14 octobre 2023
Quand je sus par avance que j’allais voir dans la même soirée Hervé Sellin, Paul Lay, Emil Spanyi, François Lindemann, Thierry Lang, Matthieu Michel, Frédéric Borey, Cyril Regamey, Susanne Abbuehl, et j’en passe, je ne me posai pas de question, je pris l’auto, je roulai le long du lac et j’arrivai à Chorus. Un sacré début de saison, n’est-ce pas, jour de la finale du deuxième concours international de piano organisé par le club lausannois (président d’honneur, Martial Solal). En première partie de soirée, c’est le lauréat du jour, Levi Harvey, qui se produisit avec la rythmique du jour, à savoir le contrebassiste Blaise Hommage et le batteur Cyril Regamey. Après quelques standards de chez jazz mainstream, afin démontrer devant le public les bonnes raisons qui lui firent décrocher la timbale, chacun sut que ce jeune pianiste avait de l’avenir : un discours clair et déjà posé, une souplesse dans l’articulation des lignes et un sens de l’interplay affirmé, une palette de jeu nuancée sur la ballade obligatoire, de quoi voir le futur sous les meilleurs auspices.

En deuxième partie de soirée, c’est Susanne Abbuehl qui prit le relai, accompagné par le fidèle Matthieu Michel au bugle et Hervé Sellin au piano, un trio inédit donc qui adapta sa playlist aux circonstances car la soirée dans son entièreté fut un hommage au contrebassiste hongrois Matyas Szandaï, tragiquement disparu cet été. Il y eut, entre autre, un somptueux Sometimes I Feel Like a Motherless Child, un magnifique The cloud, extrait de l’album de la chanteuse The gift, et pour finir le très beau titre composé par Mal Waldron et Billie Holiday, Left alone, titre qu’elle n’enregistra jamais d’ailleurs mais qui fut (et est encore) joué à raison par des bien des musiciens. Le trio donna à ouïr un set chargé d’émotion et la chanteuse, comme à son habitude, portée par l’excellence de ses accom-pagnateurs, suspendit le temps et plaça l’auditoire dans un intervalle d’atemporalité toujours très appréciable. De mon point de vue, quelques morceaux supplémentaires m’auraient plus encore ravi mais il était tard et la troisième partie de soirée s’annonçait. Elle vit tous les musiciens cités en début d’article se succéder sur scène pour redire leur affection à l’ami disparu (for someone you adore, it’s a pleasure to be sad aurait chanté Billie). Juste avant cela, une collecte fut organisée pour compléter la cagnotte en ligne initiée par Frédéric Borey, cagnotte destinée à l’épouse et à la fille de Matyas Szandaï. Quant à moi, en ce 14 octobre, jour qui vit l’attribution du prix Nobel de la paix à Martin Luther King (1964), je dus reprendre la route avant la fin car la Suisse est loin du Charolais, surtout quand les douaniers s’en mêlent pour une raison dont j’ignorerai tout jusqu’à la fin de mes jours.


https://chorus.ch/