley, Jimmy Giuffre, Brad Meldhau n’en jetez plus ils sont tous là ; avec qui n’a –t-il pas joué, même avec le-la musicien-ne d’à côté, toujours un truc à apprendre, un refus des hiérarchies et de tout jugement, une oreille attentive, happeuse, sélective et gloutonne. Des standards archis rabâchés, remis sur l’étal, dont on regarde les tripes et les os jusqu’au squelette il en a essoré les dernières goutes comme si c’était la première fois, encore et encore et encore plus encore et encore un peu plus si le cœur vous en dit encore. Ami de Charlie Parker, Lee donna à la question du maitre une réponse en miroir, comme à Ornette Coleman l’autre alter égo, restant indéfectiblement lui même. Qu’il jouât en conscience un chouia bas certains s’en émurent, pourtant c’était son amour de la plus subtile altérité, du plus subtil décalage qu’il exprimait ainsi, fausse nonchalance. Fausse bonhomie, homme modeste et exigeant Lee Konitz n’a jamais fait fortune, aucun de ses nombreux enregistrements n’ayant boursoufflé son portefeuille ni attiré les requins il ne céda pourtant rien et rien ne le stoppa dans sa quête des justes mots. Très loin des clichés, des émotions et des modes il exprimait ce chant intérieur au sens propre donnant de la voix comme au figuré, un chant qui restera pour nous un incontournable inépuisable trouvant là une issue à nos sentiments.

Quelques souvenirs, essentiellement des duos de haut vol avec Martial Solal mais aussi un concert à la maison de la radio qui est resté dans nos mémoires un autre duo avec Steve Lacy, deux saxophonistes cote à cote, un récital de deux heures sans une once d’ennui une intelligence et un esprit qui habite encore nos oreilles.


Quelques exemples discographiques de son art :

  • Lee Konitz, Paul Bley, Bill Connors - Pyramid 1977
  • Lee Konitz, Martial Solal - Star Eyes 1983
    disque en public avec deux artistes au sommet de leur art