Pilgrimage

L’ultime séance avant le grand sommeil

On savait Michael Brecker gravement malade. Les chances de guérison étaient minces quand se produisit une rémission au cours de laquelle le saxophoniste joua sans compter et rentra en studio avec quelques-uns des plus grands musiciens de ce début de siècle.

on aime !

Ce disque est le produit inespéré de cette rencontre… avant son décès intervenu le 13 janvier de cette année.

On a tout dit et tout écrit sur le cadet des frères Brecker, Michael né en 1949 (Randy, trompettiste, né lui en 1945). Des choses plus ou moins aimables, d’autres méprisantes sinon méprisables, sur sa carrière de musicien de studio ou son implication dans des groupes de fusion (le groupe Dreams avec le batteur Billy Cobham) ou de jazz-rock dont Steely Dan et Donald Fagen…(400 disques en qualité de sideman) en oubliant plus ou moins volontairement quelques associations déjà mémorables avec Horace Silver (1973-74), Frank Zappa, avec son frère, les Brecker Brothers (1975-81, six albums), la chanteuse Joni Mitchell et la co-direction avec le vibraphoniste Mike Mainieri de Steps devenu ensuite Steps Ahead.

Michael Brecker - "Pilgrimage"
Emarcy - distribution Universal 2007

On ne peut que louer les dix albums sous sa responsabilité, principalement ce Celebrating Miles Davis and John Coltrane paru en 2002 précédé de The nearness of you, hommage aux ballades dans lequel s’affiche son admiration pour le grand John, une de ses idoles.

Toutes les facettes des multiples talents de Michaël Brecker se trouvent réunies dans ce dernier opus : ses compositions complexes mais cependant évidentes dans leur diversité ; sa sonorité toujours aussi séduisante, incisive, pleinement chaleureuse ; la fluidité et agilité confondantes, ses splendides architectures sonores en tricotant le tout sous de multiples influences, grande richesse harmonique et mélodique, rythmique également.

Cela commence fort, très fort dès le premier thème sur tempo vif, puis le début fracassant d’Anagram, la frénésie généralisée dans Tumbleweed portée par une rythmique d’enfer avec un Brad Mehldau souverain et un Pat Metheny toujours complémentaire de l’univers de Brecker , suivie de la mélancolique ballade When Can I Kiss You Again, extrêmement émouvante, interrogation face à son drame se terminant en une sorte d’apaisement, d’espoir ?, les claquements secs de Loose Threads et le solo fiévreux d’Herbie Hancock…bref, un intensité remarquable et remarquée faisant penser aux dernières œuvres des grands créateurs de musiques, une sorte d’urgence à s’investir avant que…

Michaël Brecker parti rejoindre les grands ancêtres, il nous reste dans le monde merveilleux du saxophone ténor un Sonny Rollins toujours vert et un Wayne Shorter de plus en plus lunaire…longue, longue vie à eux.

Précision indispensable : Ce disque arrive à me faire regretter certains enthousiasmes sporadiques passés que je ne renie certes pas mais, qui à l’écoute d’un tel chef-d’œuvre à son plus haut niveau, me semblent parfois un tantinet exagérés… vraiment.

PS : A la fin d’un concert notre confrère et ami de toujours Michel Delorme posa la question suivante au saxophoniste : pourquoi n’avez-vous jamais figuré dans le quintette de Miles Davis ?... réponse : quand il m’a appelé, je n’était pas à la maison !. On ne peut que le regretter.


> Pilgrimage 2007 - Emarcy - Distribution Universal

MICHAEL BRECKER (ténor sax & EWI), PAT METHENY (guitars), HERBIE HANCOCK (piano sur 1, 5, 8, 9), BRAD MEHLDAU (piano sur 2, 3, 4, 6, 7), JOHN PATITUCCI (contrebasse), JACK DeJOHNETTE (batterie)

Enregistré à New York en août 2006

1/ The Mean Time. 2/ Five Months from Midnight. 3/ Anagram. 4/ Tumbleweed. 5/ When Can I Kiss You Again ?. 6/ Cardinal Rule. 7/ Half Moon Lane. 8/ Loose Threads. 9/ Pilgrimage


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