Archimusic etc.

A la tête de l’ensemble Archimusic depuis plus de 20 ans, Jean-Rémy Guédon ne cesse d’étonner par la singularité de ses projets avec cette grande formation, comme en témoigne son dernier disque « Le rêve de Nietzsche ». Actuellement en tournée sur quasiment toute l’Afrique subsaharienne avec le quintet « Franco Na Biso ! » pour un hommage au chanteur et guitariste Franco Luambo, il présentera également à l’automne prochain sa nouvelle création « Mutemps – Fantaisie numérique » à l’Espace Culturel les 26 Couleurs de Saint-Fargeau-Ponthierry puis au Triton.
Rencontre avec ce compositeur à la tête d’une grande formation par comme les autres.

  Un orchestre inattendu, né d’une rencontre entre artistes d’univers musicaux différents.

> Armel Bloch : Quand et comment est né l’ensemble Archimusic ?

> Jean-Rémy Guédon : Archimusic est né au printemps 1993 de façon impromptue dans le cadre d’une série de concerts qui comportaient un set de musique classique ou contemporaine (parce que le lieu qui m’accueillait en résidence était plus habitué à ce genre de musique) et une deuxième partie de jazz « moderne » avec mon quartet de l’époque, composé de Serge Adam (trompette), Yves Rousseau (contrebasse) et David Pouradier Duteil (batterie) dont une trace discographique reste sur l’album « Dernier Carat » paru en 1994 sur le label Quoi De Neuf Docteur de Serge Adam.
Pour ces soirées, j’ai demandé à des amis de jouer en première partie. J’ai écrit un morceau pour les musiciens des deux écoles au cas où il y aurait un bis… et par chance il y a eu un rappel. Après ce dernier, nous nous sommes rendus compte que cet orchestre avait un son très original qu’il était bon de cultiver. Nous avons donc décidé de poursuivre cette aventure.
Archimusic n’est donc pas le produit d’une pensée individuelle de compositeur mais plutôt un « accident » collectif qui nous a été finalement très utile et bénéfique. À l’époque, je réunissais déjà à peu près toutes les matières premières musicales qui tournaient autour de mon monde d’écriture. Je ne souhaitais pas travailler avec une formation à l’effectif important pour donner à entendre ce que d’autres faisaient déjà. Cette instrumentation me permet encore de développer des mélanges de pratiques que je recherchais à l’époque.
Si j’ai un mérite qui peut être reconnu, c’est celui d’avoir su nourrir ce son tout au long de ces vingt années passées ensembles. Cette naissance inattendue a donné un caractère très collégial à cet orchestre : pendant les premières années, je ne le considérais pas comme « mon » groupe, même si je composais fréquemment pour celui-ci. J’ai d’ailleurs mis du temps à en assumer pleinement la direction.

> AB : Pourquoi le nom « Archimusic » ?

> JRG : Car les premiers concerts avaient lieu dans la Maison de l’Architecture du 19ème arrondissement de Paris et en tant que compositeur, j’étais passionné par l’architecture des pièces musicales… d’où Archimusic. Une fois l’ensemble créé, il donnait à écouter de la musique contemporaine en première partie de concert puis de la musique improvisée.

> AB : Quand vous avez créé cet orchestre, aviez-vous des « objectifs » particuliers de sons, d’écriture, de musiciens à rassembler (notamment par la réunion de solistes issus du classique et du jazz) ?

> JRG : Au regard de ce que j’ai dit précédemment, je n’ai pas créé Archimusic par ma propre volonté donc je n’avais pas de « couleurs musicales intérieures » qui m’ont poussées vers cette orientation. Cette réunion de musiciens était liée à mon environnement de vie, plus qu’à un fantasme sonore. C’est un point important dans ma façon de travailler : j’utilise (ou recycle) tout ce qui m’entoure. Si j’ai bien un talent, c’est celui-ci… Cela a créé un orchestre à fortes contraintes qui m’a conduit à inventer des outils compositionnels adaptés à celui-ci. Je me suis rendu compte que la contrainte était un facteur important de liberté alors que l’on a tendance à penser totalement l’inverse.
Il n’y a pas d’instrument harmonique. Il m’a donc fallu une écriture où les musiciens « classiques » accompagnent des improvisations sans leur demander de jouer uniquement des rondes pendant que le saxophoniste s’exprime… J’ai également cherché des façons d’improviser qui soient sur des lignes, sur des climats, pour essayer de fondre l’écriture et l’improvisation. Voilà un exemple de belle contrainte dont les réponses ne peuvent être que singulières. Dans tous les projets d’Archimusic, il y a un gros travail d’écriture en amont, avec un cadre et une forme bien pensée mais celle-ci doit rester souple, pour que les jazzmen aient une place pour improviser.

> AB : Pourquoi le choix de ces musiciens et pas d’autres ?

> JRG : Le choix a été directement conditionné par les artistes présents aux premiers concerts. L’instrumentation s’est stabilisée autour d’un « quatuor » classique et d’un quartet de jazz. C’est aussi six instruments à vents et une rythmique.

> AB : Y a-t-il des expériences musicales, compositeurs et formations qui vous ont inspiré pour vouloir le son, les couleurs musicales et l’instrumentation que vous recherchiez ?

> JRG : Pas vraiment vu l’histoire de cet orchestre mais a posteriori, on peut entendre dans la production « pop » anglaise de la toute fin des années soixante pas mal de jeunes chanteurs avec des hautbois, bassons et clarinettes diverses. Cela nous ramène un peu au son original d’Archimusic pour une formation de cet effectif… La première fois que nous avons joué à Radio France, Claude Carrière m’a dit qu’Archimusic avait une filiation avec Ellington ! À vous d’en juger.

  Une écriture et des inspirations peu communes.

> AB : Au fil de vos différents programmes, comment définissez-vous l’univers musical d’Archimusic ?

> JRG : Est-ce vraiment une réponse qui doit être donnée par celui qui invente la musique ? N’est-ce pas plutôt à ceux qui l’écoutent de répondre ? À ceux qui me demandent avant un concert dans quel style nous jouons, je leur réponds « écoutez et on en reparle après ». Voilà à peu près le type de réponse que j’entends.
On peut dire que notre univers est de l’archi-musique. J’ai toujours refusé de m’inféoder à un style prédéterminé par peur de m’ennuyer dans ma vie de musicien… Cela donne peut être le côté inclassable donc assez original de cette musique. Un mémoire de fin d’étude en marketing, en partie consacré à Archimusic, approuve que « l’esthétique proposée par Archimusic n’est pas définissable ou ne peut pas être qualifiée par des esthétiques déjà existantes. D’un côté, c’est ce qui fait sa force car la musique est unique et nouvelle. Elle attire la curiosité. En même temps, c’est une faiblesse pour réussir à attirer le public et convaincre les programmateurs d’acheter un concert. » Selon moi, Archimusic possède une instrumentation unique où règne une dimension de métissage des pratiques des styles jazz, contemporain et classique.

> AB : Votre écriture a-t-elle évolué au cours des années ?

> JRG : Oui bien sûr. A la différence de compositeurs qui ont appris dans des établissements d’enseignements musicaux, je me suis forgé mes propres outils compositionnels. Mon écriture a donc été longue à peaufiner mais le temps a joué en ma faveur. Mes inspirations viennent assez naturellement. C’est une chance. J’aime changer de systèmes compositionnels. Je les emprunte ou les crée moi-même…

> AB : Vous semblez trouver des prétextes littéraires pour certaines de vos créations (Marc Aurèle, Sade, Nietzsche). Pourquoi ces derniers et entretenez-vous un rapport particulier avec les textes ?

> JRG : En France, nous sommes un peuple éminemment littéraire, incroyablement porté sur cette chose. Je ne me sens pas assez doué pour ne pas utiliser toutes les cartes d’inspiration dont je dispose… D’ailleurs, je peux dire que je ne m’inspire de rien mais tout m’influence. Je suis perméable à ce qui m’arrive au cours de ma vie et je le retranscris dans ma musique.
J’ai donc choisi ces « phares » de la littérature et les ai utilisés sans vergogne. Ces trouvailles littéraires m’ont tellement impressionné que, comme dans le principe de la cocotte minute, j’ai eu besoin de décompresser en écrivant. Le nuage de vapeur s’est transformé en répertoires pour l’ensemble… Je suis très sensible aux textes. J’ai eu des « échanges » avec ces grands hommes, parfois plus riches qu’avec des vivants… En travaillant avec des musiciens classiques, j’ai appris à confronter les techniques, les approches, ce qui m’a permis d’intégrer d’autres formes d’expression en intégrant le texte à mon travail de compositeur. Je m’inspire plus d’auteurs que de musiciens pour composer.
Dans Le rêve de Nietzsche, j’ai essayé de concilier les mots de Nietzsche et ma musique dans une forme compositionnelle commune, dans laquelle ces deux éléments évoluent en parfaite altérité. Dans Sade Songs, il était question de religion, de sens et de nature dans les textes. À partir de ces contes pour adultes, j’ai composé des chansons qui m’ont semblé être le format musical le plus apte à traduire la théâtralité et la magnifique complexité de l’œuvre sadienne. Dans Les pensées pour moi-même, qui est la suite du projet précédent, les thèmes de la philosophie stoïcienne sont mis en musique pour transmettre la profondeur des pensées universelles de Marc Aurèle.

> AB : Qu’est-ce qui vous a précisément inspiré dans le programme « Terres Arc-en-ciel » ?

> JRG : Pour « Terres arc en ciel », c’est la cosmogonie vaudou qui m’a offert les tuteurs poétiques sur lesquels je me suis appuyé. Nous avons créé ce répertoire au Bénin avec quatre artistes béninois. Nous l’avons donné dans plusieurs lieux, en banlieues parisiennes et en Afrique, avec un nombre respectable d’invités…
Ce projet a été pensé comme une suite qui se recrée à chaque fois : une évolution en spirale où les générations d’invités passés participent aux réalisations du présent, une forme de panthéisme musical. Ces collaborations s’opèrent en fonction du berceau culturel des artistes rencontrés.

Jean-Rémy Guédon
© Christophe Alary

> AB : Pour chacune de vos créations, avez-vous toujours besoin d’un prétexte pour initier votre écriture ?

> JRG : Pour moi, un prétexte de création est « une raison qui cache un motif réel ». Dans ce sens, je n’ai pas vraiment de prétexte. Je choisi mes sujets avec authenticité. A partir de ces derniers, je construis une architecture musicale qui peut singulièrement s’éloigner de mon inspiration première car les mots, leurs sens et la musique ne répondent pas aux mêmes règles. Mon travail de compositeur consiste à les juxtaposer et leur donner une cohérence globale.

> AB : Concernant vos récents projets « Le rêve de Nietzsche » avec le rappeur Jimmy Justine et une prochaine création intitulée « MuTemps – Fantaisie numérique » avec un vidéaste, comment expliquez-vous votre choix de travailler avec deux artistes qui ont assez peu à voir avec l’image que peut se faire le public connaisseur du jazz ?

> JRG : Il faut un équilibre dans toute chose. Si vous organisez des repas de famille le dimanche avec les mêmes participants réguliers, le rituel s’installe vite et l’ennui montre tôt où tard le bout de son nez. Si vous invitez un « étranger » de la famille dans ce même repas, le bel équilibre ennuyeux peut disparaître. Dans la musique, on observe la même chose… La question d’inviter des artistes de pratiques différentes était posée dès la création de l’ensemble, avec le mélange des traditions classique et jazz…
J’ai fait une erreur colossale au début de ma « carrière » : je pensais que le jazz, c’était la liberté de faire ce qu’on voulait. Je me suis trompé car les codes du jazz sont aussi présents que dans n’importe quelle autre musique. Il y a peut être un peu plus de possibilités qu’ailleurs. Les jazzmen ont cette belle aptitude à s’approprier différentes musiques pour construire leur univers. D’une façon imagée, on dit souvent que la famille des artistes de jazz a tendance à héberger les musiciens SMF (Sans Musiques Fixes). Quand on ne sait pas dans quel style caser un musicien, on dit souvent par défaut qu’il « fait du jazz », au grand désaccord de certains. Il n’y a qu’à observer le long débat qu’on ne nous a pas épargné lors de la dernière nomination du directeur de l’ONJ. On se serait cru en pleine guerre anciens contre modernes. Nous sommes aujourd’hui dans une période où tous les systèmes musicaux peuvent cohabiter, alors profitons-en ! Donnons à entendre une musique la plus variée possible.

> AB : Quels sont vos futurs projets avec Archimusic ?

> JRG : 2014 est la troisième et dernière année de notre résidence à Saint-Fargeau-Ponthierry, confiée par Loic Rabache. Je fais tout pour lui rendre cette confiance. Cette résidence est centrée autour de trois axes : création, diffusion et action culturelle. Je n’ai jamais eu autant de moyens et de temps pour cette création. Elle m’a permis d’avoir une grande complicité avec l’auteur Jacques Rebotier, de réaliser un travail innovant avec la chorégraphe Julie Desprairies, un couple de chanteurs (Laurence Malherbe et Jean-Marie Marrier), un vidéaste (Johan Lescure) et l’orchestre. En dehors de cette création qui sera donnée les 26 et 27 septembre 2014 à Saint-Fargeau-Ponthierry, nous serons au Triton pour une dizaine de représentations du 30 septembre au 3 octobre puis du 7 au 11 octobre.

Ensemble ARCHIMUSIC – Jean-Rémy GUÉDON – Jimmy JUSTINE : "Le Rêve de Nietzsche"
Le Triton / Musea

MuTemps réunit donc musique, chant et manipulations visuelles. En lien avec le thème de la mutation de notre société, on raconte une histoire dont les tableaux se succèdent en évoquant l’opéra, mais aussi le jazz et les musiques du « tout monde ». Cette pièce aux traits d’humour et aux accents profonds, donne sa place entière à l’Omme (ouvrage de Jacques Rebotier), interpellant le public sur son rôle de spectateur. Jacques est notre « dealer » de mots. Il nous fournit grassement et on pioche, picore, rejette et nous accrochons parfois à ses textes. Sa proximité et son soutien sont importants… Avec Johan Lescure, nous avons travaillé ensemble à l’écriture de sa partition visuelle. Il est un instrumentiste d’images. Il improvise dans les espaces où la musique l’autorise, grâce à des télécommandes diverses.
Nous avons beaucoup travaillé la relation entre les sons et les images improvisées, ce mode de jeu sera bien présent. Une partie vidéo interactive entre les artistes et le public sera mise en place, donnant ainsi une dimension entière à l’Omme. L’idée est de mettre en avant la communauté humaine qui vit ce spectacle grâce aux outils numériques.
Artistes, techniciens et publics deviennent peu à peu un groupe autonome qui s’approche, voire se fond, dans la destinée de l’Omme. Là-dessus, on a demandé à Julie Desprairies « experte en chorégraphie in situ », de travailler avec nous pour notamment mettre en espace les corps des musiciens dans les lieux où sera diffusée cette création.

En 2015, nous allons créer un répertoire tout public intitulé « Mizik a kompè ». Pour ce programme Mariann Mathéus sera notre artiste invitée.
2016 sera l’année de création du projet « Âmes Sonnez » : un requiem dont les textes sont de Rainer Maria Rilke. Nous les feront traduire de l’Allemand au Lingala car ils seront chantés dans cette langue.

  Une direction assez collégiale, avec une ligne d’écriture à respecter.

> AB : Comment dirigez-vous cet orchestre ?

> JRG : Archimusic n’étant pas né du résultat d’un fantasme de compositeur mais d’une opportunité qui s’est imposée en concerts, il en découle une direction conviviale. Il faudrait être idiot où très imbu de moi-même pour penser que les musiciens qui servent ma musique n’ont pas leur grain de sel à mettre. Cependant, une soupe trop salée est plutôt imbuvable. Quand on est aux commandes d’un tel orchestre, il faut s’assurer d’un équilibre qui consiste à garder une certaine cohérence par rapport à l’idée initiale que l’on a de la musique. Il y a bien sûr des règles relatives aux goûts et couleurs qui existent. Le respect de celles-ci s’est parfois traduit par des changements de musiciens.
On ne peut pas demander l’avis à tout le monde sans prendre de décision. A un moment, il faut que je prenne la décision finale, mais je veille toujours à ce que chaque musicien se sente bien à sa place et qu’il ait son « moment à lui ».
J’aime souvent dire que si j’étais à la tête d’un navire, je serais comme un capitaine qui ne touche jamais la barre sauf quand il voit un iceberg et si je dois la prendre, personne ne peut me dire quelque chose.
Je conçois la direction de cet orchestre comme une sorte de non-dirigisme attentif.

> AB : Selon vous, pour diriger une grande formation, quelles sont les qualités fondamentales dont doit disposer un chef d’orchestre pour que son ensemble puisse continuer à exister ?

> JRG : Spontanément, je vois plusieurs choses qui m’ont servi pour qu’Archimusic existe encore après 20 ans d’ancienneté. Je suis né dans un habitat communautaire et quand j’étais enfant, nous faisions des grands jeux à cinquante. J’ai eu très tôt à faire à une éducation de groupe. Sans m’en rendre compte, j’ai appris à utiliser la force des gens et leurs aspects créatifs pour avancer.

J’ai dirigé pendant douze ans le grand orchestre franco-allemand pour les jeunes professionnels avec Albert Mangelsdoorf. Ce dernier, sans jamais me donner de leçon, m’a beaucoup appris sur la direction humaine.
Cette dimension est primordiale pour qu’une grande formation maintienne son activité. Sur la longévité de l’ensemble, j’ai toujours fait confiance au temps. Je sais qu’il agit en bonifiant les choses. Il est aussi bon de constater que diriger un tel orchestre nécessite de devoir prendre plusieurs casquettes (régisseur, administrateur, chargé de production, chargé de diffusion…), donc une charge de travail non négligeable…
En dehors des qualités dont doit disposer le chef, il y a aussi celles des musiciens, qui font tous preuve d’engagement et d’investissement pour une grande formation qui ne tourne pas assez.

> AB : Quels sont les éventuels freins que votre orchestre peut connaitre pour son développement ?

> JRG : Lorsqu’on dirige une grande formation, les freins sont toujours du même ordre : le manque de concerts. En dehors de quelques passages chanceux où « tout roule », faire jouer un grand format de jazz est une sacrée gageure. Il est rare qu’un grand ensemble ait une existence de plus de vingt ans. La France en dispose de quelques-uns comme le MégaOctet d’Andy Emler, le Caratini Jazz Ensemble de Patrice Caratini, l’ensemble Tous Dehors de Laurent Dehors. Avec le temps, notre travail est mieux répertorié. Les gens qui nous font confiance vérifient que nous sommes toujours actifs. Ils nous suivent plus facilement…
Il m’a tout de même fallu dix ans pour avoir les premières aides financières…
Ce qui est curieux avec Archimusic, c’est que le fait d’être composé à moitié de musiciens de formation classique et à moitié de musiciens de jazz n’a pas fait école du tout alors que nous avons intuitivement et simplement reproduit les origines du jazz, à savoir un mélange de spirituals africains et de musique classique européenne. Nous sommes revenus aux sources sans le savoir…

> AB : Vous êtes à l’initiative de l’association Grands Formats. Pourquoi la création de celle-ci en 2003 ?

> JRG : À l’époque, nous étions en pleine crise de l’intermittence et il nous fallait résister à la réforme. Une chose est sûre : nous sommes toujours plus forts ensemble que tout seuls. Les grandes formations manquaient de reconnaissance sur les scènes et nous étions plusieurs à en subir les conséquences. Un jour, j’ai croisé Patrice Caratini qui officiait depuis plusieurs années dans la direction de son Jazz Ensemble. Je lui ai proposé « qu’on se bouge » pour nos orchestres, au-delà des chapelles stylistiques, et l’association Grands Formats, à ce jour présidée par Frédéric Maurin, est née. Je suis un « retraité » de cette très belle action collective pour laquelle je me suis beaucoup investi sans aucun regret. Nous avons fait avancer dans le bon sens la reconnaissance de nos pratiques mais ce combat est loin d’être terminé et gagné…

> AB : En dehors d’Archimusic : quelle(s) autre(s) activité(s) ?

> JRG : Je joue en quartet avec Christian Laviso, Thierry Jasmin-Banaré et Arnaud Dolmen, qui a donné le disque Kaladjazz et qui est aussi le nom du groupe.
Le répertoire est basé sur les rythmes traditionnels de la Guadeloupe et de la Martinique (Gwoka et Bélè). Sur ces derniers, j’ai écrit des mélodies contemporaines grâce à un jeu de « polypentatonisme » : un outil d’écriture que je pratique depuis deux ans dans mon travail d’improvisation au saxophone. Nous chantons des « Tipawols » (proverbes créoles) qui « sonnent », tant au niveau du sens que de la prosodie.

J’étudie assez intensément au saxophone le traité de « Gwo ka modèn » de Gérard Locquel, un grand penseur musical guadeloupéen.

Au printemps, je vais faire une très longue tournée sur quasiment toute l’Afrique subsaharienne avec le quintet Franco Na Biso !, pour un hommage au chanteur et guitariste Franco Luambo, un artiste aussi important que Fela en Afrique, père de la rumba congolaise. Il était congolais francophone. C’est un projet de coopération artistique avec quatre musiciens du Congo Kinshasa dont le guitariste Kojack Kossakamwve est le leader et moi-même. Vingt-trois pays seront visités dans presque toute l’Afrique du Sub saharienne pour trois mois de concerts.

Enfin, je joue en duo avec Maryse Ngalula, une chanteuse et guitariste de la République Démocratique du Congo, qui a un superbe univers musical quasi ignoré en France. Nous jouerons en juin à Pointe-Noire dans le festival N’Sangu Ndji Ndji puis dans le Sud-Ouest de la France (festival Convivencia et Café Plum’).

Remerciements particuliers à Jean-Rémy Guédon et Léonie Guédon pour leur patience et précisions de propos dans cette interview réalisée par mail.


> Discographie :

  • Le Rêve de Nietzsche (2013), Archimusic. Label : Le Triton / Distribution : Musea
  • Kaladjazz (2012), Kaladjazz. Label et distribution : Poker Productions
  • Terres Arc-en-Ciel (2010), Archimusic. Label : Le Triton / Distribution : Musea
  • Sade Songs (2006), Archimusic. Label : Le Chant du Monde / Distribution : Harmonia Mundi
  • Folklore Moderne (2002), Collectif Polysons. Quoi de Neuf Docteur ?
  • L’Ensemble Franco-Allemand de jazz fête ses 20 ans (2002), Albert Mangelsdorff. OFAJ
  • 13 Arpents de Malheur (2001), Archimusic. Label : Le Triton / Distribution : Musea
  • Deep Feelings (2000), ONJ Didier Levallet. Evidence
  • Sequences (1999), ONJ Didier Levallet. Evidence
  • O.N.J. Express (1998), ONJ Didier Levallet. Evidence
  • Parthéos (1998), Archimusic. Label : Quoi de Neuf Docteur ? / Distribution : Night and Day
  • Polyson (1995), Collectif Polysons. Distribution : Night and Day
  • Archimusic (1994), Archimusic. Label : Quoi de Neuf Docteur ? / Distribution : Night and Day

> Lien :