En vitrine : Jakob BRO : « Gefion » || Patrice CARATINI : « Short Songs » || Mathias EICK : « Midwest » || Paolo FRESU – Daniele Di BONAVENTURA : « In Maggiore » || Alessandro LANZONI : « Seldom » || Lawrence D. « Butch » MORRIS : « Possible Universe... » || POLAR BEAR : « Same As You »
Un bouquet de sept disques avec :
Si la singularité d’une mélodie est capable de vous renverser, si la lenteur vous sied, si l’immensité ne vous déboussole pas, si la résonance provoque en vous une sorte de perpétuel écho, si le silence est votre ami, si l’imaginaire est pour vous un compagnon fidèle, si les musiciens économes de leurs notes vous séduisent, si l’art de la ballade atmosphérique vous comble, si la liberté offerte en partage vous captive et vous charme, si la découverte vous intrigue sans vous apeurer, méfiez-vous du disque de Jakob Bro (guitare), enregistré avec Thomas Morgan (contrebasse) et Jon Christensen (batterie). Il est pour vous. Et il est Beau.
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Depuis plusieurs années, Patrice Caratini fait mûrir ce projet sur scène. Il était temps de passer au disque. Nous voilà donc en possession de ce florilège de chansons courtes et éclectiques qui en disent long sur l’histoire de la grande musique populaire du dernier siècle. Dans le cheminement de ce trio, on croise Les Beatles et Francis Lopez, Joni Mitchell et Gainsbourg, Mireille et Cole Porter, Sting, Jobim et d’autres encore. Une balade toute en finesse et en légèreté où le chant d’Hildegarde Wanzlawe reste très pur et naturel, sans jamais forcer le trait, à l’écart des modèles, jouant avec les espaces laissés par la contrebasse de Patrice Caratini (d’une sobriété exemplaire) et les saxophones d’un Rémi Sciuto qui alterne alto et baryton pour varier les climats (on écoutera par exemple son remarquable "accompagnement" dans l’Inventaire de Prévert et Kosma !).
En un peu moins d’une heure, on s’offre un très beau voyage dans la chanson sérieuse, légère ou engagée(on a même une berceuse), le tout remarquablement enregistré par Sylvain Thévenard qui a su conserver l’équilibre des voix et la pureté du son comme si ce trio jouait là, devant nous, pour nous.
NB : On (re)lira l’article que Jean-Louis Libois a consacré au projet rassemblant ce trio et l’Orchestre Régional de Basse-Normandie (30 janvier 2015) sur un programme assez proche. (lire ici)
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Lors d’une tournée américaine, Mathias Eick (trompette) fut charmé par le Midwest rural, allant même jusqu’à reconnaître en ses paysages agrestes quelques similitudes avec sa terre norvégienne. Cela n’étonnera pas ceux qui savent qu’un million de norvégiens a émigré en Amérique du Nord à la fin du XIXème et au début du XXème siècle. Ainsi lui est venue l’idée de cet enregistrement parfaitement mélodique auquel l’omniprésence du violon de Gjermund Larsen donne une brillance définitivement folklorique. Jon Balke (piano, Mats Eilersten (contrebasse) et Helge Norbakken (percussions) assurent, eux, un travail de musicien-architecte étonnant. Avec eux les deux solistes peuvent allègrement voguer à travers les grands espaces et, comme souvent dans ces cas-là, plus les confins sont éloignés, plus la musique semble intime. Trompette et violon, souvent à l’unisson, tissent une trame mélancolique. Le fluide musical est là, entre les mailles qui filtrent les mélodies, ne leur laissant que l’essentiel pour exprimer le souffle primal et poétique qui les engendre. Disque terrien fait de musique aérienne, il ancre entre deux continents, deux cultures, un pont élancé, tout de finesse et de certitude. Cette certitude qui dit que la terre est vaste et que les hommes bougent : Midwest + Norway = Midway. Mathias Eick a accouché d’un disque qui doit tout au partage des eaux. Parce qu’au milieu de nulle part, on est toujours chez soi. Ah ! Les nationalistes vont détester cet odieux mélange. Pas grave, je les emmerde.Si j’ai bonne mémoire, le François du vingtième siècle, dans son dernier discours au parlement européen, il avait dit : " le nationalisme, c’est la guerre. " Il avait bien raison.
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J’adore chroniquer les disques évidents. Parce qu’il n’y a rien à dire. Rien à dire sur la technique des musiciens. Ils la maîtrisent, alors on l’oublie. Rien à dire sur les artistes. On les connaît trop bien. Alors quoi ? Le répertoire ? Nickel, rien à dire. L’ambiance ? Musicale, avec un M majuscule. Le mariage trompette / bandonéon ? Rien à comprendre, tout à prendre. Bref, ces deux-là font de la musique pour la musique, rien de plus. Il n’y a véritablement rien à dire… et rien à écrire si ce n’est qu’il faut l’avoir dans sa discothèque pour l’écouter régulièrement. Et si cette chronique vous semble trop brève, sachez que le disque de Paolo Fresu et Daniele di Bonaventura vous fera un effet similaire. Que voulez-vous que je vous dise de plus ?
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J’aurais pu vous parler du disque mélodique "à fleur de peau" de Giovanni Guidi en trio (ECM), de l’entente quasi fusionnelle entre Enrico Pieranunzi et le guitariste Federico Casagrande (Cam Jazz) mais je m’arrête sur le disque d’Alessandro Lanzoni (qui paraît aussi en ce mois d’avril), un autre pianiste également italien. Ce nom dira sans doute quelque chose si vous avez écouté le quartet "New Blood" d’Aldo Romano (2013), il en était avec Baptiste Herbin au saxophone. Il avait alors tout juste une vingtaine d’années. Pour Seldom, Alessandro Lanzoni a choisi d’inviter le trompettiste américain Ralph Alessi avec lequel il n’avait jamais joué auparavant. Ils se sont rencontrés dans le studio et la complicité est tout de suite évidente (on écoutera les deux improvisations en duo pour s’en convaincre). Nullement impressionné par son aîné si réputé et reconnu comme un maître dans le milieu du jazz, A. Lanzoni s’affirme avec une certaine autorité bienveillante en pianiste très expressif et volontaire. Ralph Alessi adhère totalement à sa démarche en se montrant toujours très inventif et souvent volubile avec un grand sens des nuances et une approche sensible et singulière des mélodies. La paire rythmique Matteo Bortone-Enrico Morello contribue intelligemment à l’équilibre de l’ensemble : un quartet d’une grande homogénéité au service d’une musique toujours référée au jazz mais dans une déclinaison qui ne manque jamais de surprendre : ce n’est pas si fréquent.
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Voilà un disque exemplaire, disons plutôt un album puisque le format du contenant, la présence d’un livret qui retrace en de nombreuses photos la naissance du projet invitent à accompagner des yeux le plaisir de l’écoute. Nous sommes donc le 29 août 2010 au Sant’Anna Arresi Jazz Festival, au sud de la Sardaigne. Le cornettiste, compositeur et chef d’orchestre Lawrence D. "Butch" Morris a réuni un ensemble américain-européen pour mettre en œuvre une de ses "conductions", mode de direction et de structuration spontanée (par le geste du chef) d’improvisations orchestrales. Et voilà un Univers possible, une musique en perpétuel mouvement, libre et cependant organisée, riche de climats, de rythmes associés-dissociés, d’alliages sonores pourtant uniques qui semblent familiers. La composition de la formation permet à Butch Morris d’exprimer son inspiration pour faire aboutir son projet. Il faut dire qu’avec des musiciens comme David Murray, Evan Parker, Alan Silva, Hamid Drake, Harrison Bankhead (et les autres), il disposait d’une équipe de tout premier ordre.
On écoutera ce disque comme un des ultimes témoignages de l’œuvre de Butch Morris qui mourut deux ans et demi plus tard, le 29 janvier 2013.
Un coup de chapeau à l’association Punta Giara qui a accompagné jusqu’au bout ce beau projet, de sa mise en œuvre jusqu’à la publication de ce disque... Ah si tous les festivals avaient cette ambition créative à l’écart de modes et des impératifs promotionnels... On peut rêver ?
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Sebastian Rochford est natif d’Aberdeen (Ecosse) et fils d’un poète écossais, ce qui ne l’empêche pas d’être également batteur. Quand il traverse la Manche, on le voit notamment aux côtés de Michel Benita et Andy Sheppard dans le Trio Libero. Il est depuis longtemps le leader du groupe Polar Bear, groupe que l’on qualifiera tout d’abord, pour faire simple, d’expérimental. Pete Wareham (saxophone ténor et baryton), Mark Lockheart (saxophone ténor), Tom Herbert (contrebasse) et Leafcutter John (électronique) sont les autres membres du quintet. Les leitmotivs chantés annoncent la couleur : "Love, Life, Lights " auquel il faut ajouter le "Don’t let the feeling go". À la première écoute, j’ai immédiatement songé que c’était pour le moins une histoire de paix et d’amour, une de ces histoires qui se promenait dans la rue quand j’étais adolescent. Les protagonistes étaient tondus, amplement habillés en orange et déambulaient en agitant des clochettes et autres petites percussions. Il y avait du Krishna à tous les étages et la fumée venait de l’encens, bien sûr. À la deuxième écoute, on pense que l’on a été un peu réducteur. Certes la rythmique obsessionnelle est un tant soi peu hallucinogène mais elle est mêlée d’effets électroniques assez insaisissables pour être remarqués. Qui plus est, Seb Rochford est un créatif et sur ce fondement ferme et métronomique aux subtiles variations, il permet aux deux saxophones d’explorer les étendues tonales qui s’offrent à leurs désirs exploratoires. L’un est rond quand l’autre affiche une raucité marquée. Le contraste fonctionne à merveille et l’on ne sait jamais lequel des deux impose ses vues mélodiques. Au final, le voyage est garanti car Polar Bear promène son imaginaire hors des sentiers rebattus et, avouons-le, on se laisse aisément prendre par la part de rêve qu’il déclenche. Mais ce drôle d’ours polaire est-il jazz ou post-jazz ? La question reste entière. Pour la réponse, c’est vous qui déciderez. Ce qui est certain, c’est que Seb Rochford l’a souhaité positif.
Une interview > ici ! <
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Jakob BRO : "Gefion"
Retrouvez ce disque également dans la "Pile de disques" de mars 2015 !
> ECM 470 9139 – ECM 2381 / Universal Music France
Jakob Bro : guitare / Thomas Morgan : contrebasse / Jon Christensen : batterie
01. Gefion / 02. Copenhagen / 03. And they all came marching out of the woods / 04. White / 05. Lyskaster / 06. Airport Poem / 07. Oktober / 08. Ending // Enregistré à Oslo (Rainbow Studio) les 1er et 2 novembre 2013.
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Patrice CARATINI : "Short Songs"
> Caramusic PC141222 / L’Autre Distribution
Hildegarde Wanzlawe : chant / Rémi Sciuto : saxophones alto et baryton / Patrice Caratini : contrebasse
01. Carinhoso / 02. Blackbird / 03. Au bord de l’eau / 04. Flambée montalbanaise / 05. You’d be so nice / 06. A case of you / 07. Aguas de Marco / 08. Petit homme c’est l’heure de faire dodo / 09. Complainte du partisan / 10. None but the Lonely Heart / 11. L’herbe tendre / 12. Secret Marriage / 13. La plus ceci La plus cela / 14. Les Goélands / 15. Inventaire / 16. J’attendrai / 17. As one / 18. Valse à la gomme / 19. Les haricots // Enregistré en France en décembre 2014 et février 2015 par Sylvain Thévenard.
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Paolo FRESU – Daniele Di BONAVENTURA : "In Maggiore"
> ECM 471 0051 - 2412 / Universal (parution le 30/04/2015)
Paolo Fresu : trompette, bugle / Daniele di Bonaventura : bandoneon
01. Da Capo Cadenza (Di Bonaventura) / 02. Ton Kozh (Fresu) / 03. O que será - El pueblo unido jamàs serà vencido (Buarque - Ortega) / 04. Non ti scordar di me (de Curtis) / 05. Sketches (Fresu - Di Bonaventura) / 06. Apnea (Fresu) / 07. Te recuerdo Amanda (V. Jara) / 08. La mia terra (Di Bonaventura) / 09. Kyrie Eleison (Di Bonaventura) / 10. Quando me’n vò (Puccini) / 11. Se va la murga (Jame Roos) / 12. Calmo (Fresu) / 13. In maggiore (Fresu) // Enregistré à Lugano (Suisse) en mai 2014.
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Mathias EICK : "Midwest"
> ECM 4708910 – 2410 / Universal
Mathias Eick : trompette, compositions / Gjermund Larsen : violon / Jon Balke : piano / Mats Eilertsen : contrebasse / Helge Norbakken : percussion
01. Midwest / 02. Hem / 03. March / 04. At Sea / 05. Dakota / 07. Lost / 08. Fargo / 09. November // Enregistré à Oslo en mai 2014. http://www.ecmrecords.com/Catalogue/ECM/2400/2410.php //
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Alessandro LANZONI : "Seldom"
> CamJazz CAMJ 7881-2 / Harmonia Mundi (parution le 14/04/2015)
Alessandro Lanzoni : piano / Ralph Alessi : trompette / Matteo Bortone : contrebasse / Enrico Morello : batterie
01. Wine And Blood (Lanzoni) / 02. Horizonte (Lanzoni-Alessi) / 03. Yuca (Lanzoni) / 04. Big Band (Lanzoni) / 05. Maleta (Lanzoni-Alessi) / 06. Composition (Lanzoni) / 07. Tri-Angle (Bortone) / 08. Blue Tale (Lanzoni-Alessi) / 09. Zapatoca (Lanzoni) // Enregistré du 18 au 20 mars 2014 au Artesuono Recording Studio à Cavalicco (Udine) Italie.
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Lawrence D. "Butch" MORRIS : "Possible Universe – Conduction n°192 – Sant’Anna Arresi – August 29th 2010"
> Punta Giara association NBR-SAJazz014 / puntagiara@santannarressijazz.it
David Murray : saxophone ténor / Evan Parker : saxophone ténor / Pasquale Innarella : saxophone alto / Greg Ward : saxophone alto / Joe Bowie : trombone / Tony Cattano : trombone / Meg Montgomery : électro trompette / Riccardo Pittau : trompette / Jean-Paul Bourelly : guitare / On Ka’a Davis : guitare / Harrison Bankhead : contrebasse / Silvia Bolognesi : contrebasse / Chad Taylor : batterie, vibraphone / Hamid Drake : percussion / Alan Silva : synthétiseur / Lawrence D. "Butch" Morris : direction
01. Possible Universe part.1 / 02. Possible Universe part.2 / 03. Possible Universe part.3 / 04. Possible Universe part.4 / 05. Possible Universe part.5 / 06. Possible Universe part.6 / 07. Possible Universe part.7 / 08. Possible Universe part.8 // Enregistré en concert au Sant’Anna Arresi Jazz festival (Sardaigne – Italie) le 29 août 2010.
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POLAR BEAR : "Same As You"
> The Leaf Label BAY98CD / Differ-Ant
Sebastian Rochford : batterie, voix / Pete Wareham, Mark Lockheart : saxophone ténor / Tom Herbert : contrebasse / Leafcutter John : guitare, électronique /+/ Shabaka Hutchings : saxophones / Hannah Darling : voix
01. Life, love and light / 02. We feel the echoes / 03. The first steps / 04. Of hi lands / 05. Don’t let the feeling go / 06. Unrelenting Unconditional // Enregistré en Grande-Bretagne en 2014.