Jeudi 03 août 2023

Revoici la rubrique jazz local et circuit courts. Je ne m’ennuie pas à la campagne et je découvre régulièrement des lieux intimes animés par des passionnés. Ainsi récemment, mon carrosse m’a mené à Jambles (71460), à la Nouvelle Galerie, où l’association « Les Rats d’Arts », propose, depuis une quinzaine d’années, une programmation éclectique qui va de l’exposition au concert, en passant par l’atelier d’écriture, la performance, le théâtre et j’en passe. Dans une petite cave voûtée où une petite cinquantaine de personne peuvent trouver place, émergent de grands moments. Hier soir, c’était Watchdog, soit Anne Quillier et Pierre Horckmans, qui testaient le nouveau répertoire de leur disque à venir. Ne les ayant plus vus sur scène depuis 2016, comment aurais-je pu les ignorer ? (c’est de la rhétorique, ce n’est pas une question). De nouveaux morceaux donc et deux ou trois anciens, des clarinettes et de l’électronique, un Fender Rhodes et un Moog, le tout pour donner à ouïr une musique actuelle qui est jazz par son goût pour l’improvisation, pour la liberté quoi. Mais Watchdog est avant tout un univers. En ce 03 août, jour qui vit appareiller le Santa Maria de Christophe Colomb sans même savoir qu’il allait découvrir le continent américain (Ah le con ! Fut-ce une bonne chose ?), je sus que sa longévité n’était pas le fruit d’une habitude mais bien la nécessité d’une aventure créative bouillonnante et tournée vers cet étrange instant où passé et futur se bouffent la rate dans un combat perdu d’avance. Des sonorités rondes et agressives, des rythmes obsessifs et des mélodies claires trifouillées dans la chair, un désir exploratoire patent, le tout filtré par une complicité télépathique, firent un coulis musical subtil qui serpenta dans mes pavillons et finit par me grignoter la matière grise, ce qui est toujours bon signe ; l’onirisme, c’est fait pour ça. Cela me permit en outre le constat renouvelé selon lequel Watchdog, duo extime de l’intime et inversement, est aisément identifiable et clairement indéfinissable, ce qui n’est pas négligeable car, après tout, connaissez-vous beaucoup des groupes suffisamment originaux pour que vous soyez incapables de citer nommément leurs influences ? De fait, cela ne court pas les rues et il est bon qu’une musique, celle de ce duo en particulier, vous ouvre des échappatoires paysagères propices à la rêverie, à la fréquentation d’une insolite et improbable cosmogonie. Dans l’espace sonore imposé par le duo, le perceptif fut le maître de l’émotion. Chacun put choisir son mirage et/ou s’abreuver à sa propre vision. Et tout le monde fut satisfait. Enfin c’est là l’allégation d’un optimiste qui savait qu’un vieux proverbe affirme : le temps qu’il fait le 3, il le fera le mois. Et vu qu’il faisait un temps de merde, on n’est pas sorti de l’auberge. En attendant, je vais écouter Watchdog et poster un chien de garde à l’entrée pour me prévenir du retour du soleil.


https://annequillier.com/groupes-2/watchdog/


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