SAM NEWSOME / JEAN-MICHEL PILC . Cosmic unconsciousness unplugged

Somenewmusic

Sam Newsome : saxophone alto
Jean-Michel Pilc : piano

Sam Newsome et Jean-Michel Pilc font les choses simplement. Ils rentrent en studio tranquilles et advienne que pourra. Et il advient que les deux musiciens vont faire un tour du côté de l’inconnu. Ils se parlent, s’interpellent et s’accompagnent l’un l’autre dans une exploration intime qui n’appartient qu’à eux. Entre les originaux qui en découlent, ils ont le bon goût de triturer quelques standards (How deep is the ocean, Solitude, Take the A train, All the things you are), histoire de nous faire souvenir que si les promenades (re)créatives loin des sentiers battus les attirent, ils n’en sont pas moins des jazzmen accomplis, dépositaires d’un sérieux bagage. De fait, on ne s’ennuie jamais à l’écoute de leur musique car Sam Newsome et jean-Michel Pilc savent mener leu affaire de main de maître. Entre bruissements incongrus et stridences, ils développent des mélodies imparables qui permettent à l’auditeur de se raccroche aux branches et, en toutes circonstances, le surprennent par leur audace et leur science musicale. Bien vu.


https://jeanmichelpilc.com/?lang=fr


  TROND KALLEVAG . Amerikabåten

Hubro Music

Trond Kallevåg : guitare, pedal steel
Daniela Reyes : :accordéon, guitare
Selma French : violon, violon Hardanger, guitare, voix
Håkon Aason : violon, guitare, harmonium,
Jo Berger Myhre : basse
Ola Øverby : batterie, scie musicale

Un disque qui sort chez Hubro, c’est très rarement une mauvaise surprise. Le petit dernier de Trond Kallevåg, qui explore l’aspect mythique de la culture américaine en se référant aux liens qui la lie à son pays, appartient sans conteste au dessus du panier. On y retrouve ce qui fait le charme de bien des groupes norvégiens actuels : un assemblage des timbres sortant de l’ordinaire, un goût sûr pour une création hybride qui ne s’occupe guère des étiquettes et une indubitable vision musicale qui donne toute son originalité au projet. Avec en sus des musiciens aguerris (quel que soit leur âge) qui œuvrent dans la nuance, les compositions du leader se déploient superbement. Bien évidemment, si l’on cherche une référence à accoler à ce travail, c’est vers Bill Frisell que l’on se tourne. Il n’y a pas de honte à cela ; dès lors que l’on évoque le genre americana, c’est à lui que l’on pense car il en est incontestablement le pionner dans le monde du jazz. Ceci dit, le travail réalisé par Trond Kallevåg et ses collègues est une somme musicale originale qui, au-delà de l’aspect mélodique qui prédomine tout au long de l’album, sait aller dans les recoins chercher des sonorités alternatives qui enrichissent le propos et le complexifie sans le rendre abscons ou ennuyeux. Propice à l’apaisement, les paysages explorés font une large part à la vastitude ; l’auditeur a donc tout loisir, pour son plus grand bonheur, de s’y perdre. Que demander de plus ?


https://www.trondkallevag.com/


  EDOUARD FERLET . Pianoïd.2

Mélisse

Edouard Ferlet : piano (très préparé)

Avec un appareillage électronique auquel nous ne comprenons rien, une sorte d’exosquelette, Edouard Ferlet se dote d’où outil pianistique qui lui permet de jouer des trucs qu’aucun pianiste ne peut humainement jouer. Plus de notes, plus vite, plus de tout quoi. Son but est, selon les notes d’intentions, d’établir un dialogue organique entre l’homme et la machine. Il sort de tout cela une musique qui surprend par ces sonorités, ses nuances, et qui navigue entre les genres. Rien de désagréable en fait, les mélodies sont belles et l’écoute est aisée. Tous les sons que l’on entend viennent du piano (si l’on a bien compris) et le savoir à l’avance donne une idée du travail bluffant réalisé par l’artiste. Nous n’avons pas pour autant pleinement adhérer à la démarche, même s’il est certainement possible de reproduire cela sur scène (on n’en sait rien, on subodore) et l’on se demande quel est l’intérêt de la chose. Libre à chacun de se faire une idée en l’écoutant bien évidemment. Nous n’avons pas la science infuse, loin s’en faut.


https://www.ferlet.com/


  LEILA MARTIAL / VALENTIN CECCALDI . Le jardin des délices

Bmc Records

Leila Martial : voix, objets
Valentin Ceccaldi violoncelle

Leila Martial est une chanteuse augmentée. Nous entendons par là qu’elle porte dans sa voix tout un monde, à moins que cela soit un univers de mondes, et qu’elle n’a pas besoin de tour de force pour nous jouer des tours, nous embringuer avec elle dans ses pérégrinations vocales, pérégrinations librement multiples. En sus elle écrit des beaux textes, vibrants, que sa voix magnifie sans efforts (apparents). Entre silence et cri, les espaces s’ouvrent à elle, et non l’inverse. Nous dirons qu’elle est une voix aimant, aimante, amante. Elle attire à elle les grâces exaltantes que la nature lui a confiées. Inclassable, elle fait bien d’accoler à son chant le violoncelle de Valentin Ceccaldi. Violoncelle et voix humaine ne faisant presque qu’un, on obtient dans cet album une sorte du duo au carré qui évolue en symbiose autour des titres choisis. Le travail du violoncelliste, accompagnateur et soliste inspiré, est en soi une réponse au travail vocal de Leila Martial. Et si la conversation fusionnelle fonctionne, c’est parce qu’ils s’accordent dans l’originalité de l’approche, dans l’aisance déroutante avec laquelle ils font vivre la musique, dans la générosité qu’il distille de la première à la dernière note. On comprend dès la fin du disque que le duo a accouché d’un ovni musical dont la singularité est un éclat de (sou)rire non-conformiste jeté à la tronche de l’uniformisation. Indispensable.


https://leilamartial.com/
https://valentinceccaldi.com/