Vendredi 22 mars 2024

Organ trio. Allez savoir pourquoi, quand j’écris cela, je cherche d’abord le nom du guitariste. Pas de bol au tournusien Galpon, le leader, Gaël Horellou, tenait un saxophone alto ; mais l’organiste et le batteur étaient bien là, soit Florent Gac à l’orgue et Antoine Paganotti à la batterie. Fus-je pour autant désarçonné ? Que nenni. De toute façon je ne suis jamais monté sur un canasson. De compositions personnelles et des standards, du très connu au confidentiel, de l’énergie à revendre et du sourire au kilomètre, de la joie de vivre quoi, être heureux de jouer du jazz et aimer partager cette passion dévorante avec le public, établir un pont entre les uns et les autres, se rencontrer dessus et fêter cela avec gourmandise en deux sets sans regarder sa montre. Le saxophoniste sortit les joues gillespiennes et souffla comme un beau diable (elle est un peu conne cette expression, non ?) tandis que ses compères, pas avares pour deux sous (elle est un peu conne cette expression, non ?), utilisèrent tout l’attirail du swing pour mieux le propulser dans l’espace du groove ultime, sous la voûte où crèchent les grands anciens. J’appréciai d’ailleurs que Stanley Turrentine fût nommément cité car son putain de groove est à mon goût un peu trop oublié de nos jours. Solo par ici, solo par là, quatre quatre, relance, chausse-trappe, chorus au cordeau, dérapage contrôlé dans les aigus, je ne vous fais pas un dessin car vous avez d’ores et déjà compris que ces trois musiciens n’avaient qu’un dessein : faire du jazz vivant. Le jazz qui ne prétend pas explorer les douleurs profondes de l’âme humaine, ses errements, le jazz qui ne veut pas s’appesantir sur la marche bancale du monde et ses horreurs, oui, cela existe encore. Une parenthèse musicale enchantée ne signifie néanmoins pas que l’indifférence et l’ignorance règnent ; elle donne un peu d’air pour mieux affronter le reste et, après tout et jusqu’à preuve du contraire, le jazz des débuts était dansant et foutrement festif. J’aimai donc la fraîcheur juvénile de ces trois cinquantenaires rompus à l’exercice, mais toujours inassouvis, qui déversèrent à la tonne sur l’auditoire de la bonne humeur hautement musicale, le tout un 22 mars printanier, jour qui vit naître George Benson (1943) et mourir Johann Wolfgang Von Goethe (1749-1832). L’un des deux swingue un peu plus que l’autre. Pour la route et pour décrasser vos esgourdes, allez donc écouter l’album Very Saxy de 1959 par Arnett Cobb, Buddy Tate, Coleman Hawkins et Eddie "Lockjaw" Davis. Ça remplace avantageusement le jus d’orange au petit déjeuner et cela n’empêche aucunement d’écouter le dernier Charles Lloyd.


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