| 01- TORI FREESTONE TRIO . El mar de nubes - OUI !
| 02- PARTISANS . Nit de nit
| 03- CHRISTOPHE ROCHER – JOE FONDA – HARVEY SORGEN . New Origin - OUI !
| 04- YOCHK’O SEFFER NEFFESH MUSIC . Sugàrzo terep
| 05- L’ORPHEON - CORENTIN RIO . Au milieu des choses
| 06- THE OGJB QUARTET . Bamako - OUI !
| 07- ROMANO PRATESI . Frizione
| 08- JAN HARBECK . The sound The rythm
| 09- TROND KALLEVÅG HANSEN . Bedehus & Hawaii - OUI !
| 10- REMY LE BOEUF . Light as a word
| 11- MAGIC MALIK . Jazz association
| 12- FRANCOIS LAPEYSSONNIE . Out/Line
| 13- LIONEL MARTIN & SANGOMA EVERETT . Revisiting Afrique
| 14- LARRY FULLER . Overjoyed


  TORI FREESTONE TRIO . El mar de nubes

Whirlwind Recordings

Tori Freestone : saxophone ténor
Dave Manington  : contrebasse
Tim Giles : batterie

Avec Tori Freestone, le saxophone ténor parait simple et cool. Mais après cette première impression, l’on s’apperçoit rapidement qu’elle est est en prise avec une sorte de feu interne, très organique, qui la guide dans son travail artistique avec une une force qui sort de l’ordinaire. Dans cet enregistrement où tout n’est que rythmes, modulations et harmonies, le discours de la saxophoniste ne se départit pas du lyrisme créatif qui la caractérise. Avec ce trio soudé, l’alchimie joue à plein. Dans un style privilégiant à mesure égale la mélodie et l’innovation, Tori Freestone développe un jeu personnel très contemporain, basé sur des influences multiples bien digérées, qui ne manque pas d’intriguer ni de séduire. L’équilibre conversationnel entre les trois membres du trio est parfait et dénote de l’esprit d’aventure qui les anime. Chaque composition offre des paysages musicaux variés mais tous unis par une cohérence qui place ce trio dans le peloton de tête des formations créatives d’aujourd’hui. Nous avions aimé le duo de Tori Freestone avec Alcyona Mick, nous aimons tout autant cette récente émanation musicale de son trio. Nous regrettons juste leur peu de présence sur notre territoire. Mais que font les programmateurs ?

Yves Dorison


http://www.torifreestone.com/


  PARTISANS . Nit de nit

Whirlwind Recordings

Phil Robson : guitare
Julian Siegel : saxophones ténor et soprano, clarinette basse
Thaddeus kelly : basse
Gene Calderazzo : batterie

Partisans, groupe anglais existant depuis 1996, sort avec cet album son premier disque en concert. Et c’est une excellente idée. C’est du moins ce que nous pensons. De fait, en lisant le line-up, le seul nom qui nous a sauté aux yeux, c’est bien sûr celui du batteur américian, Gene Calderazzo, qui a tourné depuis près de quarante ans avec un nombre considérable de pointures. Ceci posé, les trois anglais ne sont pas des seconds couteaux. Il n’y a qu’à les écouter pour le comprendre. Des thèmes impeccablement composés et un désir flagrant d’improvisation poussent les quatre compères à une exploration libertaire du matériau sonore très créative. C’est proche de la fusion sans jamais tomber complètement dedans. Cela flirte avec le jazz contemporain et le rock (et même le blues) sans complexe. Les quatre serpentent et louvoient entre les lignes sans se départir d’une énergie fondamentale de très belle facture. De fait, l’ensemble est véritablement savant, avec quelques citations bienvenues, mais l’on sent que ce quartet, si tant est qu’il fasse les choses avec sérieux, ne se prend pas au sérieux. Inventif, un peu barré (le grain de folie à l’anglaise), et emprunt d’une gaité quasi juvénile, ce disque ne peut que séduire un amateur de musique normalement constitué.

Yves Dorison


http://www.partisans.org.uk/


  CHRISTOPHE ROCHER – JOE FONDA – HARVEY SORGEN . New Origin

Not Two Label

Christophe Rocher : clarinettes
Joe Fonda : contrebasse
Harvey Sorgen : batterie

Depuis la pointe du Finistère, le breton qui regarde l’horizon sait que de l’autre côté de l’océan, c’est l’Amérique... Christophe Rocher ne fait plus que regarder, il y va. Il tisse des liens, noue de solides amitiés. Lui et l’Ensemble Nautilis ont bâti une grande arche qui défie les distances en parallèle du pont (The Bridge) que construit l’équipe d’Alexandre Pierrepont. Il joue avec ses amis de part et d’autre de l’Atlantique, à Chicago, aujourd’hui au Québec selon un principe d’échanges réciproques.
Avec New Horizon, Christophe Rocher se mouille en tant que voix soliste dans un trio de pointures du jazz créatif, mouvant, vivant. Rien moins que Joe Fonda, solide pilier avec sa contrebasse à l’épreuve des gros temps et des tourmentes du jazz et les fûts et métaux d’Harvey Sorgen, autre vétéran du jazz libre et complice de longue date du contrebassiste (Trio 3D etc.). Au fil des plages de ce disque, on perçoit vite qu’une grande complicité et proximité artistique lie ces trois musiciens. C’est aussi le fruit d’un travail dans la durée car il ne s’agit pas là d’une rencontre éphémère. Ce trio vit et a vocation à se retrouver sur les scènes d’Amérique et d’Europe (été et automne 2019, par exemple...). La musique jouée dans ce disque est dédiée à Perry Robinson, clarinettiste défricheur du jazz créatif décédé en décembre 2018. Un hommage qui renforce encore la sensibilité d’un enregistrement qui sait parfaitement unir la finesse et la sobriété de l’écriture à la force de l’improvisation.
Parfois, sur scène, ce trio se mue en quartet avec le guitariste Sébastien Beaumont rappelant ainsi d’autres cordes solides qui unissent Christophe Rocher au collectif lillois Muzzix.
Du "vrai grand jazz" intemporel dans sa modernité. Amis programmateurs, ne manquez donc de leurs proposer une escale dans leur(s) prochain(s) voyage(s) européen(s) !

Thierry Giard


ensemble-nautilis.org/new-origin . www.nottwo.com/New.Origin


  YOCHK’O SEFFER NEFFESH MUSIC . Sugàrzo terep

Acel

Yochk’o Seffer : tárogató [tarogato basse], piano, saxophone sopranino
Shih-Hsien Wu : alto (1 to 7)
Hsin-Yu Shih : violon (1 to 7)
Laure Volpato : violoncello (1 to 7)
Olivia Scemama : basse (1, 5, 6, 7)
Philippe Gleizes : batterie ( 1, 5, 6, 7)
François Causse :percussions (1, 5, 6, 7)
Sandrine Faucher-Matheron : piano (8)

Depuis longtemps, l’on sait que Yochk’o Seffer, compositeur, peintre et sculpteur, est une figure atypique dans le paysage du jazz européen. C’est une chance qu’il existe encore de tels personnages, hors des modes et loin de toutes les compromissions. Il revient avec ce disque à la Neffesh music créée il y une quarantaine d’année, non pas pour la refaire, mais plutôt pour la réinventer encore. Cette musique farouche, baignée par les forces élémentaires, habite l’espace autant que l’esprit. Quelque part entre Bela Bartok et John Coltrane, elle improvise ses codes, débroussaille ses chemins et offre à qui veut bien l’écouter des sensations auditives rares. En mêlant le trio à cordes à des occurrences instrumentales plus classiquement jazz, Seffer construit une musique dans laquelle résonne toute l’Europe centrale décoiffée au filtre de l’improvisation. Adepte émérite du tárogató, il convoque aussi ses racines hongroises et crée par ce biais le lien, toujours prégnant en musique, entre les époques. Mélange de vies multiples naviguant entre furie et méditation, sa terre rayonnante (sugàrzo terep) vibre d’une énergie à la créativité bouillonnante dont il serait dommage de se priver.

Yves Dorison


http://www.acel-enligne.fr/index.html


  L’ORPHEON – CORENTIN RIO . Au milieu des choses

Parallel

Romain Cuoq : saxophones
David Fettmann : saxophones
Federico Casagrande : guitare
Leonardo montana : piano, fender rhodes
Corentin Rio : compositions et batterie

Invitées :

Ellinoa  : chant
Fiona Monbet : violon

Entre jazz, harmonies savantes et influences actuelles, la musique composée par Corention Rio pour l’Orphéon réussit l’amalgame, et même une synthèse pertinente, entre les genres. Portée par des couleurs riches et cohérentes, l’univers musical du batteur breton se révèle parfaitement homogène. A son service, des musiciens subtils dessinent des espaces empreints d’intemporalité et définissent des ambiances sonores (é)mouvantes et porteuses de sens. De fait, ce quintet et ses deux invitées sonnent comme un petit orchestre particulièrement harmonieux qui pose sa musique dans une sorte d’entre deux à l’humanité douce mais jamais impersonnelle. Ce doit être le milieu des choses qu’évoque le titre de l’album : ce lieu si commun qu’on l’oublie où tout arrive si l’on sait y porter une attention soutenue et faire preuve de créativité. A ce jeu-là Corentin Rio et son orphéon font preuve d’une imagination et d’une maturité précoce qui leur autorisent des futurs musicaux réjouissants, pour eux comme pour les auditeurs.

Yves Dorison


https://www.facebook.com/orpheoncorentinrio/


  THE OGJB QUARTET . Bamako

Tum Records

Oliver Lake : saxophones alto et soprano, récitation (02)
Graham Haynes : cornet, dousn’gouni (02)
Joe Fonda : contrebasse
Barry Altschul : batterie, percussions, mbira (02)

Des noms de musiciens existent qui nous font vibrer avant même d’écouter leur dernier disque. Oliver Lake en fait incontestablement partie. Avec ce quartet où quatre leaders se côtoient au service d’un projet collaboratif, on accède à une musique vivante, pétrie d’histoire musicale et de sève créative. Cela chante et balance, cela groove et danse. Un tournoiement l’anime qui met en scène chacun des exécutants quand il le faut, comme il le faut. Le drumming puissant de Barry Altschul et la rugosité de Joe Fonda, la verve imaginative de Graham Haynes et la liberté de ton d’Oliver Lake constitue une sorte de carroussel musical à la synergie impressionnante. Qu’il s’attarde sur les racines africaines du jazz où se livre entièrement à la libre improvisation, le quartet parcoure les contours d’une transe, quelquefois spirituelle, souvent tellurique, qui utilise l’obsession rythmique tout autant que la déconstruction avec un art consommé de la dramaturgie. Donnant un sentiment de cosmogonie musicale élargie, la musique présentée dans ce disque fait sens, parait clairvoyante et diffuse pourtant des éclats contradictoires qui frôlent le chaos. Attention, le OGJB quartet n’est pas neutre et moins encore consensuel. Il est le fruit d’une rencontre au sommet entre des artistes qui ont toujours considérer l’intégrité comme la pierre angulaire de leur art exigeant. A ce niveau d’entente et d’expression musicales, on ne classe pas un disque comme celui-ci dans tel ou tel registre. La musique délivrée se suffit à elle-même et on la reçoit comme un don, une offrande.

Yves Dorison


https://oliverlake.net/


  ROMANO PRATESI . Frizione

Das Kapital Records

Romano Pratesi : saxophone ténor, clarinette basse
Glenn Ferris : trombone
Hasse Poulsen  : guitare, mandoline
Stéphan Oliva : piano
Claude Tchamitchian  : contrebasse
Christophe Marguet : batterie

Avec une brochette pareille de musiciens accomplis, rompus à tous les exercices et chacun dans leur champ créatif en diable, le saxophoniste italien Romano Pratesi ne pouvait pas faire des étincelles. Avec une musique composée par chacun des musiciens présents, au gré des morceaux, le groupe à la saveur internationale s’affranchit des frontières de genre et perpétue la tradition vivace de la création illimitée. Avec des atmosphères variés allant du joyeux à l’irascible, du décalé au répétitif, les thèmes proposés par cette bande de fortes personnalités musicales forment un tout en accord avec leur versatilité (ce qui n’est pas un défaut). Chacun prend les soli qui l’inspirent, tous s’accordent pour étayer l’équilibre de l’ensemble. Les traits sont marqués, les couleurs chatoient, les rythmes s’entrecroisent, cela fuse et surprend à bien des moments, cela intrigue et cela fait sourire. En route, ils accumulent les excès de finesse et les dépassements intempestifs en trouvant cependant le temps d’interroger le paysage. Bref cela ne peut que donner du plaisir auditif à la louche à tous ceux qui détestent la mièvrerie et le conformisme. Et c’est d’autant plus agréable à l’écoute que l’on sent une parfaite harmonie entre ces musiciens qui n’ont plus rien à prouver sinon qu’ils sont toujours à l’affût pour se renouveler encore et encore. A consommer sans modération et sans contrainte et sans ordonnance.

Yves Dorison


https://soundcloud.com/good-music-173078753


  JAN HARBECK QUARTET . The sound The rythm

Stunt Records

Jan Harbeck : saxophone tenor
Henrik Gunde : piano
Eske Nørrelykke : contrebasse
Anders Holm : batterie (1,2,4,5,6,7)
Morten Æro : batterie (3,5,7,8,9)
Jan Zum Vohrde : saxophone alto (8)

Dans chaque Appeal du disque, il y a un disque de jazz comme on en fait plus. Et ben mes aïeux ! Avec celui-là, dès l’entame, voilà pas qu’on est plongé dans l’atmosphère enfumée d’un club des années cinquante. Au bar, une femme en robe et talons fume avec élégance en matant d’un air faussement indifférent le saxophone rugueusement charnel qui tient la scène et fait mine de ne pas la voir. D’ailleurs, au bout du troisième set, il repartira l’aiguille entre les dents se finir dans un hôtel minable où il croisera l’ombre de Chet et, of course, celle de Ben Webster puisque ce disque est un hommage à sa majesté. Dans un coin, qui sait si Mike Hammer ne rêvasse pas sur la banquette en lorgnant le verre de bourbon de sa conquête où le rouge à lèvres à poser une empreinte évocatrice. Est-ce électrique ou vaguement ennuyeux ? Allez savoir, on voit ça en noir et blanc depuis un lointain inaccessible. Dehors, il doit pleuvoir et une sirène résonne. La vie suit son cours. Sur scène le quartet laisse filer toute la langueur de son swing dans une chaleur un peu trop moite pour être honnête. Du groove, il y a en a, du pulpeux aux arrondis prometteurs, comme au bar où le halo des lampes laisse entrevoir le profil de celle qui allume une autre cigarette en ignorant l’ivrogne de service qui tend une allumette. Elle n’a pas fini son verre et le temps s’étire autant que le tempo. A quoi bon, la musique est bonne et l’ombre d’un désir, déçu ou non, fait sourire intérieurement celles et ceux qui sont venus écouter du bon jazz mainstream dans un lieu pas très net mais cosy tout de même. Assez pour être heureux le temps d’une soirée choisie. Et puis demain c’est dimanche, on peut trainer sans remords. A part bien sûr le détective cité plus haut qui ne connait pas les weekends et aura forcément un vieux mal de crâne de derrière les fagots. Mon bon, il écoutera ce jazz d’un excellent millésime mais pas forcément d’aujoud’hui. Et pas forcément d’hier.

Yves Dorison


http://www.janharbeck.com/


  TROND KALLEVÅG HANSEN . Bedehus & Hawaii

Hubro

Ivar Myrset Aashelm : percussions et batterie
Alexander Hoholm  : contrebasse
Geir Sundstøl : guitare, pedal steel guitar, marxophone, xylophone et optigan
Adrian Leseth Waade : violon
Trond Kallevåg Hansen : guitare, électronique et field recording

Pour son premier album chez Hubro, le guitariste norvégien Trond Kallevåg Hansen propose un mariage a priori contre nature entre une tradition musicale aussi locale que nordique et une autre issue du Pacifique sud. Étonnamment, neige et soleil se diluent en accouchant d’une musique hybride plutôt fascinante. Dans l’esthétique exploratoire de la maison de disque où se mêlent électronique et acoustique, ce jeune musicien et ses complices ont trouvé un port d’attache. Ils racontent avec des notes limpides de grands espaces aux lenteurs poétiques et des intérieurs à l’intimité chaleureuse. Les mélodies sont simples (on se promène librement entre jazz et americana) et touchent immédiatement l’auditeur par leurs nuances et leurs couleurs bien souvent mélancoliques, ce qui n’est pas triste, notons-le au passage. Comme dans l’album de Geir Sundstrøl, Brødløs, la magie opère et la musique syncrétique qui en sort est un exemple éblouissant de la complémentarité sonore qui existe entre les musiques du monde, aussi éloignées géographiquement qu’elles soient. Au final, la musique de Trond Kallevåg Hansen possède les contours intemporels d’une série d’autochromes, avec ce je ne sais quoi de diffus qui nous pénètre l’esprit durablement.

Yves Dorison


https://www.kallevaghansen.com/


  REMY LE BOEUF . Light as a Word

Outside In Music

Remy Le Boeuf  : saxophone alto
Walter Smith III : saxophone ténor
Aaron Parks : piano
Charles Altura : guitare
Matt Brewer : contrebasse
Peter Kronreif  : batterie

Dans la catégorie jazz d’aujourd’hui avec des compositions très écrites, sans toutefois être indigestes, Remy Le Bœuf et son groupe tiennent le haut du pavé. En premier lieu les musiciens se connaissent tous depuis longtemps et l’on sent l’osmose qui les unit des les premières notes de l’album. Ensuite, le saxophoniste alto, natif de Santa Cruz, sait créer une musique très évocatrice dans laquelle la mélodie se taille la part du lion. Son dialogue avec Walter Smith III au ténor est un modèle d’équilibre et d’intelligence. Tout de musicalité, cet album plutôt lyrique, au sein duquel Aaron Parks affirme sa singularité avec une générosité bien contrôlée, est également dotée d’une rythmique impeccable avec un batteur à la précision dynamique imparable. L’ensemble est chaleureux, habité de couleurs chatoyantes et, pour tout dire, franchement intéressant à écouter. Notons aussi que les interventions du guitariste Charles Altura (écouté avec Chick Corea et Terence Blanchard) sur certains morceaux ajoutent encore au charme de cet enregistrement.

Yves Dorison


http://www.remyleboeuf.com/


  MAGIC MALIK . Jazz association

Jazz&People

Magic Malik : flute, voix
Olivier Laisney : trompette
Maxime Sanchez : piano
Damien Varaillon : contrebasse
Stefano Lucchini  : batterie

A un morceau près, c’est la première fois, nous semble-t-il, que Magic Malik enregistre un album de reprises. Lui, le nomade musical, le défricheur de sons, l’adepte du métissage, décide de se confronter au répertoire avec son quintet. Shorter par trois fois, Clifford Brown par deux fois, forme l’ossature de l’album. Monk, Rodgers and Hart, Weil et Coltrane complète le tableau. En soi, c’est déjà du métissage dans les genres du jazz ! Avec les codes qui lui sont propres, le flûtiste intrépide (dont l’approche de l’instrument peut sous certains aspects rappeler Rahsaan Roland Kirk) s’empare des standards et les réinterprète en les passant au filtre de son inventivité. Rien de mélancolique ou de nostalgique là-dedans, mais un désir évident de célébrer en très bonne compagnie, avec sa virtuosité et son lyrisme habituels, des compositions qui ont marqué leur époque, et lui ont survécu aussi. Il y a donc du swing et, naturellement, des écarts et autres explorations harmoniques, qui donne à cet excellent enregistrement ses couleurs et sa texture. Nous avons aimé cela.

Yves Dorison


https://jazzandpeople.bandcamp.com/album/magic-malik-jazz-association


  FRANCOIS LAPEYSSONNIE . Out / Line

Shed Music

François Lapeyssonnie  : basse et compositions
Frédéric Borey : saxophone soprano et ténor
Federico Casagrande : guitare
Leo Montana : piano, fender rhodes
Stéphane Adsuar : batterie

Pour son premier album, le bassiste originaire de Marseille dévoile un ensemble de textures musicales qui résonnent comme autant de vignettes aux atmosphères rondes et ombrageuses. Prises entre une esthétique qui nous fait souvenir d’un certain jazz rock mélodique et une contemporanéité discrète, les compositions dans leur ensemble forment un genre d’itinéraire musical sur lequel les musiciens aiment à musarder en chemin, à se perdre un peu pour mieux rebondir, sans se départir d’un lyrisme de bon aloi. Plutôt paisible dans son ensemble, le disque laisse passer de temps à autre quelques belles envolées qui rehaussent son intérêt. A vous de voir.

Yves Dorison


https://www.francois-lapeyssonnie.com/


  LIONEL MARTIN & SANGOMA EVERETT . Revisiting Afrique of Count Basie & Oliver Nelson

Cristal Records / Ouch Records

Lionel Martin  : saxophone ténor, claviers
Sangoma Everett  : batterie

Pour s’attaquer à l’un des monuments discographiques d’un big band lui aussi monumental, quarante-huit après, combien faut-il être ? A priori, deux humains et un peu de technique moderne suffisent. Deux musiciens et deux chemins de vie musicale différents, c’est bien aussi, car la confrontation, quand elle vire à la symbiose, cela donne de beaux albums. C’est le cas dans cet enregistrement où le saxophone fiévreux de Lionel Martin s’entretient avec la batterie puissante de Sangoma Everett. Les deux réunis n’ont pas peur du swing, pas plus qu’ils ne s’effrayent d’un groove obsédant aux racines africaines. Ils marient le chant torride et le cri du désert dans un maelstrom rythmique aux couleurs crues. Sans répit, il colle à l’esprit original des Basie et Nelson. A l’époque, en 1971, leur disque avait fait sensation, autant par le renouvellement que s’imposait le génial Count en collaborant avec Oliver Nelson que par sa qualité musicale (la flûte d’Hubert Laws…) La version en duo de Lionel martin et Sangoma Everett en ce début de XXIème siècle, n’est pas une pâle copie. Elle n’est pas académique non plus. Elle laisse parler la passion et le désir de re-création qui propulsent les musiciens ne craignant pas de fréquenter l’hétérodoxie ; ce qui les rend indispensables, bien évidemment. En un mot : réjouissant.

Yves Dorison


https://www.cristalrecords.com/artiste/lionel-martin-sangoma-everett/


  LARRY FULLER . Overjoyed

Capri Records

Larry Fuller : piano
Hassan Shakur : contrebasse
Lewis Nash : batterie

Larry Fuller n’est pas né de la dernière pluie, son curriculum est long comme un jour sans pain et cela s’entend dès les premières notes. Et pourtant, à ce jour, il n’était pas passé devant notre radar. Dans ce disque, comme il est accompagné par de vieux briscards, le trio piano/contrebasse/batterie qu’il forme tourne comme une horloge. Alors même si l’on connaissait mal le contrebassiste Hassan Shakur (J.J.Wiggins pour les intimes) et qu’on a apprécié la clarté de ses lignes, l’on était d’ores et déjà heureux de retrouver Lewis Nash. Eh quoi ? Un batteur comme celui-ci, c’est assez rare pour être signalé. Avec une dynamique constante qu’il nourrit intelligemment de subtiles variations, il est l’un de nos batteurs mainstream préférés. Quant au leader, il exécute chaque morceau choisi, que ce soit des originaux et des standards, avec un swing qui coule de source. L’ensemble est empli d’une vitalité souriante. On n’est pas là pour pleurer, n’est-ce pas ? L’improvisation demeure accrochés aux codes du genre et elle se déploie sans effort. D’ailleurs tout le disque est ainsi. C’est quasi naturel pour ces trois musiciens de créer une musique qui balance sans arrière-pensée. Old school, me direz-vous. Oui, et alors ? On a le droit d’aimer ce style à l’apparente simplicité car il demeure la base de toutes les explorations actuelles en jazz. Et nous vous disons même que ses mélodies sont réconfortantes.

Yves Dorison


http://larryfuller.com/