25ème édition des Rencontres Internationales.

Les Rencontres Internationales de D’jazz de Nevers soufflaient du 5 au 12 novembre dernier leur 25ème bougie sous le soleil automnal de la cité ducale.

Toujours concoctée avec la même exigence, la programmation regroupe des hommages revisités ( en référence à Charlie Parker, Erik Satie, Nino Rota, Maurice Merle, Jimi Hendrix) et des créations plus contemporaines ("Bossa Supernova" de Radiation 10, "Espace fraîcheur" de Jean-François Michel Quintet, "Sati(e)rik Excentrik" du collectif rhône-alpin "La Forge"). Le festival donne l’occasion d’accueillir des têtes d’affiches emblématiques de la scène internationale et européenne (Marc Ribot, Eddie Palmieri, Django Bates, Richard Galliano, Michel Portal, Louis Sclavis). Dans la continuité des éditions précédentes, cette manifestation associe le jazz (au sens large) et les musiques improvisées à d’autres disciplines artistiques : danse contemporaine, video, théâtre et arts du cirque. D’autres évènements ponctuent cet anniversaire : enregistrements en direct d’émissions de radio, expositions de photos, peintures et dessins, jams sessions, dédicaces d’ouvrages...

"Journal Intime" à Nevers, le 7 novembre 2011
© Christophe Deschanel

Le coup d’envoi est donné à l’auditorium Jean Jaurès le samedi 5 novembre avec le saxophoniste bourguignon Jean-François Michel et son quintet "Espace fraîcheur". L’instrumentation est aventureuse : le trio acoustique saxophone, trompette et clarinette est associé à une rythmique constituée d’un orgue hammond et d’une batterie pour interpréter un "jazz de chambre" joyeusement expérimental dans lequel écriture minutieuse et improvisations interagissement avec intelligence. La soirée d’ouverture se poursuit à la maison de la culture avec le trio de Fred Hersch, trop peu vu sur les scènes françaises, bien qu’il soit considéré comme l’un des pianistes américains majeurs du jazz de ces vingt dernières années. Il s’impose avec un styliste précieux à la musique raffinée, qui allie à une maitrise incontestable du piano un lyrisme mélancolique en partie hérité du romantisme de Bill Evans. En deuxième partie : la musique sophistiquée et ironique du compositeur Nino Rota, essentiellement issue du film "La Strada" de Federico Fellini. Une relecture très personnelle nous est offerte par le quintet de l’accordéoniste Richard Galliano, toujours aussi bien accueilli par le public neversois. Les ritournelles festives sont mises en valeurs par les envolées mélodiques et saisissantes de John Surman (saxophone soprano) et Dave Douglas (trompette).

Juhani Aaltonen, Ulf Krokfors à Nevers le 7 novembre 2011
© Christophe Deschanel

Le festival reprend le lundi, avec le saxophoniste et flûtiste Juhani Aaltonen. Le quartet finlandais conjugue avec finesse lyrisme, évocations au jazz traditionnel et traversées délirantes empruntées au free-jazz. L’univers mystérieux du chorégraphe serbe Joseph Nadj accompagné du saxophoniste et percussionniste hongrois Akosh Szelevényi dans le spectacle "Les corbeaux" marque profondément le public, notamment par l’intérêt d’une chorégraphie contemporaine associée à une peinture réalisée en direct à la gouache noire, dans laquelle Nadj se plonge pour imprégner totalement son corps et le transformer en pinceau. Direction le Café Charbon pour un répertoire consacré au célèbre Jimi Hendrix, joué par le trio Journal intime. Le groupe rassemble trois jeunes musiciens prometteurs de la nouvelle génération : Frédéric Gastard (saxophone basse), Matthias Mahler (trombone) et Sylvain Bardiau (trompette). Cette fanfare de poche invente une musique séduisante, joliment interprétée qui dissimule dans une écriture complexe des modes de jeu, systèmes métriques et matières sonores originales, enrichis par les prestations étonnantes du batteur Emiliano Turi et du guitariste chanteur Rodolphe Burger invités pour l’occasion.

Gunter "Baby" Sommer (et Didier Levallet) à Nevers, le 8 novembre 2011.
© Christophe Deschanel

Les musiques improvisées servies par de grands solistes de la scène européenne sont au rendez-vous le mardi 8 novembre dès midi à la salle Lauberty de la Maison de la Culture de Nevers, avec le duo Joëlle Léandre (contrebasse) – Akoch Szelevényi (saxophones, percussions). Dans ce dialogue intime, les deux musiciens explorent un espace sonore illimité où l’imaginaire de Léandre, enrichi de sa gestuelle atypique et de ses coups de théâtre teintés d’humour, croise les couleurs singulières et les évocations folkloriques d’Europe centrale du saxophoniste.

La fidélité dont Roger Fontanel (directeur de l’association D’jazz) fait preuve envers certains artistes depuis l’existence du festival n’est plus à démontrer, comme en témoigne l’accueil du trio Kassap-Sommer-Levallet, qui a choisi pour fil conducteur une musique totalement improvisée où le batteur Gunter « Baby » Sommer au jeu étonnamment drôle et puissant sert de lien entre les envolées Ayleriennes et contemporaines du clarinettiste Sylvain Kassap et les inspirations mingusiennes du contrebassiste Didier Levallet. Malgré la longue existence de ce trio (créé en 1982), la musique ne présente aucune lassitude grâce au dialogue soudé des trois improvisateurs, qui par leur écoute mutuelle cultivent avec subtilité la spontanéité et l’urgence du free-jazz.

Louis Sclavis à Nevers le 8 novembre 2011.
© Christophe Deschanel

Clarinettiste souvent accueilli à Nevers, Louis Sclavis est de retour avec un projet dans lequel il renouvelle une fois de plus son univers musical et fournit une écriture qui sous-entend une interprétation délicate. Entouré de Gilles Coronado (guitare électrique) et Benjamin Moussay (piano et claviers), le Trio Atlas, créé il y a tout juste un an, se passe de la présence d’un batteur et évite ainsi les schémas instrumentaux traditionnels. Sclavis nous offre un univers de caractères et de climats sonores complexes, parfois abstraits sans négliger l’apport de mélodies savoureuses, dont l’originalité repose sur le brassage riche que permet le vaste champ des musiques actuelles, puisant volontiers dans le rock, la musique contemporaine et parfois les musiques électroniques. Le clarinettiste bouscule cette matière sans se perdre, aidé par l’apport de multiples effets que la réunion d’une guitare et des claviers peuvent fournir, invitant l’auditeur à un voyage musical imaginaire et inattendu.

Marc Ribot à Nevers, le 8 novembre 2011
© Christophe Deschanel

Le trio très attendu de Marc Ribot apporte en deuxième partie une prestation étonnante où l’énergie et l’immense culture musicale du maître nous surprennent dès les premières notes. Même si le guitariste semble s’être entouré d’un batteur au jeu admirable, on regrette que la rythmique ne soit pas plus mise en valeur, sans doute due au faible volume sonore de la contrebasse tenue par le légendaire Henry Grimes.
La richesse du jeu de Ribot impressionne et fait de ce concert l’un des meilleurs souvenirs de cette édition. Il laisse place à des envolées free fulgurantes peu éloignées de l’univers de John Zorn et à un dernier morceau teinté de blues. On aurait cependant préféré que le concert soit un peu plus structuré au niveau des thèmes, relevant d’avantage de l’exposition de la performance improvisée du guitariste.

François Couturier à Nevers, le 9 novembre 2011.
© Christophe Deschanel

Le lendemain, changement de style avec François Couturier, dont le lyrisme et l’inventivité impressionnent dans un récital de piano en partie consacré à l’univers mystique du cinéaste russe Andreï Tarkovsky. Le public est touché par le discours spontané, précieux, sophistiqué et mélodique du pianiste, profondément marqué par la musique classique occidentale.

À suivre...











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Photographies de Christophe DESCHANEL

Nous tenons à remercier tout particulièrement le photographe Christophe Deschanel, un habitué du festival de Nevers qui porte un regard très personnel sur les musiciens, dans l’instant.
Il a accepté de nous confier quelques uns de ses clichés réalisés lors du festival D’Jazz 2011.

En photographe indépendant fuyant l’enfermement dans une thématique, Christophe Deschanel considère ses clichés comme "des petits haïkus en image, des instants spirutuels non calculés. Il faut juste être présent." [1]

.::La rédaction: :.

Juhani Aaltonen à Nevers le 7 novembre 2011
© Christophe Deschanel
Marc Ribot à Nevers, le 8 novembre 2011
© Christophe Deschanel
Didier Levallet à Nevers, le 8 novembre 2011.
© Christophe Deschanel
Henry Grimes à Nevers, le 8 novembre 2011
© Christophe Deschanel
Rodolphe Burger (avec Journal Intime) à Nevers, le 7 novembre 2011.
© Christophe Deschanel
Sylvain Kassap à Nevers, le 8 novembre 2011.
© Christophe Deschanel
Reino Laine (avec J. Aaltonen) à Nevers, le 7 novembre 2011
© Christophe Deschanel
"Journal Intime" à Nevers, le 7 novembre 2011
© Christophe Deschanel
Iro Haarla (avec Juhani Aaltonen) à Nevers, le 7 novembre 2011.
© Christophe Deschanel

> Vous pourrez en savoir plus sur lui et sur son travail de photographe en visitant les sites :

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> Liens :

Lire aussi sur CultureJazz.fr :

[1Entretien pour "Nevers, ça me botte" n° 176 - octobre 2011