Dimanche 19 février 2023

À mon humble avis, l’élégance en musique est innée, comme le bon goût. Avec Jean-Marc Foltz et Stéphan Oliva, ce dimanche 19 février à l’arrosoir, j’étais assuré d’avoir les deux, avec un supplément ultime dû à la présence compositionnelle d’Ellington magnifiée par leurs relectures. L’Edward sur lequel je jaspine ici, il en connaissait un rayon côté raffinement. On ne l’appelait pas Duke par hasard. Si tel n’avait pas été le cas, qui sait quel aurait été son surnom. Adjudant-chef ? Peu me chaut. En cette après-midi dominicale déclinante, ce ne fut pas la fashion week mais presque, ou alors juste un « fashion Sunday » pour initiés amoureux de belle musicalité. Le défilé des titres plus ou moins célèbres ne me contrecarra pas : subtilité hyaline, textures et mouvements soyeux, structures audacieuses, détail et espace, irisations et ondoiement, flexuosité ; un ensemble proche de je ne sais quelle impossible perfection (mais si douce à prospecter). Ainsi s’enfoncèrent dans le drapé ellingtonien Jean-Marc Foltz et Stéphan Oliva en un long set ou passèrent l’humeur sentimentale et le bleu fondamental, une fleur africaine ou encore l’unique pétale d’une rose rehaussée en fin de concert d’une fleur de lotus née dans l’imaginaire de Billy Strayhorn, double faussement gémellaire de Duke. La caravane passa et leur dialogue s’accorda à la musique sans aucune guerre d’égo. Il se développa à l’ombre du géant et cette même ombre mit en valeur l’orfèvrerie de leur travail et la densité du lien musical qui les unit. Originaux et fidèles à l’esthétique du maître, ils offrirent en écoute ce qui pourrait finalement être (si l’on veut bien mettre quelque instant de côté composition et arrangement) la quintessence de l’univers ellingtonien : l’imparable mélodie, d’une humanité confondante, dont quelques notes suffisent toujours à l’identifier et qui chez moi résonne, je me demande encore pourquoi, avec une forme de mélancolie furtive qui a trait à la finitude de toute chose et de tout être. Mais l’atemporalité du moment fut telle qu’elle me laissa baigné dans une douce plénitude, une sorte de « lush life » tamisée dont la grandeur ne masque aucunement les contradictions. Seul le rappel ne fut pas ellingtonien. Il ne dépareilla cependant pas avec le mouvement de fond qui anima le concert dans son entièreté. Il est à noter (pour finir en beauté) que cette séance de haute couture se déroula, comme indiqué ci-dessus, un 19 février, jour qui vit disparaître Karl Lagerfeld (1933-2019).


La chronique du disque est à lire ici.


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