SEBASTIAN ROCHFORD – KIT DOWNES . A short diary

Ecm

Sebastian Rochford : batterie
Kit Downes : piano

Pour ce disque absolument indispensable réalisé en hommage a son père, le poète écossais Gerard Rochford (1932-2019), le batteur Sebastian Rochford est accompagné par le pianiste Kit Downes qui, comme son collègue, est un ovni de la scène musicale anglaise. Intitulé A short diary (effectivement, le disque est court), c’est un condensé de poésie musicale joué tout en retenue par deux artistes sensibles. La musique exprime une somme de souvenirs portée par une forme de mélancolie sublimée. Rien de pleurnichard là-dedans, juste l’évocation d’un temps révolu par la mort du patriarche qui, paradoxalement réactive d’autres souvenirs familiaux. Les mélodies sont ciselées, ce qui ne les empêche pas de côtoyer la vastitude changeante des côtes écossaises où Sebastian Rochford a vu le jour. L’émotion parcourt l’entièreté de l’enregistrement et la douce ferveur qui s’en dégage est réellement saisissante. Le dernier titre de l’album a été composé et chanté au téléphone par le poète qui l’avait envoyé à son fils. Il clôt en beauté un disque intime, accessible à tous, et pétri d’une humanité bienveillante qui donne à la vie tout son sens. A ne surtout pas manquer.


https://en.wikipedia.org/wiki/Seb_Rochford


  METTE HENRIETTE . Drifting

Ecm

Mette Henriette : saxophone
Johan Lindvall : piano
Judith Hamann : violoncelle

Encore une fois la Norvège nous surprend avec Mette Henriette, une jeune saxophoniste aux origines samies. Elle propose une musique qui a tout autant à voir avec la musique contemporaine qu’avec le jazz. Cette musique baigne également dans cette langueur typique du grand nord où les grappes de notes s’étalent plus qu’elles ne s’étirent. Le piano flirte avec l’itératif, sinon l’hypnotique, tandis que la violoncelliste et la saxophoniste tissent des draperies paysagères très libres aux irisations multiples. Le trio dans son ensemble aime entrelacer les formes ; et les pièces sont souvent brèves, elles se développent dans une unité de ton intense mais néanmoins empreinte d’une fragilité propice à l’effacement de la continuité temporelle. Avec un rythme et des modulations qui leur sont propres, Mette Henriette et ses collègues musiciens tracent un chemin original, labyrinthique, aux textures inhabituelles, qui expose à notes feutrées une intimité et une spiritualité aux reflets ethniques en tout point convaincantes. A écouter attentivement pour profiter au mieux de cet univers nuancé somme toute assez indescriptible.


https://mettehenriette.com/


  FALKNER EVANS . Through the lens

Consolidated Artists Productions

Falkner Evans : piano

Suite logique du disque « Invisible words » paru en 2020 (chronique de l’album ici), le nouvel album en solo de Falkner Evans creuse un peu plus le sillon du souvenir et des états d’âme qu’il convoque. Toujours dans un état de suspension interrogative, le pianiste développe des mélodies entêtantes en toute liberté. Sous un aspect de simplicité première due à l’accessibilité des mélodies, la musique de Falkner Evans demeure emplie d’une complexité faite de lignes méandreuses que la totale improvisation lors de l’enregistrement magnifie. Ancrée dans l’émotion profonde, elle tente de conserver, d’éclairer, les instants mémoriels d’un passé achevé par le décès de son épouse. C’est un disque intime au lyrisme doux, presque diaphane, homogène au plan narratif, qui semble glisser sur le temps en s’attardant d’un moment l’autre sur les recoins d’un paysage infiniment mélancolique. Témoignage musical intense, cet album demande une écoute approfondie. Il mérite toute votre attention.


https://falknerevans.com/


  ANDERS JORMIN . Pasado en claro

Ecm

Anders Jormin : contrebasse
Lena Willemark : voix, violon, alto
Karin Nakagawa : koto
John Fält : batterie, percussions

Entre poésie et musique, ce nouvel album d’Anders Jorin est le fruit de multiples textes de référence allant de poèmes anciens chinois et japonais à la poésie scandinave contemporaine, d’Octavio paz à Pétrarque. Avec une telle diversité dans les influences, faire un disque homogène aurait pu paraître une gageure. Mais cela, c’eut été sans compter avec la virtuosité du quartet. Des cordes, des percussions et une voix qui s’écoutent et se répondent en profonde empathie suffisent à faire de ce disque un objet musical surprenant. Les quatre musiciens parviennent ensemble à créer un de ces folklores imaginaires et improbables comme souvent les scandinaves savent les produire. C’est donc d’une musique nouvelle qu’il s’agit ici, née d’un passé composite mais dont toutes les sources se rejoignent dans leur humanité première. Pasado en claro peut se traduire par le passé en toute clarté. Dans ce Cd, tout est clair, empli d’espace et de résonance qui se cristallisent autour de la voix de Lena Willemark, cette dernière donnant aux mélodies qu’elle interprète un rendu charnel inspiré et inspirant. Remarquable.


http://www.xgac.se/jormin/