Y a t’il encore des paillettes sur les disques qui sortent après Noël ?
Pour cette première vitrine de l’année, nous prenons de l’avance ! A quelques exceptions près, les disques chroniqués ci-dessous ne sortiront qu’aux alentours du 25 janvier 2019. Il va falloir attendre quelques jours pour les acheter...
| 01- LARRY GRENADIER . The gleaners - OUI !
| 02- THE DROPS . Hard pop
| 03- GIOVANNI GUIDI . Avec le temps
| 04- CAECILIE NORBY . Sisters in jazz
| 05- JOSH SINTON PREDICATE TRIO . Making bones...
| 06- MICHAEL FELBERBAUM . 3 elements - OUI !
| 07- LOUIS BILLETTE 5TET . Concordance
| 08- JOSEFINE CRONHOLM . Ember - OUI !
| 09- MARE NOSTRUM III - OUI !
| 10- MIKKEL NORDSØ QUINTET . Out there
| 11- PHILIPPE SOIRAT . Lines and spaces
| 12- JOE LOVANO . Trio Tapestry
| 13- TCHA LIMBERGER . Live
| 14- YONATHAN AVISHAI . Joys and solitudes - OUI !
| 15- CHRISTOPH IRNIGER . Pilgrim
ECM
Larry Grenadier : contrebasse
Un solo de contrebasse un peu long, ça peut faire peur à beaucoup. Même à nous. Tout un disque d’un contrebassiste en solo, quel effet cela peut-il bien faire à l’auditeur ? Cela peut par exemple profondément ennuyer ou tout simplement fasciner. Entre ces deux options, il peut y avoir un écoutant perplexe, incrédule ou intrigué, c’est selon. Nous aimons nous tenir dans cette dernière catégorie. Or donc, passé la cinquantaine, Larry Grenadier a conçu cet exercice comme une exploration de sa personnalité musicale, conscient que cette dernière s’est forgée en glanant (to glean : glaner) le long du chemin des influences diverses et variées, pas forcément musicales, qui ont nourri un jeu personnel toujours en devenir. Nous, on n’a rien contre les interrogations existentielles. Mais quand on a un disque entre les mains, on veut juste écouter de la musique. On veut même qu’elle nous émeuve et nous file des frissons quoi. C’est une fois convaincus par la musique que nous nous attardons sur le postulat émis par le musicien. Ou pas. On n’a pas toujours besoin de savoir. Dans ce disque, la musique nous a paru terrienne, ancrée dans une assise quasi tellurique. Ferme et dense, emplie de résonnances profondes, elle nous a sérieusement interpelés dans le bon sens du terme. Vibrante et sincère, jamais absconse, c’est ainsi qu’elle nous est apparue, ouvrant au fil des titres (leur relative brièveté aide à l’écoute) des paysages sonores contrastés et jamais lassants. Le contrebassiste de la côte ouest nous a semblé là serein, de ceux pour qui le questionnement n’est pas une angoisse mais plutôt une nécessité inhérente au progrès artistique. Comme on ne connait rien à la technique, on ne vous en parlera pas. Mais comme on aime la musique, nous nous permettons de vous dire clairement qu’il ne faut pas avoir peur de ce disque et qu’il est même très conseillé de se le procurer. La surprise sera calme et apaisante.
Yves Dorison
The Drops Music. Tune Core
Christophe Panzani : saxophone
Federico Casagrande : guitare
Gautier Garrigue : batterie
Les trois musiciens achèvent avec ce disque une décennie de musique. C’est leur quatrième enregistrement et ils se tournent délibérément vers une formule musicale plus brute de décoffrage. Capable de séduire au-delà du cercle des jazzeux purs et durs sans pour autant froisser ces derniers, la dite formule a le mérite du renouvèlement sans perte de mémoire. Leurs fondamentaux, une cohérence esthétique, un goût pour le motif répété et un sens de la narration caractéristique, sont toujours là et profitent de cette ouverture à l’instant qui privilégie l’émotion brute. Il en découle un élargissement de leur espace musical qui se gonfle ainsi d’un souffle à l’ampleur éloquente. C’est percutant et persuasif tout en demeurant riche de nuances gourmandes. Certains seront peut-être déstabilisés de prime abord par l’aspect bruitiste du trio (de la batterie en particulier) sur quelques titres mais ils devraient survivre, pour peu qu’ils ne soient pas trop timorés. Après tout, c’est tout de même hard pop et le message est dans la bouteille. On regrette juste quelques fondus en fermeture ; parce qu’on aime bien penser que l’absence de fin justifie les moyens et que The Drops est au dessus de la moyenne.
Yves Dorison
https://www.federicocasagrande.com/
http://www.christophepanzani.com/
http://www.musiqueabord.com/artistes/10/gautier-garrigue
ECM
Giovanni Guidi : piano
Francesco Bearzatti : saxophone ténor
Roberto Ceccheto : guitare
Thomas Morgan : contrebasse
Joao Lobo : batterie
C’est un beau voyage que nous propose le quintet de Giovanni Guidi autour du célébrissime thème de Léo Ferré qui ouvre le disque dans une version somptueuse à bien des égards comme l’ensemble des morceaux d’ailleurs. Le lyrisme et la mélodie sont les pôles de cette musique jouée avec une justesse émouvante par des musiciens au talent reconnu non sans raison. Et comme Giovanni Guidi sait créer des atmosphères entêtantes, on n’échappe pas à cette expressivité musicale qui va chercher dans les paysages linéaires qu’elle invente les détails saillants qui retiennent l’oreille. Tendues de temps à autre, introspectives et presque vaporeuses aussi, les lignes mélodiques flirtent ici et là avec l’incongru, renforçant par là même ce sentiment d’étrangeté qui parcourt le CD. De matière il s’agit, certes, mais d’anti matière également. Giovanni Guidi et ses musiciens parviennent à plonger l’auditeur dans une quête quasi bipolaire dont la complexité s’articule autour d’une thématique qui manie l’intensité avec légèreté, quelque part entre noirceur diaphane et densité limpide. Tout dans ce CD résonne d’une musicalité profonde qui ne peut que séduire.
Yves Dorison
Act
Caecilie Norby : chant
Rita Marcotulli : piano
Nicole Johänntgen : saxophone
Hildegunn Oiseth : trompette
Lisa Wulff : contrebasse
Dorota Piotrowska : batterie
Un disque de jazz rien qu’avec des femmes qui reprennent des thèmes composés par des femmes, voilà qui n’est pas commun. Mais cela reste dans notre esprit anecdotique car on ne fait pas de différences entre les artistes, quel que soit leur sexe. L’on trouve donc dans ce disque pour interpréter de manière plutôt classique ces chansons quelques unes des pointures européennes du jazz au féminin. C’est aussi un groupe inter-générationnel, ce qui ne gâche rien. La pianiste Rita Marcotulli est épatante et les autres ne sont pas mal non plus. Caecilie Norby, quant à elle, fait parler l’expérience, ce qui lui permet de varier avec brio les angles d’attaque pour moduler à la perfection son chant et mettre en valeur le grain particulier qui est le sien. On a particulièrement remarqué une belle version de l’iconique Big yellow taxi de Joni Mitchell et un blues final bien charnu et plutôt convaincant. De bout à l’autre de l’enregistrement, une belle complicité s’affiche entre les musiciennes et c’est là un des intérêts majeurs de cette affaire musicale. Dommage cependant que la maison de disque insiste sur l’aspect féminin du projet pour le commercialiser. Les dames qui y sont réunies n’ont aucunement besoin de cela. Ce sont des musiciennes de qualité, un point c’est tout.
Yves Dorison
Iluso records
Josh Sinton : saxophone baryton, clarinette basse
Chris Hoffman : violoncelle
Tom Rainey : batterie
Enregistré à l’ancienne, les trios musiciens dans le studio sans aucune séparation, ce disque ne manqué pas de charme. Josh Sinton, à la fois sensiblement organique et intellectuel dans son jeu, approche ses compositions avec une liberté de ton chère aux explorateurs de la forme. Brillamment accompagné par le terriblement inventif Tom Rainey à la batterie et par Chris Hoffman au voloncelle (repéré chez Braxton et Threadgill, entre autres), le natif du New Jersey creuse son sillon avec la persévérance du convaincu. Plus ancré dans la création contemporaine qu’à proprement parler jazzman, il impose une musique aux angles saillants, expressive dans sa rugosité et toujours sujette à l’éclat de la surprise. Ces acolytes ne sont pas en reste et proposent en permanence des ouvertures sur l’inconnu qui permettent au trio de fureter en approfondissant les sonorités. A tout le moins, c’est une musique prospective à la linéarité aléatoire qui séduira les esprits libres et rebutera les autres. Ce n’est pas une raison suffisante pour passer à côté.
Yves Dorison
Fresh Sound New Talent
Michael Felberbaum : guitare
Frédéric Borey : saxophones soprano & ténor
Leonardo Montana : Piano & Fender Rhodes
Voilà un album qui mérite toute votre attention car il propose un univers musical empreint d’une originalité particulière. Sans rythmique, les trois musiciens démontrent que la pulsation existe malgré tout. Ils le font au travers de compositions du guitariste et en reprenant des thèmes allant la musique baroque au grungy Soundgarden. Intime et onirique par bien des aspects, ce disque offre des cheminements musicaux multiples au sein desquels chacun des trois musiciens exprime sa sensibilité. L’art du trio, on le sait depuis Bill E., porte l’interplay dans son ADN. Michael Felberbaum et ses complices de longue date le confirment avec une finesse de tous les instants. Complexe dans l’approche, leur musique n’est est pas moins limpide. Ca coule de source, comme on dit, car l’intelligence des formes est ici une évidence qui relève autant du pictural que d’un tissu mélodique à la trame riche. L’auditeur est promené dans des méandres où se mêlent des harmonies subtiles qui éclairent le propos de manière contrastée. C’est en toute circonstance élégant et raffiné sans jamais être ampoulé. C’est un disque de créateurs au goût sûr qu’on ne sa lasse pas d’écouter tant ses différentes facettes sont attractives.
Yves Dorison
QFTF
Louis Billette : saxophones soprano & ténor
Zacharie Ksyk : trompette
François Lana : piano
Blaise Hommage : contrebasse
Marton Kiss : batterie
Du jazz qui s’alimente aussi bien auprès des compositeurs classiques (Bach, Ravel, Satie, Mozart) qu’auprès des maîtres du jazz (Shorter, Hancock, Coltrane), voilà ce que recèle cet album qui a également la particularité de joindre à sa musique la palette artistique du peintre Romain Billette (frère du leader). L’ensemble ne manque pas d’intérêt. Tout est joué de façon maîtrisée (un peu trop quelquefois) et l’écriture des thèmes est limpide, ce qui est notable chez un jeune musicien. D’une facture très équilibrée, la musique ne dédaigne pas pour autant de sortir par moment des sentiers battus et se livre à la libre improvisation avec une réelle pertinence. Si l’influence des grands anciens est nettement palpable, l’auditeur entendra tout de même une voix originale dans ce quintet encore jeune qui, selon nous, ne manque pas d’avenir.
Yves Dorison
Stunt Records
Josefine Cronholm : chant
Torben Snekkestad : saxophone, clarinette, trompetta
Makiko Hirabayashi : piano
Thommy Andersson : contrebasse
Lisbeth Diers : batterie, percussions
Suédoise de naissance mais installée au Danemark depuis de nombreuses années, Josefine Cronholm a déjà collectionné les récompenses dans son pays d’adoption. Vue aux côtés de Django Bates ou de Marilyn Mazur par le passé, elle publie là, après sept ans d’attente, un quatrième album personnel où toutes les compositions sont de sa plume à l’exception du Blackbird de Lennon & McCartney. Accompagnée par des musiciens subtils, elle propose une somme musicale dans laquelle prédomine des atmosphères sinon typiquement nordiques du moins empreintes de cette lenteur éthérée qui caractérise nombre d’enregistrements de cette partie du globe. Le mélange des textes et de la musique est intime et définit d’emblée l’ambiance de chaque thème. Chaque note est posée, chaque ligne inscrite, dans un propos qui forme des mélodies ignorant les frontières. Habillé d’ombres et d’éclats, l’ensemble du disque peut s’apparenter à une collecte d’instants sensibles délimitant le paysage intérieur de la chanteuse. Les musiciens, au diapason de cette quête, n’imposent que le nécessaire avec un sens de l’économie et de la justesse qui se rapproche d’un minimalisme tendant vers une sorte de douceur augmentée. L’ensemble captive par le soin apporté à la nuance et à l’équilibre sans jamais sombrer dans la monotonie ou la platitude.
Yves Dorison
Act
Paolo Fresu : trompette
Richard Galliano : accordéon
Jan lundgren : piano
Un peu de 10 ans après leur premier disque, on retrouve avec plaisir ce trio défiant les frontières européennes. Toujours ancré la contemplation très évocatrice et la douceur des timbres. Toujours accrochée envers et contre tout aux délices du mélodique et de son inhérente poésie, les trois complices continuent à creuser un sillon dont les qualités ne sont plus à louer. Ils ont en outre le bon goût de mettre une once de rythme supplémentaire ici et là, ce qui ne gâche rien. L’équilibre symbiotique entre eux est toujours aussi parfait et c’est un bonheur de les écouter. a tel point que l’on a rien à ajouter si ce n’est qu’il est indispensable d’avoir ce disque près de la platine.
Yves Dorison
http://www.paolofresu.it/
https://www.janlundgren.com/
http://www.richardgalliano.com/
Stunt Records
Mikkel Nordsø : guitare
Tomas Franck : saxophone
Ben Besiakov : claviers
Anders AC Christensen : basse
Alvin Queen : drums
Dans ce disque hommage à Hendrix et Coltrane, de l’aveu même du guitariste leader de cette formation, on l’entend une sorte de synthèse de deux univers qui tendent vers la furie et la transe. Bien que la qualité des musiciens qui jouent cette musique ne soit absolument pas en cause car ils sont impeccables, nous avons éprouvé quelque interrogation en entrant dans cet espace déjà arpenté par d’autres il y a bien longtemps. Si à l’évidence le concepteur de l’album s’est évertué avec un à propos certain à nous faire ouïr les deux passions musicales qui sont les siennes (pour rappel, Hendrix et Coltrane), nous avons principalement retenu, allez savoir pourquoi, des sonorités (notamment celles des claviers) qui nous ont ramené vers le boxon électrique à la sauce Miles ou encore le jazz rock des années 70-80 façon dimeolesque (ce qui n’est pas le plus glorieux du jazz rock de l’époque). Très élaborée à l’enregistrement, cette galette peine hélas à retrouver la folie intrinsèque des créateurs invoqués. Un manque de rugosité aléatoire, si vous voyez ce que l’on veut dire. Cela demeure néanmoins sympathiquement punchy et à même de réjouir des néophytes qui auraient l’ignoble privilège de la jeunesse ou une méconnaissance conséquente de l’histoire du jazz, tout ou partie.
Yves Dorison
Paris Jazz Underground /Absilone
Philippe Soirat : batterie
David Prez : saxophone
Vincent Bourgeyx : piano
Yoni Zelnik : contrebasse
Pour son deuxième disque en tant que leader, Philippe Soirat reconduit la même équipe et c’est une bonne idée. La cohésion du groupe saute à l’oreille dès les premières mesures et jamais ne défaille. Bien que ce quartet garde un œil dans le rétroviseur (ce qui n’est pas honteux, bien au contraire), il met tout son talent au service d’un jazz paisiblement décomplexé qui apprécie l’exploration sous toutes ses formes. Il suffit de parcourir la playlist pour le comprendre. Mais cela demeure malgré tout une affaire de musiciens qui aiment partager leur plaisir de jouer avec les auditeurs. Ce n’est donc jamais ennuyeux et toujours intelligemment fait car Philippe Soirat sait que la discrétion n’est pas un renoncement, surtout quand elle souligne avec précision et inventivité le propos de ses compagnons de route. Et c’est la cas dans cet enregistrement.
Yves Dorison
https://www.philippesoirat.com/
ECM
Joe Lovano : saxophone, tarogato, gongs
Marilyn Crispell : piano
Carmen Castaldi : batterie, percussions
Joe Lovano, Mailyn Crispell et monsieur Carmen Castaldi (faudrait pas se tromper) savent ce qu’interplay signifie et ils s’y jettent avec la légèreté d’une plume donnant une impression de perpétuelle suspension. Inscrit dans l’intime de bout en bout, ce bel enregistrement apaisé et apaisant recèle un ensemble de subtilités harmoniques et rythmiques qui définissent les atmosphères voulues par le saxophoniste et compositeur. Tout au long du disque, les couleurs et textures qui forgent cette musique, bien que contemporaines, voire très contemporaines, ne sont pas exemptes d’improvisation. Si à quelques moments, le continuum musical peut apparaître un peu bizantin et quintessencié, il n’en demeure pas moins que ce CD, voué par Joe Lovano à une introspection très personnelle, mérite que l’on s’attarde dessus, ne serait-ce que pour l’évolution qu’il représente dans la carrière du ténor..
Yves Dorison
Frémeaux et associés
Tcha Limberger : violon, chant
Mozes Rosenberg : guitare
David Kelbie : guitare rhythmique
Sébastien Girardot : contrebasse
Foix, 23 juillet 2015.
Le jazz manouche joue pour certains amateurs de jazz le même rôle que la musique baroque pour les amateurs de musique classique : il permet d’avoir des nouveautés tout en restant à l’abri de la modernité. Ce disque correspondra ainsi aux attentes de son public. On y entend des standards américains et deux compositions de Django Rheinhardt, dont une peu connue, “Pourquoi ma vie demeure”. Il y a une rythmique inéluctable, guitare et basse, qui produit l’habituel son étouffé implaccable, parfois éclairé par quelques éclats du guitariste solo. Celui-ci, Mozes Rosenberg, frère du célèbre Stochelo, joue dans le style traditionnel, notes doublées, longues phrases terminées en trémulant. Le lideur, Tcha Limberger, violoniste -qui chante sur trois plages-, inspiré aussi par le jeu de violonistes hongrois, le magyar nota -“style hongrois né fin XIXè et qui est en train de s’éteindre” [notice, p. 7 n. 2]- que l’on remarque surtout dans les deux pièces de Django.
Philippe Paschel
ECM
Yonathan Avishai : piano
Yoni Zelnik : contrebasse
Donald Kontomanou : batterie
Tout en douceur, l’air de rien, ce trio donne à sa musique une profondeur étonnante. Pour une oreille inattentive, cela pourrait sembler lénifiant. Les plus méchants dirait « très ECM »… Mais de fait, les titres enregistrés dans ce CD en février de l’année passée ne manquent pas d’aspérités, de petits éclats de caractères, propres à retenir l’attention. En bon compagnon du trompettiste Avishai Cohen, Yonanthan Avishai sait donner du sens au silence et de l’espace aux notes, bien assez pour qu’elles portent le chant. Yoni Zelnik et Donald Kontomanou le suivent et le relancent avec le même tempérament et participent pleinement aux histoires poétiques que nous racontent le pianiste israélien. L’ensemble se tient en suspension dans l’espace grâce à une économie de moyen qui, sous certains aspects, n’est pas sans rappeler le third stream de John Lewis ou Bill Evans. Mais Yonathan Avishai sait s’affranchir de ses ainés et creuser son propre sillon et il nous livre une musique au clavier bien tempéré donc, qui s’écoute avec un plaisir toujours renouvelé.
Yves Dorison
Intakt Record
Christoph Irniger : saxophone tenor
Stefan Aeby : piano
Dave Gisler : guitare
Raffaele Bossard : contrebasse
Michi Stulz : batterie
Voici un disque d’aventuriers. Il y a là un quintet suisse, existant depuis 2010, qui aiment plus que tout explorer les sonorités et les espaces. Avec une liberté d’expression marquée, ils arpentent l’inconnu et ses ambigüités. Écrite ou improvisée, la musique de ce quintet ne laisse pas indifférent. Contemporaine, elle pourra désarçonner certains et emballer les autres mais son approche de l’harmonie n’arrangera pas les choses pour les plus réticents. Elle sait également faire preuve, au détour des choix faits par les musiciens en action, d’une sorte d’élasticité spontanée et d’un art de la courbe inattendue qui totémise quasiment la surprise. Cela peut paraître énigmatique et rugueux mais cela reste en toute circonstance d’une grande densité. Bien sûr, on ne rangera cette formation dans aucune catégorie et, en toute franchise, c’est pour nous une qualité que l’on apprécie de signaler. A vous de vous faire votre propre avis en l’écoutant car il y a bien des bonnes raisons de le faire.
Yves Dorison
Laborie Jazz records
Anne Pacéo : batterie, chant
Florent Mateo, Ann Shirley : chant
Tony Paeleman : claviers
Pierre Perchaud : guitare
Christophe panzani : saxophone
Anne Pacéo avec ce projet très personnel se tourne vers la pop plus que vers le jazz. Avec une esthétique chatoyante ouverte sur l’Afrique et la soul. Très travaillé, le disque fait la part belle aux ambiances et alterne entre douceur minimaliste et rythmes syncopés. Hélas, quelle que soit la bonne facture de l’ensemble, nous avouons à titre personnel que nous n’avons absolument pas accroché à ce CD aux sonorités un peu trop commercialement lissées pour nos oreilles.
Yves Dorison