La seconde édition du festival "Jazz à la Tour" s’est déroulée du 11 au 14 août à La Tour d’Aigues (Vaucluse) un festival simple qui a une âme. Pourquoi ?
> Jazz à la Tour - La Tour d’Aigues (Vaucluse), du 11 au 14 août 2011
Comme les grands chefs qui font partager leur amour des bonnes choses, Jean-Paul Ricard, grand connaisseur ès jazz, présentait ce festival de deux ans d’âge en dévoilant, dans son éditorial, la recette qui a conduit à son élaboration.
Un délicieux moment de musique partagée grâce à un sens rare de la convivialité, préparé avec tout le savoir-faire développé par l’équipe de l’AJMI, association qui fait vivre le jazz en Avignon. J-P. Ricard en fut l’un des fondateurs en 1978 et reste un fer de lance infatigablement militant de cette association.
Jazz à la Tour vante fort justement son terroir : le Sud-Luberon, versant ensoleillé et souriant d’un massif qui protège la Provence, le long de la Durance.
Le festival s’est adapté au contexte. Il en investit les vestiges du château renaissance qui fait la fierté de la commune de La Tour d’Aigues. Cette étonnante structure de pierre dont les toitures sont, jadis, parties en fumée est largement ouverte aux vents et aux chauds rayons du soleil. Les gradins et les structures scéniques du Conseil Général du Vaucluse permettent un accueil confortable du public dans ce cadre unique.
Jean-Paul Ricard et l’AJMI savent d’expérience qu’il ne suffit pas d’établir une liste de noms, fussent-il prestigieux (pour qui ?) ou légendaires (pourquoi ?) pour concevoir un festival qui ait une âme.
Faciliter les rencontres entre des musiques, des musiciens et le public, c’est la clé de voûte de Jazz à La Tour. De ce côté là, c’est tout bon ! Le jazz est ouvert, les portes du château aussi pendant les concerts, l’arrière scène accessible aux spectateurs.
Les choix artistiques privilégient la créativité des artistes dans une optique militante ("Et le jazz, bordel !" : slogan historique de l’AJMI plus que jamais d’actualité !) et ouverte (pas de ghettos culturels, ce serait la fin de tout !)..
Les ingrédients sont bien dosés et on évite la saturation : huit concerts au menu (le "slow-jazz" [1] !, on aime !). C’est amplement suffisant pour profiter des saveurs de chacun. On prend le temps d’écouter, assis dans l’herbe, le surprenant concert de chants d’étranges oiseaux (les saxophonistes Lionel Garcin et Laurent Charles) perchés dans de grands arbres le long d’une rivière, de débattre sans contraintes et librement du devenir du jazz par les temps qui courent (un après-midi, dans l’herbe, à l’ombre des arbres en regardant courir les écureuils)...
L’ouverture, c’est aussi une politique tarifaire ajustée qui permet de s’offrir une belle soirée de jazz à prix modique. Même les soupes originales mijotées avec amour par le cuisinier attitré du festival sur la terrasse du château ne grèvent pas le budget du festivalier. Tout cela est rendu possible par un travail d’équilibristes avec les subventions aux montants incertains... Par prudence, le festival s’est limité à trois soirées avec « menu complet » et une soirée apéritive, néanmoins délicieuse, le 11 août avec la chanteuse Laure Donnat en duo à Beaumont de Pertuis (lire la "carte postale").
On nous rétorquera que tout cela, on le trouve aussi ailleurs qu’à La Tour d’Aigues. Certes !
Seulement, Jazz à La Tour a pour lui, l’énergie militante des membres très dynamiques de l’AJMI. Actifs toute l’année dans leur salle de la Manutention à Avignon, ils ne font pas "qu’organiser" mais impulsent aussi des convictions profondes dans des actions innovantes. Ils placent le jazz dans un réseau culturel et social qui vise d’autres modes de relations entre culture, communication et consommation.
C’est ainsi que le label "éco-festival" est mis en avant. Cela passe par la volonté de travailler sur des "circuits courts" en privilégiant les producteurs locaux pour la fourniture des denrées nécessaires à l’élaboration des repas ou à l’organisation des sympathiques "apéro-concerts" (gracieusement offerts aux curieux comme aux fidèles).
Pour mettre en avant les spécificités du terroir, un vigneron du secteur est invité chaque soir pour présenter et faire déguster sa production. On note, là encore, la volonté de privilégier les professionnels les plus respectueux de l’environnement et de la santé.
On regrettera cependant qu’il n’y ait pas encore de mise en place d’un tri plus sélectif des déchets produits. L’idéal étant d’ailleurs de limiter ceux-ci en évitant un recours trop systématique au "jetable". La formule des contenants consignés mise en place ailleurs serait sans doute à développer... Mais ce n’est qu’un (bon) début.
On note aussi que le programmateur a fait le choix de la proximité en invitant des musiciens qui vivent et travaillent en région Rhône-Alpes, PACA ou Languedoc-Roussillon. La chanteuse Laure Donnat, le violoncelliste Eric Longsworth, le contrebassiste Guillaume Séguron ou le batteur Samuel Silvant présentaient ainsi leurs formations ancrées au Sud. On mentionnera aussi l’Auguste Brass Band, formation mobile au jazz dansant et funky à l’épreuve des grandes chaleurs qui animait les marchés et le camping pour de joyeux apéro-concerts.
Et le jazz, bordel !
Si c’est bien lui qui a été au cœur de nos préoccupations pendant ces quatre jours, il nous paraît essentiel de mettre en évidence les éléments porteurs de ce festival. Il nous semble représenter une démarche de diffusion exemplaire sur le plan culturel et humain.
On aurait sans doute espéré qu’un public plus nombreux profite de ces belles soirées. Le contenu artistique et la qualité de l’accueil le méritaient largement.
Une réputation se construit dans la durée et on aimerait convaincre le public des curieux et des amateurs qu’ils trouveront aussi leur bonheur ailleurs que dans les festivals "supermarchés du jazz hyper-médiatisés" dévoreurs de budgets.
On espère que les partenaires publics et autres sauront continuer à soutenir ce projet. On attend donc impatiemment la troisième édition.
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> Les comptes-rendus des concerts vont suivre très prochainement dans la rubrique "Sur scène" !
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Lien :
[1] Comme le "slow-food"