Constamment envoûtant.

Michel Delorme revient en détail sur le dernier album d’Anne Paceo, Yôkaï, que nous vous avions déjà présenté dans le "Tourne-disques" d’octobre 2012... en lui attribuant un "OUI !" qui est confirmé ici !

La musique de ce nouveau Anne Paceo est envoûtante. Constamment envoûtant est le climat, l’atmosphère… atmosphère, constamment envoûtantes sont les mélodies.
Vous l’aurez compris, je suis envoûté !
Tant cette musique tranche avec la production ambiante. Elle vole tellement haut que je forme le souhait qu’elle plaise quand même à tous.

Anne PACEO : "Yokaï"
Label Laborie / Abeille Musique

Elle a été composée au retour d’un voyage… voyage en Thaïlande et en Birmanie et on ne saurait trop recommander à Anne d’y retourner aussi souvent que possible. C’est cent mille fois au dessus des fades fadaises des fados que Melle Gardot a rapportées de son périple.

Le climat constitue la principale force de cette musique sublime, matin calme dans Shwedagon I et sérénité dans Entre les gouttes, répétitions de phrases jusqu’à la transe pour Shwedagon II et son final très Wayne Shorter, avec un son d’alto proche du shénaï de Bismillah Khan. Comme aussi dans cette espèce de requiem qu’est In my country et qu’auraient pu composer le Sud Africain Abdullah Ibrahim ou l’apatride Joachim Kühn, et l’exposé de Little Bouddha aux glissandi très très à l’est du be bop.
Avec Toutes les fées étaient là on se rapproche un peu de l’occident, voire de l’occident africain ( sic ) avec un piano qui sonne comme la Serbie de Bojan Z. et l’Afrique que Randy Weston a épousée. Je sais que les musiciens n’aiment pas trop les références, mais quand c’est du lourd et que leur musique tient debout toute seule…

Les mélodies. On sait à quel point elles sont importantes, les plus grands musiciens ont toujours été les plus grands compositeurs, je vous épargne la liste. Et les mélodies de Miss Ann(e) sont de toute beauté. Shwedagon I et II, Crunch avec, en prélude à un solo de batterie, quatre notes qui suggèrent le mystère comme le Mysterioso de Monk, justement, Smile dont le refrain sans paroles enchante. Mais Yôkaï surtout, que l’on ne peut s’ôter de la tête une fois le disque écouté. Wayne Shorter nous raconte dans un documentaire pour ARTE qu’un soir les spectateurs chantaient la mélodie de Over shadow hill way, je crois, en sortant du concert.

Le saxophoniste alto Antonin-Tri Hoang porte la tension à son paroxysme dans Lulea. Le guitariste Pierre Perchaud joue particulièrement bien dans Crunch, où le pianiste Leonardo Montana plaque peut-être son meilleur solo.
Quant au bassiste Stéphane Kerecki, dont j’ai déjà dit que tout le monde se le dispute ( il est à la basse ce qu’Émile Parisien est au sax ! ), il envoie une intro de rêve sur Little Buddah et s’illustre dans Entre les gouttes particulièrement.

Anne Paceo , outre avoir composé tous les titres et les paroles de Smile, prend quelques soli bien sentis sans tirer la couette à elle. Son jeu s’est quelque peu décymbalisé au profit d’une frappe assez explosive. Le timbre de sa voix et sa diction font merveille dans ce bijou extrême-oriental qu’est Smile.
Elle a écrit le texte de pochette dans un avion entre Rangoun et Bangkok, high je vous dis.

Un petit mot pour Monsieur Laborie [1] : après le Daniel Humair "Sweet and Sour", vous faites décidément très fort. Deux productions qui peuvent prétendre au titre de meilleur disque de l’année. Et merci de m’avoir toujours envoyé les "vrais" disques pour mes chroniques et non pas un truc de promo tout plat sans textes qui défrise ma discothèque.


> Anne PACEO : "Yôkaï" - Label Laborie LJ20 / distribution Abeille Musique

Antonin-Tri Hoang : saxophone alto, clarinette basse / Pierre Perchaud : guitare / Leonardo Montana : piano / Stéphane Kerecki : contrebasse / Anne Paceo : batterie, voix

01. Shwedagon ( Part 1 ) / 02. Shwedagon ( Part 2 ) / 03. Yôkaï / 04. Talking Drums / 05. Toutes Les Fées Étaient Là... / 06. Little Bouddha / 07. When The Sun Rises / 08. Smile / 09. Lulea / 10. Crunch / 11. In My Country / 12. Entre Les Gouttes


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[1Responsable du Label Laborie - NDLR