L’art des rencontres.

Vous aimez un jazz ouvert aux vents créatifs,
Vous appréciez les passerelles entre les musiques inventives,
Vous êtes intéressés par les démarches innovantes dans le jazz,
Vous affectionnez les équilibres subtils entre improvisation et compositions...
Alors, L’Atlantique Jazz Festival ne peut que vous combler.


Vous êtes gourmands de musique et souhaitez "faire" un festival de A à Z avec un petit budget.
Côté programme, vous êtes plutôt porté comme dans la bonne cuisine, sur les cartes légères et les menus bien équilibrés.
À Brest, vous pourrez goûter à tout (une vingtaine de concerts sur six jours) en prenant le temps aussi de quelques bolées iodées le long de la côte.
Plutôt qu’une indigestion musicale pendant une semaine, vous préférez garder de la place pour tous les desserts qui sont programmés par l’association Penn-Ar-Jazz au fil de l’année (une trentaine).
Alors, l’Atlantique Jazz Festival est fait pour vous et si vous n’avez pas encore mis le cap sur Brest pour ce festival hors des sentiers battus, ne vous privez pas de le faire pour la 15ème édition en octobre 2018 !
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L’Atlantique Jazz Festival, porté par l’association Penn-Ar-Jazz fait entrer de la fraîcheur dans le paysage Jazz. Grâce à sa coopération avec l’Ensemble Nautilis qui compte des musiciens de haute volée et le conservatoire de Brest, ce festival ouvre les portes aux musiques qui n’ont pas froid aux yeux. L’Atlantique Jazz Festival est une invitation à la curiosité avec une ligne esthétique bien affirmée, tournée vers la créativité d’un jazz d’aujourd’hui. Depuis maintenant cinq années, des musiciens de Brest et de Chicago font régulièrement partition commune et la richesse de ces rencontres apporte un souffle nouveau.

Créer des ponts, des passerelles entre les musiciens, entre les musiques, est une évidence à l’Atlantique Jazz Festival. Les rencontres ARCH en sont la démonstration. Cette année, c’est l’Orchestre National de Jazz qui servait de fil conducteur et le midi, dans une salle du CLOUS [1], certains musiciens de l’orchestre partageaient la scène avec leurs collègues d’autres formations dans une synergie créative qui nous a laissé entendre des pépites.

S’il fallait choisir l’une d’entre elles dans la vitrine de ces funambules de l’improvisation, ce serait l’ARCH # 5 du vendredi 13 octobre parce qu’on assistait à un spectacle complet.
Sophie Agnel, Vincent Raude, Céline Rivoal

Céline Rivoal, accordéoniste et Vincent Raude à l’électronique, tous deux issus de l’Ensemble Nautilis rencontraient Sophie Agnel, pianiste de l’Orchestre National de Jazz.
Ces improvisateurs au service de l’œuvre instantanée racontent une histoire, nous emmènent dans un voyage insolite, nous baladent entre les méandres des sons et le silence musical. La force de l’écoute de l’Autre et l’évidence du travail sur le matériel sonore créent un ensemble tellement cohérent qu’on peine à croire que tout cela ne soit pas orchestré. Et pourtant !
D’entrée de jeu, trois silhouettes noires se détachent sur un fond bleu ou rouge. Une chorégraphie spontanée s’invente dans le même temps que la conversation musicale. Est-ce voulu ou est-ce dû à la magie opérée par ces rencontres ? Sophie Agnel et Céline Rivoal ne se meuvent qu’en accord parfait avec leur instrument : balancements, bercements, tandis que Vincent Raude, plus statique, joue le rôle de pivot. L’esthétique participe de l’intense présence de la musique qu’on écoute en retenant son souffle.
Bien campée sur ses deux pieds, Sophie Agnel, l’exploratrice de l’improvisation ne fait qu’un avec son piano. À demi allongée sur sa table d’harmonie, elle le prend à bras le corps et en extirpe la substantifique moelle sonore. Cordes et marteaux sont frappés, caressés. Rien de nouveau sous le soleil pour ce qui est de la technique mais que de conviction et de délicatesse ! L’accordéon de Céline Rivoal chuchote à son oreille, soupire, souffle, se plaint. Avec sa machine à sons, Vincent Raude crée un langage musical d’une grande expressivité qui apporte du piment aux murmures ou grincements des deux autres instruments, de la force au trilogue dans lequel chacun a sa place. La musique prend le temps de respirer.

On s’est trouvés embarqués dans cette aventure et on la prolongerait volontiers.
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ARCH #3 et #4, les 11 et 12 octobre.

Eric Echampard, Fabrice Martinez, Christopher Bjurström

Le midi dans la salle du CLOUS sur les hauteurs de Brest, c’était donc le temps des rencontres ARCH entre des membres de l’Ensemble Nautilis, de l’Orchestre National de Jazz et aussi en présence de Stéphane Payen le 12 puisqu’il était sur la route avec la tournée de Twins (The Bridge#0). C’était aussi l’heure de la soupe de légumes du jour concoctée et offerte par des bénévoles généreux et passionnés : toujours un régal ! Ici on sert la soupe avant, pas pendant le concert !

Que de l’inédit ! Comme ce trio constitué le mercredi 11 pour associer le pianiste brestois aux origines suédoises Christopher Bjurström à Fabrice Martinez (trompette et bugle) et Éric Échampard (batterie). Si les deux derniers sont soudés par une solide complicité dans l’ONJ et ailleurs, ils ne connaissaient visiblement pas le pianiste avant de monter sur scène... Qui l’eût cru en écoutant la musique composée spontanément en un long trait finement brodé par trois experts de l’impro : une longue phase de plus de 30 minutes suivie d’un temps plus concis entamé par un jeu d’harmoniques entre bugle et piano. En rappel, une sorte de fanfare déglinguée, échos d’Albert Ayler et du jazz centenaire fêté comme il se doit. Éric Échampard a rappelé sa sérieuse formation de percussionniste "classique" par une approche subtile et nuancée des toms et cymbales. Fabrice Martinez que nous connaissons plus familier des musiques structurées s’est parfaitement prêté au jeu de l’improvisation, trouvant en Christophe Bjurström un complice ouvert et attentif.

Stéphane Payen, Christophe Rocher

Jeudi 12 octobre, les anches étaient à l’honneur, réunies en quatuor, deux saxophones alto (Stéphane Payen et Nicolas Peoc’h) associés aux clarinettes de Jean Dousteyssier (de l’ONJ) et de Christophe Rocher (ensemble Nautilis). Un jeu de couleurs instrumentales assez singulier pour inventer dans l’instant une musique fluide ou aérienne, linéaire ou escarpée selon le déroulement du discours collectif. Quatre phases improvisées aux climats contrastés pour mettre en lumière la complicité de cet ensemble éphémère. Décidément, l’impro à ce niveau c’est du grand art !


Et au fil des jours pour les concerts de fin de journée...

Mercredi 11 octobre - Le Mac Orlan - 18h00.

Lipazz Trio. Le trompettiste Philippe Champion enseigne au Conservatoire de Brest et c’est également un membre très actif de l’ensemble Nautilis. Dans le cadre chaleureux et intimiste du jazz-club installé au Marc Orlan, un des nombreux lieux de vie culturelle à Brest, il a montré que le Lipazz Trio avait su tirer profit des échanges fructueux avec les musiciens de la scène de Chicago (les projets Arch !). Sortant du cadre rigide du thème encadrant les temps d’expression soliste, il opte pour une forme plus souple où les thèmes marquent des transitions dans un déroulement largement improvisé. D’où une impression très marine de flux et de reflux amenant une diversité des ambiances. De la musique vivante et intemporelle.

Lipazz Trio : Philippe Champion : trompette / Simon Le Doaré : contrebasse / Hugo Pottin batterie

Mercredi 11 octobre - Le Vauban - 20h30

Twins [The Bridge #0]. Haut lieu de la musique à Brest, le cabaret Vauban a vu défiler bien des gloires de la chanson et des musiques populaires depuis plus de 50 ans. C’est toujours un plaisir de descendre l’escalier qui mène à cette salle en deux niveaux pour chercher la chaise qui évitera l’obstacle des piliers. Cette première soirée au Vauban débutait avec le double-duo Twins à savoir Fred Jackson Jr. (saxophone alto) et Makaya McCraven (batterie et électronique) sur la rive américaine de ce Bridge et Stéphane Payen (saxophone alto... droit) associé à Edward Perraud (batterie... excentrique) sur la rive européenne. Un ensemble (The Bridge #0) inauguré avec succès le 26 avril 2013 à Chicago (avec Frank Rosaly et non M.McCraven) qui méritait bien une phase retour avec la belle tournée organisée en cet automne 2017. Une confrontation des styles tout à fait complémentaire, le tempo robuste tenu par Makaya Mc Craven et complété par les couleurs éclatantes du jeu d’Edward Perraud, la sonorité Black Music et le phrasé précis de Fred Jackson Jr. s’associe à l’approche plus ludique développée par Stéphane Payen, visiblement très à l’aise dans ce contexte. Un très beau concert qui fait écho à celui du Périscope à Lyon dont vous a déjà parlé notre camarade Yves Dorison (lire ici...).

Roscoe Mitchell + Will Guthrie.. Un duo très attendu entre le Grand Maître des musiques créatives à Chicago, Roscoe Mitchell et le batteur-percussionniste australien (basé à Nantes) Will Guthrie. Un duo sans rencontre ce soir-là. Roscoe Mitchell s’est emparé de son saxophone sopranino pour se lancer dans un interminable babillage en respiration continue pendant que Will Guthrie déployait toute son énergie à établir un contact visiblement impossible. Un parti-pris peut-être de la part de l’imprévisible musicien chicagoan mais une musique à deux voies en chaussées séparées qui nous a laissés pantois. Assis pour reprendre son souffle après sa chevauchée solitaire linéaire, Roscoe Mitchell s’est montré quelques temps attentif à la présence de son complice, l’échange aura eu lieu peu de temps (alto/percussion) avant de se rompre. On aurait rêvé mieux. C’est ça aussi la musique improvisée : quand ça veut pas, ça veut pas !

Jeudi 12 octobre - Conservatoire - 18h00

Conférence de Yannick Seïté "But suddenly... Le jour où le jazz a débarqué à Brest".
L’Atlantique Jazz Festival a choisi de célébrer le "débarquement du jazz" à Brest (pour faire court !) en 1917-1918. Yannick Séïté avait concocté une conférence passionnante pour tirer les choses au clair à propos des "Harlem Hellfighters", ce régiment américain constitué de musiciens noirs recrutés et dirigés par Jim Europe. Avec une grande concision et une précision indiscutable, Yannick Séïté a passionné son auditoire. Ce n’était peut-être pas vraiment "le jazz" qui se jouait là à cette époque mais il s’est passé quelque chose cette année-là qui aura été déterminant pour le devenir des musiques mondiales.

Jeudi 12 octobre - Le Quartz - 20h30

Salle comble pour le ciné-concert préparé par Christopher Bjurström (piano) et Vincent Raude (électronique) sur la base des images d’archives de l’armée américaine présentant l’arrivée et l’installation de l’armée américaine à Brest en 1917-1918. Excellentes conditions d’écoute face à un vaste écran mettant en valeur la qualité de restauration d’images centenaires qui ont stupéfait nombre de brestois qui avaient bien du mal à reconnaître leur ville. En expert des ciné-concerts (une de ses grandes spécialités), Christopher Bjurström a su arrimer la musique de leur duo insolite à ces images pour associer à ces souvenirs d’autrefois un univers sonore totalement ancré dans le présent.

Jeudi 12 octobre - Le Vauban - 22h00

New Third Coast Orchestra

New Third Coast Orchestra était la création de ce festival 2017. À la fois re-création d’un répertoire déjà interprété par le Third Coast Ensemble et mise en situation réelle d’élèves du conservatoire de Brest encadrés par quelques-uns de leurs enseignants sous la direction de Rob Mazurek. Un moment fort qui est aussi une sorte d’aboutissement du projet Arch puisque le Third Coast Ensemble constitué en 2015 associait un équipage brestois de l’ensemble Nautilis sur la côte Atlantique à des musiciens téméraires des rives du lac Michigan, à Chicago. Rob Mazurek avait composé ce répertoire sur la thématiques des naufrages et des épaves (Wrecks) et Alexandre Pierrepont était l’auteur de quelques textes qui donnent à l’œuvre globale un dimension épique. Un disque vient de paraître sur le label RogueArt pour restituer les performances scéniques de l’ensemble (nous y reviendrons). Sur scène, ce soir là au Vauban, c’est donc le New Third Coast Orchestra qui remettait à flot ce répertoire avec une bien belle énergie suscitée par la présence de Rob Mazurek qui joua d’un orchestre dynamité par la présence rythmique du batteur chicagoan Avreeayl Ra. Un grand moment avec la révélation de talents montants qui parvinrent à "sortir de leur coquille" pour s’impliquer totalement dans le jeu collectif sur des compositions pleines d’allant et de vitalité qui n’évitent pas les débordements. La navigation se devait d’être un tant soit peu tumultueuse. Un voyage exceptionnel !

New Third Coast Orchestra

Rob Mazurek : composition, direction / Baptiste Jaffré : contrebasse / Jean-Marc Perrin : piano / Avreeayl Ra, Nicolas Grande : batterie / Matthieu Bourbigot : guitare / Robin Fréville, Vincent Raude : électronique / Céline Rivoal : accordéon / D. Losquin, M. Lamidey, P. Champion : trompette / Angelo Recorbet, Guillaume Figuié : trombone / F. Thibaudeau, K. Sarrau : saxophone ténor / Thibault Lecorre, Simon Le Galle : saxophone alto / Cristophe Rocher, Pierre Caradec : clarinette / Justine Sion-Henry : flûte

Jeudi 12 octobre - Le Vauban - 23h30

Christophe Rocher, Stéphane Payen, Jean Dousteyssier, Makaya McCraven, Simon Le Daoré, Vincent Raude

Jam session ! À Brest, on sait aussi inventer le présent et le devenir du jazz à l’image de la jam-session du XXIè siècle qui concluait la soirée autour du trio Vincent Raude (electronique), Simon Le Doaré (contrebasse) et Makaya McCraven (batterie et électronique) resté en ville après le concert de Twins, la veille. Les trompettistes Philippe Champion (Brest) et Rob Mazurek (Chicago) célébraient brillamment la première heure de ce vendredi 13 en grands experts de l’impro inventive. Auparavant, Christophe Rocher, Stéphane Payen, Fred Jackson Jr., Jean Dousteyssier et quelques autres étaient venus se joindre à la fête. Grande journée ! [2]

Vendredi 13 octobre - Le Mac Orlan - 18h00

Second début de soirée en formule jazz-club au Mac Orlan avec le quartet de Maxence Ravelomanantsoa, saxophoniste rennais accompagné de son frère Édouard Ravelomanantsoa au piano, Samuel F’hima à la contrebasse et Ariel Teissier (batterie). Une musique solidement construite, interprétée avec beaucoup de cœur, de talent et de conviction... La fatigue commençait à se faire sentir : nous n’avons guère été captivés. À revoir sans doute.

Vendredi 13 octobre - Le Quartz - 20h30

Grande soirée dans la belle salle du Quartz, la Scène Nationale de Brest située juste en face du Vauban. La force des contrastes encore entre le duo Rob Mazurek / Julien Desprez en première partie de l’Orchestre National de Jazz.

Julien Desprez, Rob Mazurek

Rob Mazurek (cornet, cloches, électronique, voix) et Julien Desprez (guitare), la rencontre était inédite et la musique aussi de ce fait. Un moment saisissant qui ne laisse pas indifférent face à deux musiciens qui sont sur les mêmes longueurs d’ondes devant leurs multiples appareillages électroniques. Turbulences, interférences, collisions : cette musique est inévitablement chaotique et quand émerge le cornet de Rob Mazurek, quand s’agite un chapelet de cloches au bout de son bras, lorsque résonne son chant incantatoire, on perçoit la force de l’engagement. Cette musique rude, heurtée porte aussi à sa manière une sensibilité poétique profonde. Vous ne croyez tout de même pas qu’on vous bercera toujours dans un édredon de duvet tout de même.

Orchestre National de Jazz avec Maria Laura Baccarini

Impression toute différente avec Europa Oslo, le nouveau projet de l’Orchestre National de Jazz. Pour ne pas me répéter, je reprends ici le texte déjà publié sur notre page Facebook :
"Le Ravissement", ainsi s’intitulait une composition d’Olivier Benoit qu’il enregistrait il y a sept ans avec le Circum Grand Orchestra (Collectif Muzzix à Lille). Ce ravissement, nous l’avons ressenti en taille XXL avec le projet Europa Oslo, ensemble de compositions du même Olivier Benoit à la tête de l’ONJ sur des textes du poète osloïte Hans Petter Blad.

Ravissement aussi à l’écoute de Maria Laura Baccarini qui donne vie à cette poésie urbaine en jouant de toute la force expressive de sa voix, dans cette musique contrastée, sensible et vivante. En ce 13 octobre, l’Orchestre National de Jazz accueillait deux "remplaçants" de tout premier plan : Régis Huby au violon et Christophe Monniot au saxophone alto. On peut voir dans ce projet la conclusion d’un cycle inspiré par les capitales européennes (Paris, Berlin, Rome et Oslo), un parcours en quatre étapes à travers une démarche sans concessions, exigeante, réfléchie, toute la force de la musique d’Olivier Benoît et c’est étonnamment sur Oslo que le soleil se lève, que la lumière s’adoucit. Il aura fallu pour cela intégrer la poésie réaliste de Hans Petter Blad rendue lumineuse par la force d’interprétation de Maria Laura Baccarini. L’aboutissement heureux d’un ONJ décidément brillant et incontournable !

Olivier Benoît : guitare, composition / Hans Petter Blad : textes / Maria Laura Baccarini : voix / Jean Dousteyssier : clarinettes / Régis Huby : violon / Sophie Agnel : piano / Éric Echampard : batterie, électronique / Alexandra Grimal : saxophone ténor / Christophe Monniot : saxophone alto / Fidel Fourneyron : trombone / Fabrice Martinez : trompette, bugle / Paul Brousseau : claviers / Sylvain Daniel : basse électrique

Samedi 14 octobre - Trois solos pour une balade autour de la Place Guérin.

Avec le soleil revenu, le quartier qui entoure le place Guérin un peu à l’écart du centre-ville prenait des airs de Provence. On jouait aux boules ou au mölkky, on traînait en terrasse... Décidément, Brest nous surprend. Trois lieux, trois heures, trois solos et toujours en fil conducteur cet Orchestre National de Jazz déconstruit-reconstruit au cours de la semaine. Au centre d’art contemporain La Passerelle, dans un espace traversé de structures de béton, sur des coussins, des chaises ou des tapis, on pouvait écouter le solo de Jean Dousteyssier. Le clarinettiste se livrait pour la première fois à cet exercice en public semble-t-il. Il sut parfaitement jouer en exploitant l’acoustique réverbérante du lieu. Une musique et un discours sonore qui évitait la virtuosité pour se centrer sur les composantes du son, continu ou saccadé, en lignes ou pointillés. L’attention soutenue de l’auditoire attestait de la réussite de l’artiste dans ce difficile exercice.

Olivier Benoit

Olivier Benoit s’était installé au Bad Seeds, le petit magasin d’un grand disquaire qui connaît la musique d’aujourd’hui, Christophe Mével qui fut le programmateur du festival dans une autre vie, il n’y a pas si longtemps. Entre le mobilier de ce petit espace, la chaise, l’ampli et l’imposant ensemble de pédales du guitariste, il ne restait plus guère de place pour les spectateurs qui s’entassèrent toutefois jusqu’à frôler le musicien. Juste devant Olivier Benoit, Julien Desprez avait pris place pour ne pas manquer une seconde de ce solo qui joue l’abstraction à travers les glissements, frottements, grincements, résonances. Une approche singulière de l’instrument qui met le son avant la note, la musique avant la norme, la sensibilité libre avant la restitution appliquée. Une sacrée leçon de musique au sens large.

Du trombone pour boucler ce triptyque avec Fidel Fourneyron, un habitué de l’exercice soliste puisqu’il a enregistré un album dans cette formule. Dans une petite salle du Mouton à 5 Pattes, café culturel et solidaire des plus sympathiques, le tromboniste a emmené son auditoire dans une balade aventureuse sur des territoires musicaux balisés à distance par quelques repères rythmiques et mélodiques. Jouant avec l’habileté qu’on lui connaît de toutes les nuances de l’instrument avec ou sans sourdines, introduisant ici et là quelques effets polyphoniques qui pouvaient rappeler Albert Mangelsdorff (qui fut jadis un des pionniers du solo de trombone), Fidel Fourneyron a capté l’attention de son auditoire avec la relative aisance que lui confère l’expérience. Habitué des musiques d’hier autant que pionnier des musiques d’aujourd’hui, il conclut judicieusement avec un thème de Duke Ellington. Une fort belle manière de montrer que la grande famille du jazz n’oublie pas les ancêtres.

Nous ne nous étendrons pas sur la suite et la fin de cette journée du 14 octobre, guère convaincus par le spectacle musical multimedia de Napoleon Maddox (Twice the First Time), récit de la vie des sœurs siamoises Millie-Christine McKoy (1851-1912). La réalisation ne manque pas de qualités mais la musique mêlant hip-hop, soul-music, funk, jazz etc. n’est pas toujours à la hauteur des attentes malgré quelques envolées plus libres et ouvertes. Les rappel permit de retrouver le formidable beat-boxer qu’est Napoleon Maddox dès qu’il est libéré des contraintes narratives.

Notre journée festivalière se sera arrêtée là, après quelques minutes du concert trop bruyant pour nous du duo In Girum (Johan Bourquenez - Sylvain Darrifourcq) à la salle de musiques actuelles de La Carène.
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Dimanche 15 octobre - Église Saint-Louis - 16h00.

Quatuor Machaut : Attention, cette musique peut provoquer de l’émotion !
Ce dimanche après-midi, quatre saxophonistes habitent l’espace de l’imposante et austère église Saint-Louis, reconstruite après la Seconde Guerre mondiale.

Quatuor Machaut

Quentin Biardeau, saxophoniste ténor et ses trois compères souffleurs relisent l’œuvre "La messe de Notre Dame" de Guillaume de Machaut, compositeur du 14ème siècle, à la lumière des musiques du vingt et unième siècle.
Le Quatuor Machaut, du nom de son inspirateur, s’est emparé d’une écriture polyrythmique (et polyphonique) d’une étonnante intemporalité et offre au public un bain de sons bienfaisant pour le cœur et l’esprit.

Nul besoin de connaître l’œuvre de Guillaume de Machaut pour tomber sous le charme . Ce concert est une véritable expérience sensorielle. Les quatre saxophonistes jouent avec l’acoustique du lieu, créant des effets sonores par leurs déplacements dans l’espace. La quadriphonie est cousue main. Le souffle de l’un, mis en écho par le souffle de l’autre... Le Quatuor Machaut nous fait entendre les sons jusqu’au bout d’eux-mêmes.
C’est une musique à écouter les yeux fermés, se laissant emplir par les harmonies et la grâce qui les accompagne. Les sons nous entourent, nous envoûtent. La réverbération du lieu aidant, il y a quelque chose à voir avec le spirituel.

Et comme un peu plus de culture ne peut pas faire de mal... on relira l’article de Pierre Gros, collaborateur de Culture Jazz, à propos de Guillaume de Machaut, c’est ici..., et le compte-rendu de concert d’Alain Gauthier, là... - mars 2016.

Quentin Biardeau : saxophone ténor / Simon Couratier : saxophone baryton / Francis Lecointe : saxophone alto et baryton / Gabriel Lemaire : saxophone alto et baryton

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Dimanche 15 octobre - Le Vauban - 17h30.

Et on touche à la conclusion de ce beau festival 2017. L’émotion est bien présente dans la musique sensible, poétique, vive du quartet de Jacky Molard qui fait rapidement chavirer.

Jacky Molard, Yannick Jory, François Corneloup, Hélène Labarrière, Janick Martin,

Dans la Grande Boutique de Langonnet (Morbihan), leur Friche Articole, Jacky Molard (violon) et Hélène Labarrière (contrebasse) ainsi que leurs amis Janick Martin (accordéon) et Yannick Jory (saxophones alto et soprano) assaisonnent le jazz aux herbes de Bretagne sans oublier de le pimenter de quelques épices venues d’ailleurs, des rivages de l’Afrique aux portes de l’Orient. Du fait maison aux saveurs incomparables avec un cœur gros comme ça qui se brise l’instant d’un hommage à leur copain Jean Aussanaire qui vient de nous laisser devant un vide béant aux portes de l’Océan qu’il aimait tant. Comme ces bretons ont l’âme partageuse, ils ont invité François Corneloup, un habitué de la Grande Boutique (et du label Innacor, la succursale). À quatre et cinq, ils ont fait vibrer l’air du Vauban avec un intense souffle de vie et une énergie communicative (qui restera la force de ce festival d’un bout à l’autre). Un bien beau moment de musique venue de leur album à paraître, Mycelium, à base de compositions concoctées par les invités du disque : François Corneloup (ici présent), Christophe Marguet, Serge Teyssot-Gay, Jean-Michel Veillon et même Albert Marcœur ! On attend le disque, nous en reparlerons, c’est certain !

Bojan Zulfikarpašić, Julien Lourau

On ne présente plus ni Bojan Z. (pour Zulfikarpašić) ni Julien Lourau. Le pianiste et le saxophoniste ont parachevé une complicité de longue date dans diverses formations et styles par un duo tout simple (et profond de ce fait !) qui a permis la réalisation d’un album en 2015 (DuO) et la création d’un label par la même occasion (2Birds1Stone)... on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même surtout après des expériences douloureuses dans le domaine de l’édition discographique. Ces deux là abordent la musique en 3 dimensions en prenant leurs instruments à bras-le-corps pour en sonder les ressources les plus profondes sans perdre le goût et le sens de la mélodie et de l’écoute. Avec le temps, Julien Lourau travaille le son de ses saxophones avec beaucoup de naturel et de sincérité. Au ténor, il fait gronder les graves et s’envoler les aigus toujours avec une grande musicalité. Au soprano, c’est la légèreté, l’agilité qui prime. Bojan Z., pendant ce temps, brode les lignes harmoniques, assure la pulsation sur la caisse du piano, fait rugir ou chanter le Fender Rhodes. La musique se fait devant nous, se joue sans faux-semblants, nous touche par sa sincérité. Ils se sentent bien au Vauban, le disent et nous transmettent leurs bonnes vibrations à travers la musique. Un final des plus positifs ! Le bonheur en somme...
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[1dans le cadre de l’Université de Brest.

[2Publication de notre page Facebook...