"Synaesthetic Trip 02 – Beyond The Predictable Touch"

Edward PERRAUD : "Synaesthetic Trip 02 – Beyond The Predictable Touch"

Introduction :

Ça commence comme ça : par Entrailles, sorte de mambo nostalgique. Porte d’entrée de quel univers ? D’où cela peut-il bien venir, de quelle histoire ? De quelles entrailles est-il le fruit ? Avouons-le, nous avons entendu Edward Perraud à plusieurs reprises et ce à diverses occasions essentiellement en tant que sideman. Et à chaque fois notre oreille a été happée, sans en avoir pleinement la conscience ou la volonté, par un univers iconoclaste sans pour cela être hostile aux traditions. Jamais alors nous n’avons eu la révélation d’une révolution esthétique ou formelle, mais celle d’une poétique personnelle et libre. Quand on dit libre encore faut-il s’entendre sur la signification du mot et ici nous l’entendrons mu non par un égoïsme libéral, mais par la communion du jouer ensemble. Quelque chose qui tient du franc parlé, d’un jeté de pavé dans la mare, d’une irrésistible envie.

Chapitre 1 : le CD - "Synaesthetic Trip 2 – Beyond The Predictable Touch"

Edward PERRAUD : "Synaesthetic Trip 02 – Beyond The Predictable Touch"
Quark Records

Envie d’accord mais en premier lieu celle de convier les musiciens avec qui on désire jouer et quand on est son propre producteur toutes les diversités, toutes les révoltes, tous les ludismes sont permises. Les jeux d’Edward ne nous surprennent pas car la surprise est de mise et c’est bien cet espoir jamais déçu, son exigence, son attente qui nous fait le suivre et dans laquelle nous nous retrouvons ici. Alors du mambo nous passons aux lieux et aux âmes de la musique d’Edward : des évocations du Lac des Cygnes du formidable Bart Maris dans Te Koop Te Huur, du blues à la Mal Waldron d’Un Mal Pour Un Bien, de la gestuelle empruntée à la Missa La Sol Fa Ré Mi de Josquin Des Prez pour Lascia Fare Mi, aux tentatives de louanges du choral Nun Komm de Bach, deux plages très mingusiennes avec Thomas de Pourquery et Daniel Erdmann aux saxophones jusqu’à l’hommage Suranné pour la sœur aimée. N’allons pas chercher de vagues réminiscences ou une carte de visite mais bien plutôt des lignes de fuites picturales imprévisibles et vivantes. Un jazz aux lignes simples, structuré (voire suturé) par la science harmonique de Benoit Delbecq et par un Arnaud Cuisinier véritable pierre angulaire du groupe et tous deux auteurs de remarquables interventions sur Touch plage aux couleurs très bl(e)ues comme d’ailleurs l’ensemble du disque. Oui on aime !

Chapitre 2 : le concert-Studio de l’Ermitage-Jeudi 4 juin 2015

Edward Perraud
© Christian Ducasse - 2015

On l’a maintes fois répété mais elle est ici encore plus évidente : le CD est le support, la présentation d’une proposition, d’un instant T qui restera ; le concert est celui par essence de l’éphémère, de l’immédiateté qui marqueront nos souvenirs. Il n’y a pas ici de hiérarchisation, ce sont juste deux choses différentes. Les musiciens se saisissent des propositions décrites ci-dessus, portes ouvertes ils ont. Et c’est même à la demande exprès d’Edward qu’ils doivent user de cette liberté fondamentale sans quoi la musique ne serait que le succédané robotisé du disque. On ne peut pas tricher alors allons-y gaiement, c’est le moment de jouer dans tous les sens du terme, de tordre et retordre, de prendre des chemins vertigineux et encore plus imprévisibles. Si cette soirée a une évidence c’est bien celle là, foi de jazzmen. Véritables échappées musicales nous avons eu droit aux risques qui font tanguer, blanches, noires ou palettes multicolores, peu importe puisque ce fut l’heure des choix où chacun joue pour tous les autres, spectateurs y compris.

© Christian Ducasse - 2015

Conclusion :

Le CD présenté ici c’est aussi ça, photographies d’Edward, synesthésie où la musique engendre des images et vice versa, valorisant l’objet en le rendant indispensable et bien plus désirable que d’immatériels fichiers mp3 planqués dans les profondeurs de nos disques durs. Et si cet enregistrement et ce concert ont un mérite c’est de dire qu’Edward Perraud à le swing fiché aux fond des entrailles.


Edward PERRAUD : "Synaesthetic Trip 02 – Beyond The Predictable Touch"

Retrouvez ce disque dans la "Pile de disques" de mai 2015 sur CultureJazz.fr.

> Quark Records QR0201016 / L’Autre Distribution.

Benoît Delbecq : piano, électronique / Bart Maris : trompette, bugle, effets / Arnault Cuisinier : contrebasse, effets / Edward Perraud : batterie, percussions, effets /+/ Daniel Erdmann : saxophone ténor / Thomas de Pourquery : saxophone alto

01. Entrailles / 02. Te koop te huur / 03. Nun Komm / 04. Mal pour un bien / 05. Touch / 06. Lascia fare mi / 07. Suranne / 08. Sad time / 09. Captain universe / 10. Democrazy // Enregistré au Studio La Buissonne (Pernes-Les-Fontaines, 84) par Gérard de Haro et Nicolas Baillard en 2014 (?).