Trois concerts entre le Calvados et la Manche pour ce début janvier 2023... Commençons cette mini-série avec Vincent Lê Quang et son "Everlasting" Quartet. Il était sur la scène du Conservatoire de Caen mardi 10 janvier.
| Trois concerts en Normandie occidentale pour débuter 2023, sans fanfare mais allègrement tout de même : Vincent Lê Quang Everlasting Quartet, Yves Rousseau Septet (c’est ici...) et Codex III (Régis Huby, Bruno Chevillon et Michele Rabbia) (c’est là...). De Caen à Sottevast en passant par Lessay, dans le Calvados et La Manche. Trois moments de musiques bien différentes à déguster entre les gouttes avant que n’arrive la tempête prénommée Gérard qui a balayé notre paisible région dans la nuit du 15 au 16 janvier. |
Hiver en Normandie - épisode #1
Caen (Calvados) - Grand auditorium du Conservatoire
Mardi 10 janvier 2023 - 20h00
On pourra s’étonner de la relative brièveté de ce concert : à peine plus d’une heure, rappel compris... Cependant, personne n’a trouvé à redire tant l’intensité de la musique, l’élégante densité du jeu à quatre a mobilisé l’attention de l’auditoire. Vincent Lê Quang ne joue pas si souvent en Normandie et pourtant, c’est un musicien qui fait référence depuis belle lurette. Demandez à Daniel Humair, Henri Texier ou Aldo Romano pour quelles raisons ils se l’accaparent à chaque fois qu’ils le peuvent. Pas facile car Vincent Lê Quang est un esprit libre et un musicien qui aime à investir un large spectre d’univers musicaux de la musique dite "savante" jusqu’au jazz des standards, de l’impovisation la plus libre qu’il aime à diriger (le soundpainting) jusqu’aux miniatures les plus finement ciselées venues d’autres temps (Machaut) ou d’ailleurs (l’Orient rêvé).
Il était à Caen en ce début janvier à l’invitation du Conservatoire (CNR) pour apporter son expérience de pédadogue (enseignant au CNSMDP de Paris) aux élèves de la classe de jazz et dévergonder l’Orchestre de Caen en l’initiant à l’improvisation dirigée.
Ce mardi soir, il était sur scène avec un quartet qui dure et perdure après plus d’une quinzaine d’années. Il a enregistré en 2020 un magnifique album, "Everlasting" dans les studios La Buissonne (publié sur le label maison) avec l’aide active de Gérard de Haro, ingénieur du son à l’écoute constructive. Un disque dans lequel le saxophoniste privilégie le saxophone soprano avec lequel il prolonge le souvenir admiratif de Steve Lacy mais aussi de Wayne Shorter (Une danse pour Wayne jouée à Caen ce 10 janvier comme plusieurs autres compositions de l’album). Pour ce concert, il montra également combien il excèle au saxophone ténor dans un style nourri du passé du jazz mais aussi en prise avec son temps, libre et inventif.
La force de ce quartet vient également de l’équilibre de ses composantes instrumentales. Faut-il rappeler que Bruno Ruder est aujourd’hui un pianiste incontournable dans le jazz européen ? Ouvert à bien des esthétiques musicales depuis le collectif Coax (et le groupe Radiation 10 en particulier) jusqu’au magnifique album en piano solo qu’il nous a livré il y a quelques semaines (Anomalies - Label Vision Fugitive - OUI ! CultureJazz. Accompagnateur attentif toujours inventif, il sait aussi se montrer audacieux dans ses envolées solistes, nous offrant ce beaux moments ce soir-là. À la base du quartet, la paire italo-suédoise : Guido Zorn et Joe Quitzke. Des musiciens dont la nationalité n’est qu’indicative car ils ont passé l’un et l’autre de longues années en France et on trouve des traces de leurs collaborations très éclectiques auprès de nombreux musiciens. Joe Quitzke est un rythmicien exceptionnel, coloriste d’une grande finesse (son jeu avec deux poignées de grelots fit merveille à Caen) c’est aussi un batteur d’une grande précision : où il faut, quand il faut avec juste l’essentiel, sans articices inutiles. Des qualités qui s’appliquent aussi à Guido Zorn, contrebassiste florentin et solide pilier de l’ensemble, attentif et juste à sa place : une grande qualité !
Une heure de musique intense, oui. "Un moment de grâce musicale" écrivait Yves Dorison il y a un an pour CultureJazz [1]. Un raffinement qui n’occulte en rien la liberté et l’inventivité sur des compositions toujours inspirées. En rappel, Vincent Lê Quang et son quartet nous offrent une magnifique interprétation de "I Concentrate On You", composition de Cole Porter devenue un standard...
"On termine avec un peu de jazz..." avait-il dit, non sans malice, en revenant sur scène... Comme si ce concert n’avait pas été, tout entier, porté par l’esprit du jazz. On aurait cru entendre Daniel Humair dans ses annonces un peu provocatrices. Ce n’est pas un hasard.
Vincent Lê Quang : saxophones ténor et soprano / Bruno Ruder : piano / Guido Zorn : contrebasse / Joe Quitzke : batterie, percussions.
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À suivre : épisode 2 avec Yves Rousseau Septet pour "Fragments"
[1] Concert du même quartet au Crescent de Mâcon le 29 janvier 2022.
