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  ESCAPE LANE : "The Bridge Sessions 05"

En préambule...
Les rencontres de musiciens américains et européens font partie de l’histoire ancienne du jazz. Cela fonctionna longtemps en sens unique de l’Amérique vers l’Europe et, souvent pour des raisons économiques, un soliste de renom composait sa rythmique sur le vieux continent jusqu’à ce que certains, ravis de l’accueil, ne décident de s’installer ici. Le vent a tourné depuis la fin du XXè siècle avec la mise sur pied de systèmes d’échanges à double sens. Dans ce domaine, Jean Rochard et le label nato, font figure de précurseurs en créant un réseau très actif entre la France (la Grande-Bretagne aussi) et Minneapolis pour aboutir à la constitution de formations mixtes jouant de part et d’autre de l’Atlantique. Depuis 2013, le réseau d’échanges The Bridge œuvre dans le même sens avec un projet très abouti et construit sur la base des travaux de recherche de l’anthroplogue et ethno-musicologue Alexandre Pierrepont. En grand connaisseur de la sphère musicale créative de Chicago [1], ce dernier a su fédérer des énergies pour concrétiser l’envie "d’être réellement en interconnaissance" manifestée par des musiciens européens et nord-américains avec un sens de circulation ainsi défini :"Chaque année sont organisées quatre traversées de deux à trois musiciens à la fois, américains vers la France, français vers les États-Unis, alternativement." Et ça fonctionne depuis bientôt cinq ans avec, en France, des concerts sont programmés dans des lieux partenaires et la publication d’albums sur le label The Bridge. Une initiative remarquable à suivre avec attention !

Escape Lane / The Bridge Sessions est le cinquième volume de la série [2]. Il paraît en ce début d’année 2017 pour restituer un enregistrement réalisé à Chicago en novembre 2014 lors du séjour de deux semaines des deux français, Joachim Florent et Denis Fournier. Une durée définie pour "pour favoriser les échanges" et permettre aux musiciens de mieux se connaître. Ainsi a pris forme cette musique paisible et aérée qui met en évidence un sens profond de l’écoute mutuelle. On remarque la présence du trompettiste Marquis Hill (musicien qui nous avait fait excellente impression avec son quartet en novembre à Clermont-Ferrand ! ...lire ici...). Il joue tout en retenue sans aucun effet d’éclat en se fondant dans la musique mouvante d’un ensemble dans lequel Joachim Florent (un des ardents activistes du collectif Coax) se révèle en contrebassiste économe, égrainant les graves avec finesse et retenue en parfaite entente avec Denis Fournier, rythmicien coloriste d’expérience parfaitement à son aise dans un tel contexte. Pour parfaire l’habillage flottant de l’ensemble, le guitariste Jeff Parker fait preuve d’une grande inventivité entre jeu pointilliste en accords et utilisation subtile de quelques effets. Une belle leçon de musicalité qui va à l’encontre des démonstrations de virtuosité vide qu’on nous afflige bien souvent par ailleurs.
Un témoignage exemplaire d’une forme musicale singulière, très accessible et cependant aventureuse née d’un fructueux rapprochement inter-continental.

.::Thierry Giard: :.


  Jim HALL – Red MITCHELL : "Valse Hot – Sweet Basil 1978"

Ceux qui connaissent le mythique « Live at the Village West » de Jim Hall et Ron Carter peuvent d’emblée acheter cette édition d’inédits et se repaître de ce live de 1978 dans laquelle big Jim croise le fer avec Red Mitchell. Non pas qu’elle soit une copie conforme, non, mais parce que le guitariste de Buffalo, au mieux de sa forme, fait face à un contrebassiste (un peu mésestimé de nos jours) faisant vibrer sa contrebasse dans une profondeur boisée, diablement charnelle, qui ferait presque oublier la richesse et l’originalité musicale du discours proposé. Alors même si l’on aime énormément Jim Hall, nous avons tendance à penser que c’est un CD de Red Mitchell accompagné par un Jim Hall brillant mais pas forcément leader. Et vous savez quoi ? C’est très bien comme ça.

.::Yves Dorison: :.


  The Fred HERSCH Trio : "Sunday Night at The Vanguard"

Fred Hersch aime l’exercice du piano solo comme il le démontra encore en décembre lors de son passage à Paris (Pierre Gros l’a écouté au Duc des Lombards) ou en conclusion de cet album. Il excelle aussi dans l’art du duo comme il le prouva en compagnie du trompettiste Ralph Alessi (« Only Many » - 2013). C’est en trio qu’il se produisait au célèbre Village Vanguard de New York le dimanche 27 mars 2016, un lieu mythique : "Le meilleur endroit du monde pour jouer en piano-trio" écrit-il dans les notes de pochette, "le Carnegie Hall des clubs de jazz !". Cette formation, riche de sept années d’expérience commune, se montre à la hauteur de l’enjeu dans un tel contexte et nous offre une musique particulièrement équilibrée entre respect des formes du jazz et créativité subtile sur un répertoire de compositions originales et de reprises (de Monk à McCartney...). La fluidité de son jeu de piano complète une belle inventivité harmonique et rythmique (Calligram, dédicace à Benoît Delbecq...) rend son discours très accessible et le jeu de nuances, les espaces laissés à ses complices rendent l’écoute de ce trio particulièrement intéressante. Il faut dire qu’avec des partenaires de la trempe de John Hébert, contrebassiste au jeu très mesuré, et du batteur Eric McPherson, on atteint un point d’excellence. Un très beau disque qui mérite une écoute des plus attentive pour en découvrir les subtilités au fil du temps. C’est en concert, donc sans filet : bravo les artistes !

.::Thierry Giard: :.


  Arne JANSEN Trio : "Nine Firmaments"

Faudrait voir à pas confondre Arne Jansen avec Arne Jansen… Il y a d’abord l’inestimable, et néanmoins décédé, chanteur néerlandais (1957-2007), chantre absolu d’une génération de blonds en sandales férus de camping à la provençale, génération que l’on imagine, à défaut de la connaître vraiment. (...voir ici !...) Et puis il y a le guitariste allemand, plus jeune et vivant et berlinois, qui signe « Nine firmaments », un disque en trio pas désagréable à écouter mais qui ne révolutionnera pas la face du globe tant il est marqué de la patte du Pat. Metheny par ci, Mes tennis par là. Ce n’est pas la pire des influences me direz-vous. Oui, oui. Mais bon, nous avons l’impression étrange et quasi dérangeante d’écouter un vinyle de 1979 (environ), un de ces disques sur lesquels on a fumaillé/emballé un peu beaucoup. Alors même si les musiciens sont bons, vous conviendrez avec nous que l’on préfère écouter les originaux de l’époque, les trios Scofield/Abercrombie/Nussbaum et les Abercrombie dont on sent également l’influence parcourir ce CD. Pourquoi donc alors faire une chronique ? Parce que finalement, Oui On aime bien cette époque, que le privilège des vieux est d’avoir eu une jeunesse et que Arne Jansen, au bout du compte, nous fait l’honneur de l’aimer. Allez, Are you going with me ?

.::Yves Dorison: :.


  Marion RAMPAL : "Main Blue"

Écoutons la marseillaise ! Marion Rampal, native de la cité phocéenne, est une des voix qui comptent dans la vaste sphère du jazz d’aujourd’hui. Peu soucieuse de s’inscrire dans les courants porteurs des modes du moment, elle a choisi de revenir à l’âme du blues et des musiques originelles du sud des USA dans un disque "bleu profond". Elle a composé l’essentiel de cet album au cours d’un voyage en Louisiane et c’est en France ensuite que cette musique a pris forme avec la complicité de Pierre-François Blanchard aux claviers et d’Anne Paceo à la batterie. Trois musiciens qui ont pour ami commun Raphaël Imbert, notre grand spécialiste de ces musiques qui sont le terreau du jazz, qui associe la voix de Marion Rampal à ses projets depuis la création de sa Compagnie Nine Spirit à Marseille et a sollicité Anne Paceo pour le disque "Music is my Home" (Jazz-Village, 2015).
Dans Main Blue, Marion Rampal invite, quelques touches subtiles, Julia Saar (voix) et Sébastien Llado (trombone) qui viennent colorer cette musique qui transmet la force artistique d’un projet très cohérent. Marion Rampal joue de la voix d’une manière inventive mais inspirée par la tradition avec quelques audaces vocales et un sens des nuances qui ne laissent pas indifférent. Elle passe très naturellement d’une chanson de marin au blues-rock de Go for it, évoque le gospel (Let the wind blow) et conclut superbement en solo (À la mer) ce très beau disque qui devrait séduire bien au delà du cercle des amateurs de jazz et de blues sans perdre son âme dans la recherche de la séduction à tout prix. Et si l’on ne devait écouter qu’un titre, ce serait sans doute "La belle et les trois capitaines", une mélodie traditionnelle de Louisiane collectée en 1957. On y entend la voix authentique d’Alma Barthelemy intégrée à l’enregistrement.
Une belle réalisation et un projet personnel qui a du caractère.

.::Thierry Giard: :.


  Références, détails et liens :

ESCAPE LANE : "The Bridge Sessions 05"

> The Bridge - 05 / https://thebridgesessions.bandcamp.com/

Marquis Hill : trompette / Jeff Parker : guitare électrique / Joachim Florent : contrebasse / Denis Fournier : batterie

01. Lane Open / 02. Le sel de la situation / 03. Lever de soleil au loin sur le lac agité où s’est refugiée, usée, la tempête / 04. 4800 S Lake Park (l’encrier) / 05. Franchissements / 06. Rough Grooved Surface / 07. Une petite fille danse assise // Enregistré à Chicago (USA) le 7 novembre 2014.

Jim HALL – Red MITCHELL : "Valse Hot – Sweet Basil 1978"

> ArtistShare / www.artistshare.com - (P) 16/10/2016

Jim Hall : guitare / Red Mitchell : contrebasse

01. Now’s the Time / 02. Valse Hot / 03. Alone Together / 04. There is no Greater Love / 05. God Bless the Child / 06. Stella By Starlight // Enregistré au Sweet Basil, New York, les 18 et 19 janvier 1978.

The Fred HERSCH Trio : "Sunday Night at The Vanguard"

> Palmetto Records - PM2183 / Bertus

Fred Hersch : piano / John Hébert : contrebasse / Eric McPherson : batterie.

01. A Cockeyed Optimist (Rodgers-Williamson) / 02. Serpentine (Hersch) / 03. The Optimum Thing (Hersch) / 04. Calligram (for Benoit Delbecq - Hersch) / 05. Blackwing Palomino (Hersch) / 06. For No One (McCartney) / 07. Everybody’s Song But My Own (Wheeler) / 08. The Peacocks (Rowles) / 09. We See (Monk) / 10. Encore : Valentine (Hersch) // Enregistré au Village Vanguard de new York le 27 mars 2016.

Arne JANSEN Trio : "Nine Firmaments"

> Traumton Records - Traumton 4633 / www.traumton.de

Arne Jansen : guitare / Robert Lucaciu : contrebasse / Eric Schaefer : batterie /+/ Stephan Braun : violoncelle sur 10.

01. Here We Go / 02. Deep Wood / 03. Ahead Of Us (Down The Hillside) / 04. The Three Of Us / 05. It’s Always Night / 06. Klingsor’s Last Summer / 07. Neither Powder Nor Plaster / 08. Between Two Moons / 09. Lee’s Summit / 10. He Who Counts The Stars // Enregistré récemment en Allemagne.

Marion RAMPAL : "Main Blue"

> e-motive records - EMO161 / L’Autre Distribution

Marion Rampal : voix / Anne Paceo : batterie, voix sur 2, 3, 5 et 7 / Pierre-François Blanchard : claviers, voix sur 5 et 9 /+/ Julia Sarr : voix sur 2 et 5 / Sébastien Llado : trombone sur 5.

01. Source (P-F. Blanchard) / 02. Let the Wind Blow / 03. Savage / 04. 5 PM Song / 05. The Perfect Husband / 06. Chanson de marin / 07. The Heart / 08. La Belle et les trois Capitaines (trad.) / 09. Go for it / 10. Visitation of the Bayou Maharajah / 11. Soul of a Man (Blind Willie Johnson) / 12. A la mer // Enregistré récemment au studio des Bruères, Mignaloux-Beauvoir (86).

[2Nous n’avions pas reçu les quatre précédents albums... et prenons l’histoire en marche !