Mercredi 15 mars 2023

Après une suissesse escapade à la météorologie controversable, ma soirée lyonnaise s’annonçait intrigante avec un quartet polonais qui, je cite, «  mélange musique illustrative et improvisée, dont la composition musicale unique comprend des notes d’influences traditionnelles slaves et de musique expérimentale mais aussi contemporaine » ; après le mot valise, la phrase balluchon… Bref un type de musique prisé au Périscope. Les lieux proposant ce genre de possibles musicaux ne sont pas si nombreux, du moins dans mon rayon d’action (qui est vaste, notez-le). Et comme je considère que la découverte à l’aveugle est une vertu, je n’allais pas me priver de cette expérience. Au pire, je visiterais le pays des songes, au mieux l’extase me couperait le souffle et le compte-rendu n’en serait que plus dense, à moins que l’entredeux ne s’imposât en me laissant de marbre. Il y avait donc sur scène une violoniste vocaliste, Amalia Obrebowska, un pianiste, Franciszek Raczkowski, un contrebassiste, Michał Aftyka, et un batteur Michał Szeligowski, je ne résiste pas au plaisir d’écrire leurs noms car je sais que vous essayez de les prononcer. Leur univers musical particulier fut étonnant à bien des égards. Un touche de bruitisme avec des cordes grinçantes flirtant avec l’atonalité, les mêmes cordes également très percussives avec une gestion du volume révélatrice d’une architecture postmoderne assez inhabituelle, des mouvements au lyrisme emphatique, dans la tradition slave, une once de folklore et mon tout construisit une somme assez déroutante oscillant entre l’abstraction obtuse et l’évidence expressionniste. La violoniste et vocaliste, quant à elle, sembla ne pas vouloir choisir entre les cordes vocales et instrumentales, me laissant d’un moment l’autre dans un doute pondéré. Pas de quoi fouetter un chat cependant, je connus des soirées bien plus ardues (euphémisme) dans mon long passé de chroniqueur, des moments de solitude subie où même mon appareil photo s’interrogeait sur le bien fondé de l’exercice. Une chose ne fit néanmoins aucun doute ; ces quatre musiciens horriblement jeunes avaient été nourris à la mangeoire d’un conservatoire, en mode post soviétique redoutablement efficace. Qu’elles que furent les difficultés rythmiques qu’ils s’imposèrent, les structures furieusement complexes qu’ils déclinèrent, ils les enfilèrent comme des perles et l’air de rien (bien qu’ils n’en manquèrent pas). Ces inconnus polonais furent brillants, ce qui n’est pas étonnant vu que le polish, c’est fait pour ça. Balivernes mises de côté, une interrogation demeura en suspens : avais-je tout compris ? Rien ne fut moins sûr, croyez-moi. Mais comprendre, tout un chacun le sait, c’est surfait. Si déjà on parvient à prendre, sans questionnement aucun, on a un pied sur le chemin des âmes libres, on baigne à demi dans une béate complétude, on est à deux doigts de résurrecter (néologisme athée pour le troisième millénaire)... Il faut prendre les choses comme elles sont et les sons quand ils viennent. Le souci de précision qui m’habite m’oblige à vous signaler, avant de clore les débats, que ceci survint un 15 mars, jour où l’on fête les Louise et jour où l’on dit que «  à mi-mars, le coucou est dans l’épinard ». Un dicton aussi sibyllin que le jazz polaque qui me fut servi et qui interroge sans conteste la matière grise.

Post-scriptum : nous étions bien une quinzaine de clampins dans le Périscope, ce qui tend à prouver, une fois de plus, que la curiosité est effectivement un vilain défaut ; à moins que le syndrome d’inculture galopante soit déjà bien installé dans l’inconscience collective.


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