Mercredi 22 novembre 2023

La scène jazz en Norvège est particulièrement active et, en sus, elle est passionnante ; je le vérifie à chaque fois, ou presque, que je reçois un disque. La jeune flûtiste Henriette Eilertsen, étoile montante en son pays, était sur la scène du Pêle-mêle café (dotée d’un nouvel éclairage qui ravit le photographe que je suis) avec son trio dans le cadre du projet européen Footprints grâce à un partenariat entre le bellevillois Chien à 3 pattes et le lyonnais Périscope. J’en ai parlé précédemment, je ne vais pas m’appesantir là-dessus. Deux flûtes traversières dont une alto, quelle chaleur dans le son de cette dernière, un violoncelle avec quelques discrets effets et une batterie toute de légèreté, voilà quel fût l’état des forces en présence pour une parenthèse musicale tout à fait étonnante. D’un bout à l’autre du concert, la musique emprunta un chemin singulier qui, tant au plan rythmique qu’au plan mélodique, interpela l’auditoire avec douceur, d’une manière quasi subliminale. Les thèmes s’enchaînèrent souplement et constituèrent un flux continu ; l’ensemble me fit penser à une activité aussi enfantine que vacancière, un bout d’écorce de pin taillé grossièrement à l’opinel en forme de bateau que je posais au milieu du ruisseau et que je suivais depuis la berge en observant l’itinéraire créé par les remous, ses détours surprenants, agiles et abrupts à la fois, et la continuité atemporelle ainsi générée et inlassablement répétée durant des heures par votre serviteur jusqu’à perdre la notion du temps. Virtuose sans excès au sein d’une interaction constante entre les trois musiciens, Henriette Eilertsen démontra ce qu’un univers original subtilement ciselé, ingénieusement fécond, peut offrir au public en termes de plaisir auditif et humain. La placidité affichée par le trio, entièrement dévoué à sa musique, renforça plus encore cette impression de flottement inaliénablement lié aux confins paysagers que seule la lumière modifie passagèrement au gré du temps et des saisons renouvelées. Pas une once d’ostentation, pas un gramme de cabotinage, de la part du trio, juste de la musique (une sorte de source chaude) née au cœur d’un pays septentrional aux lumières diaphanes et exprimée avec une passion contenue, si contenue que la flûtiste donna le rappel en solitaire. Un moment de grâce, la formule est convenue, c’est l’impression dominante qui demeura en moi sur la route du retour.

En première partie de soirée, une rencontre eut lieu entre les différents partenaires présents, le programmateur de Jazz à Fareins et moi (?) au micro de Radio Calade sur l’impact écologique des concerts et la ou les manières de le réduire. Sans surprise, ce sont les transports qui génèrent le plus de pollution. Il y a bien longtemps que je milite (et m’énerve) pour une fédération des clubs à l’échelle française (mieux européenne) qui travailleraient ensemble leurs programmations afin de réduire les coûts et l’impact précité. Cela permettrait en outre d’élargir l’offre musicale dans les pays concernés, de créer une réelle variété, bien plus alléchante que ce à quoi l’on a droit, notamment en France. Des pays scandinaves à la Grèce, il y a de quoi faire. Pas besoin de subventions pour cela (s’il y en a, c’est bien aussi), il faut juste ranger les égos dans un tiroir, s’asseoir sur les certitudes et oser, oser mêler les genres et savoir que le public (les publics) est plus curieux qu’il n’y paraît, pour peu qu’on le sollicite intelligemment. De timides avancées ont lieu mais cela reste marginal, hélas. Ce que j’en dis, n’est-ce pas… Cela ne gâcha aucunement le concert qui suivit en ce 22 novembre qui vit par le passé le début de la révolte des canuts (1831), la sortie du white album des Beatles (1968) et la naissance d’Hoagy Carmichael (1899).


Henriette Eilertsen : flûte
Joel Ring : violoncelle
Oystein Aarnes Vik : batterie


https://www.henrietteeilertsen.no/
https://www.chien3pattes.com/index.php


Retrouvez le concert sur Radio Calade ici :
https://www.radio-calade.fr/2023/11/23/les-concerts-du-futur/