Trois disques : trois impressions. Jacques Chesnel a écouté des publications récentes du label ECM.
Une délicate morosité
Avec ce quartette dont c’est le troisième album (après Cat’ n’ Mouse en 2000 et Class trip en 2002), John Abercrome persévère dans cette forme de musique de chambre improvisée sur des compositions personnelles (hormis Round trip du saxophoniste Ornette Coleman et Epilogue du pianiste Bill Evans), le guitariste se définissant lui-même comme « a traditionnalist and a free player ».
A part quelques thèmes sur tempo plutôt vif (Tres, Round trip), l’ambiance générale est surtout élégamment élégiaque, parfois d’une réelle morosité ponctuée d’éléments percussifs ou d’éclairs guitaristiques rompant avec la monotonie dominante. On notera surtout le superbe solo en re-recording de guitare acoustique et la flamboyance de l’accompagnement de Joey Baron. Le jeu de Mark Feldman, à l’opposé des fioritures ou dentelles grappelliennes, évoque par sa sonorité et sa tension celui de Ray Nance (violoniste mésestimé dans l’orchestre de Duke Ellington) dont on disait pis que pendre à une époque heureusement révolue.
> The third quartet - ECM 1993 - distribution Universal
John Abercrombie (guitares), Mark Feldman (violon), Marc Johnson
(contrebasse), Joey Baron (batterie)
Enregistré en juin 2006.
1/ Banshee. 2/ Number 9. 3/ Vingt six. 4/ Wishing Bell. 5/ Bred. 6/ Tres
7/ Round trip. 8/ Epilogue. 9/ Elvin. 10/ Fine
La beauté rêveuse de la mélodie.
Ce nouvel album débute par des effleurements sur les touches du piano comme au bord du silence dans un climat de lenteur continue, l’esquisse d’une mélodie qui se fait attendre et qui prend forme peu à peu. On est bien ici dans la continuité de ses précédents albums Changing Places (2001-2002) et The Ground (2004 voir ma chronique élogieuse). La plupart des interprétations se situent dans un univers de recueillement (sauf Blessed feet et Sani faisant penser au Facing you de Keith Jarrett) sinon de spiritualité telle que l’évoquent des titres comme Vicar street et Vesper, et ce sans aucun maniérisme comme souvent dans ce genre d’approche.
Il y a dans le jeu du pianiste une amplitude, une sérénité et une intensité constantes que soutiennent des accompagnateurs (peut-on dire accompagnateurs ?) en parfaite osmose avec le leader : la contrebasse au son majestueux à la Charlie Haden de Harald Johnsen, la batterie fourmillante de Jarle Vespestad, pour un swing tranquille.
Ce voyage dans une sorte de « romantisme minimaliste » (une des expressions de Tord) se clôt par une superbe plage ce Wide open résonant comme un moment plus jubilant, comme une espérance, une quête, une offrande à la beauté pure.
Un superbe disque d’un grand dépouillement/raffinement mélodique qui touche au plus profond de nous-même.
OUI, décidément, on aime.
> Being there - ECM 2017 - distribution Universal
Tord Gustavsen (piano), Harald Johnsen (contrebasse), Jarle Vespestad
(batterie)
Enregistré en décembre 2005
1/ At home. 2/ Vicar street. 3/ Draw near. 4/ Blessed feet. 5/ Sani.
6/ Interlude. 7/ Karmosin. 8/ Still there. 9/ Where we went. 10/ Cocoon.
11/ Around you. 12/ Vesper. 13/ Wide open.
Les différentes couleurs d’un anniversaire.
Il s’agit là du premier album “live” jamais enregistré pour ECM par le bassiste et son premier en tant que leader pour ce label depuis Endless day paru en 2000. Ce concert fut donc enregistré à l’occasion du 65ème anniversaire d’Eberhard Weber, en 2005, au Theaterhaus de Stuttgart, sa ville natale, réunissant pour l’occasion d’anciens partenaires de ses diverses formations dont les plus prestigieux Gary Burton, Jan Garbarek ainsi que le pianiste Rainer Brüninghaus. Au cours de sa Birthday suite, le bassiste (qui joue, rappelons-le, sur une basse électrique à cinq cordes) interprète son plus grand succès The Colours of Chloë en 1973, version hélas plombée par le grand orchestre (lourdement et pompeusement pompier) dans laquelle Garbarek abandonne son soprano et sa sonorité étriquée pour le ténor où il excelle, en un trop court solo ; dans le Yesterdays de Jerome Kern, E.W. joue en duo avec le fin pianiste Wolfgang Dauner qu’on n’entend plus très souvent, dommage.
Comme c’est la cas très (trop ?) souvent, le mariage entre solistes et grande formation de type classique (carpe et lapin) ne se consomme pas avec tout le bonheur souhaité ; n’est pas Vincent Artaud qui veut.
Les musiciens avaient l’air heureux, le public aussi. Bravo.
En cette année 2007, Eberhard Weber sera en tournée au sein du Jan Garbarek Group ; sans le grand orchestre. Tant mieux.
> Stages of a long journey - ECM 1920 - distribution Universal
Eberhard Weber (basse, arrangements), Jan Garbarek (saxophone soprano et tenor), Gary Burton (vibraphone), Rainer Brüninghaus et Wolfgang Dauner (piano),
Marilyn Mazur (batterie), Reto Weber (percussions), Nino G. (boîte à rythmes), SWR Radio Symphony Orchestra de Stuttgart direction Roland Kluttig
Enregistré en mars 2005
1/ Silent feet. 2/ Syndrome. 3/ Yesterdays. 4/ Seven movements. 5/ The
Colors of Chloë. 6/ Piano transition. 7/ Maurizius. 8/ Percussion transition
9/ Yellow fields. 10/ Hang around. 11/ The last stage of a long journey.
12/ Air.
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