Lundi 21 août 2023

Mettre en musique des poèmes de Rabindranath Tagore et d’autres venant des indiens d’Amérique, c’est faire un étonnant périple dans l’entre-deux-mondes qui va de l’indien à l’amérindien et ce fut le projet d’Arnault Cuisinier hier soir au théâtre des Arts de Cluny. Mais quel fut le chemin qui les relia ? La poésie, assurément. Entre la multiplicité percussive du batteur et la densité abstraite du guitariste se nichèrent les voix de la chanteuse et du contrebassiste (qui trompa sa grand-mère avec un piano ici et là) afin d’aborder, en anglais et en français, les différents textes sélectionnés. Le premier titre d’une compositrice rare dont je ne retins pas le nom, repris au rappel, fut une belle promesse. Dans une ambiance mélodique proche de la pop music, les mots décrivirent la présence de l’absence, celle de l’insondable aussi, qui donne à la mort de la vie son mystère. Ensuite, au gré des morceaux déclinés sur des modes changeants et implexes, la musique tenta audacieusement une osmose avec les mots qui ne me sembla pas toujours aboutie ; les rouages du projet étaient possiblement trop neufs pour donner leur pleine mesure et cela me laissa dans un état d’inassouvissement que je n’appréciai guère. La frustration est certes une constante de la vie terrestre mais, quand je vais au concert, c’est pour qu’elle soit sublimée par la musique et qu’elle ne s’oppose plus au verbe sortilège des poètes, qu’ils usent de mots ou de notes. Ce ne fut qu’à moitié le cas hier soir et cela n’enleva rien au talent lar-gement reconnu des musiciens présents sur scène. Mais bien que notes et mots fussent au rendez-vous, ils demeurèrent pour moi plus proches des talus que des lignes de crêtes. Je ne vais pas en faire un flan, d’autant que d’autres furent à l’évidence satisfaits. C’était un 21 août, jour de naissance de Lili Boulanger (1893-1918), comète furtive de la musique classique et sœur de Nadia. C’était également celui d’Art Farmer (1928-1999), pilier du Jazztet de Benny Golson et compagnon de route d’un nombre incalculable de géants du jazz de la deuxième moitié du siècle passé. Ca le fait, non ?


Elise Caron :voix, flûte
Paul Jarret : guitare
Arnault Cuisinier : contrebasse, choeurs
Edward Perraud : batterie, percussion


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